Charles Michel © BELGA

Dans quel état se trouve la comptabilité de notre pays?

Jonathan Holslag
Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

« Ces trois dernières années n’étaient pas une période de grands défis financiers, mais une ère d’opportunités manquées », écrit le professeur Jonathan Holslag (VUB).

La dette publique belge a baissé au niveau le plus bas depuis 2011, titraient les journaux la semaine dernière. Ces chiffres m’ont intrigué et je soupçonne qu’il en va de même pour beaucoup d’autres compatriotes. Dans quel état se trouve la comptabilité de notre pays ? Depuis l’entrée en fonctions du gouvernement Michel, la situation n’a pas empiré, c’est la bonne nouvelle, mais il n’y a pas eu non plus de véritable amélioration.

Pour commencer, la dette publique a-t-elle réellement baissé à ce point? Si l’on regarde la part de notre production intérieure, le PIB, la dette publique a effectivement baissé : d’environ 107% de notre PIB lors de l’entrée en fonctions du gouvernement Michel en 2014, jusqu’à 101% aujourd’hui. En chiffres absolus, cette baisse ne représente pas grand-chose. Depuis l’entrée en fonctions de ce gouvernement, la dette nette a baissé de 5 milliards d’euros, sur un total de 386 milliards d’euros. On n’a pas réalisé de budget en équilibre, pourtant l’une des promesses du gouvernement. Ce gouvernement est tout sauf un champion d’économies. Après, il est inutile d’accuser uniquement cette équipe gouvernementale. Hormis le gouvernement Van Rompuy, il n’y a eu ces vingt dernières années aucun cabinet capable de mieux dompter les dépenses publiques qu’ailleurs dans la zone euro.

Reste à voir évidemment s’il est utile d’économiser à l’état. Les dépenses publiques ne doivent pas poser de problème si elles sont employées d’une façon qui renforce l’économie. Investir en infrastructure, recherche et enseignement (certainement à présent que les taux sont bas), pourrait nous aider à rendre ce pays plus compétitif et à rembourser la dette par une croissance supplémentaire.

Le drame c’est que nous ne le faisons pas. D’une part, seule une fraction des moyens publics est consacrée à l’infrastructure, nettement moins que dans de nombreux pays européens comparables. C’est le cas depuis des années et il n’y a presque pas de projets pour moderniser notre infrastructure, de l’énergie aux villes. D’autre part, on voit qu’une part nettement plus importante de nos dépenses – en personnel public – renforce à peine notre compétitivité. Beaucoup de personnes travaillent dans le secteur public, mais la qualité de nombreux services est médiocre et évolue négativement comparée à d’autres pays européens.

L’évolution de notre dette publique est une chose, la position générale de notre pays en est une autre. Cette position financière est difficile à évaluer. Les bilans de la Banque Nationale comprennent beaucoup de capital de grandes entreprises ou de riches particuliers volatiles. Une constatation : la capacité financière nette des familles, c’est-à-dire que leur épargne moins les obligations de dette, a à peine augmenté depuis 2015 et 2017 et en tout cas moins rapidement que les sept années d’avant. La capacité financière nette des institutions financières a également sensiblement diminué. Dans d’autres entreprises, la capacité financière nette a peu changé, mais ce qui frappe, c’est que depuis 2015 elles ont à peine investi en infrastructure : bâtiments, machines, informatique, etc.

Un dernier indicateur de notre santé financière concerne la position de la dette par rapport au reste du monde. Ces trois dernières années, notre pays a enregistré un petit déficit sur le compte courant, ce qui nous a obligés à souscrire un peu plus de crédits à l’étranger. La situation est à nouveau complexe : alors que les Belges ont acheté de grandes quantités d’actions à l’étranger, l’état et la Banque centrale ont contracté environ 40 milliards de dettes à l’étranger, surtout des emprunts accordés par la Banque centrale européenne à notre Banque Nationale.

Il ne s’agit pas de catastrophe financière, mais la santé financière de notre pays n’a pas vraiment progressé. Il n’y a pas du tout de rupture. Il est inquiétant que notre pays ne profite pas du calme et des taux bas pour enfin développer une stratégie d’investissement digne de ce nom. Les entreprises temporisent et les différents gouvernements savent à peine comment coupler une politique d’investissement à une vision à long terme pour notre énergie, nos villes, notre infrastructure de soins, etc. Ces trois dernières années n’étaient peut-être pas une période d’importants défis financiers, mais je le crains, à nouveau un temps d’opportunités manquées.

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