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Dans les coulisses de la soirée électorale de RTL

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le héros d’un roman de Stendhal, Fabrice Del Dongo, a traversé le champ de bataille de Waterloo sans rien comprendre des événements qui s’y produisaient. Fébriles et exaltés, les participants à la soirée électorale de RTL, dimanche soir, auraient tous bien pu camper le héros de la Chartreuse de Parme : ils ont parlé sans rien savoir, meublé sans rien dire, et, pour certains mêmes, triomphé sans savoir avoir gagné.

Dès 16h00 pourtant, sur le plateau, Alda Greoli surtout, qui se réjouissait de ne pas s’effondrer comme redouté, Sophie Wilmès et Christos Doulkeridis aussi, pouvaient commenter un sondage qui disait que les sondages s’étaient trompés. Mais bien sûr il était trop tôt pour tirer des conclusions, monsieur Vrebos. Avec quelques aménagements légers, ce sondage de Pascal Delwit (ULB) donnait la bonne tendance. Mais les résultats complètement partiels qui allaient arriver péniblement, dans les heures qui suivaient, semblaient dire le contraire, ce qui permit à certains de dire que le sondage qui disait que les sondages s’étaient trompés s’était trompé, ce qui se révèlerait faux lundi matin, mais qui pouvait sembler un peu vrai dimanche soir. Mais arrêtons tout, ce dimanche 26 mai à 16h11, car Alix Battard annonce qu’on a une première réaction d’Elio Di Rupo, qui avait déjà réagi le matin. « Attendons avant de réagir », répète comme le matin Elio Di Rupo. L’antenne repasse au plateau, ou Pascal Vrebos demande à Sophie Wilmès ce qu’il faut en penser, et la ministre du Budget dit qu’il faut attendre avant de réagir alors qu’arrive Frederic Daerden. Il a le bras en écharpe et explique qu’il faut attendre avant de réagir, et Pascal Vrebos demande à Pascal Delwit ce qu’il en pense, et Pascal Delwit dit qu’il faut attendre avant de réagir. Mais arrêtons tout car Alix Battard annonce qu’on est en duplex avec le siège de DeFI, ou Bernard Clerfayt ne peut pas dire qu’il faut attendre car il est interrompu par Alix Battard qui donne l’antenne à « notre moto RTL » qui suit la voiture d’Elio Di Rupo, « qui pourrait être en train de se rendre au boulevard de l’Empreur », apprend-on juste avant que Pascal Vrebos demande à Marie Nagy ce qu’il faut en penser, et qu’elle dise qu’il faut attendre avant de réagir.

Benoît Hellings, Georges Dallemagne, Emmanuel De Bock, Georges-Louis Bouchez, qui reste en studio quarante minutes pour parler une seule fois, qui en sort en s’en plaignant, mais qui revient vingt minutes plus tard, Jean-Paul Wahl, et Gilles Vanden Burre disent aussi qu’il faut attendre avant de réagir, mais arrêtons tout, dit Alix Battard, parce qu’Elio Di Rupo descend de sa voiture. « C’est beaucoup trop tôt pour dire quoi que ce soit », dit-il, et on reprend l’antenne où Rudy Demotte arrive pour dire qu’il est beaucoup trop tôt pour dire quoi que ce soit. Mais on doit l’interrompre, car Mathieu Col est en direct du siège du Mouvement réformateur, où il a presque vu Charles Michel et où il interviewe Didier Reynders et Jean-Luc Crucke, qui, ensemble, disent qu’ils faut se laisser le temps de l’analyse avant de réagir. A 17h49 Mathieu Col aura encore repéré Charles Michel, qui passait par l’arrière du bâtiment. Mais on devra attendre avant de réagir, et dans les coulisses, entre le canapé bordeau, les plantes vertes et le petit coin pour les retouches de maquillage, Caroline Désir, puis François Desquenes, puis Valérie De Bue, puis Karine Lalieux attendent longtemps de passer en studio pour dire qu’il faut attendre avant de réagir. Ca fait un peu trop de monde dans les coulisses du studio, au premier étage de la RTL House, avec les attachés de presse, les journalistes, les politologues et les amis, alors le porte-parole de RTL invite « vraiment toutes les personnes présentes à passer au buffet qui se trouve au rez-de-chaussée, il y a à manger, à boire, et des télévision », mais il n’y a personne au buffet du rez-de-chaussée.

Marie-Christine Marghem
Marie-Christine Marghem© N.D.

Et puis Marie-Christine Marghem arrive avec son mari et sa collaboratrice, passe devant le miroir qui se trouve dans le coin en face du canapé bordeau, et dit « Oh mais quel beau miroir », et son mari et sa collaboratrice descendent au buffet du rez. A 19 heures, Pascal Vrebos y descend, au rez. C’est le journal et c’est sa pause. On n’a toujours pas la moindre indication significative des résultats en Belgique francophone, et d’ailleurs en regardant le JT, depuis le buffet, Karine Lalieux dit que tant qu’on n’aura pas les résultats des cantons de Molenbeek, Bruxelles-Ville, Anderlecht et Saint-Gilles, ça ne sert à rien de réagir. Quand l’émission reprend, il y a en coulisse Michel De Maegd qui embrasse tout le monde et qui regarde la grande télévision installée en face du canapé bordeau. Arrive Benoît Lutgen, Michel De Maegd se lève mais il n’y a que Benoit Lutgen qui entre dans le studio. Arrive Bernard Clerfayt, Michel De Maegd se lève mais il n’y a que Bernard Clerfayt qui entre dans le studio. Arrive François Schepmans et Michel De Maegd se lève mais se rassied parce qu’il sait qu’il n’entrera dans le studio que quand Françoise Schepmans en sera sortie.

A 20h il n’y a toujours de résultats fiables qu’en Flandre, où l’extrême droite triomphe. On croit que Maxime Prévot va prendre la parole, alors on lance le duplex de La Bruyère, mais Maxime Prévot voulait seulement remercier les gens qui étaient venus à La Bruyère.

Les gros bras arrivent toujours plus.

Mais ils n’ont toujours rien à dire.

Jean-Luc Crucke, Germain Mugemangango, Georges Gilkinet, François Desmet, Rachid Madrane, qui se dispute très fort avec Pascal Vrebos et Michel De Maegd qui est entré dans le studio et qui interrompait tout le monde, puis Rudi Vervoort, Céline Fremault, et Didier Reynders qui s’installe et qui a à peine le temps de dire que dans l’attente de résultats plus significatifs il ne sert à rien de réagir à ce sondage sortie des urnes qu’Alix Battard l’interrompt, parce qu’en duplex Bart De Wever explique qu’il n’est pas fan du cordon sanitaire, pas fan du Vlaams Belang non plus, et que le souverain va avoir besoin de Dafalgan. Marie Arena est dans le coin depuis un quart d’heure. Mais à 21h28 elle s’en va sans avoir pris la parole parce qu’elle doit être à la RTBF à 21h45 et « qu’ils préfèrent laisser Almaci parler de la pluie et du beau temps ». Meryem Almaci, Jean-Marc Nollet et Zakia Khattabi ont pris la parole pour dire qu’ils avaient gagné.

Mais on n’a toujours pas de résultats significatifs.

Michel De Maegd
Michel De Maegd© N.D.

D’ailleurs à 21h43, en duplex du SPF Intérieur, un monsieur explique que le réseau était saturé mais que tout va bientôt rentrer dans l’ordre, et qu’alors on pourra réagir aux résultats, et Philippe Delusinne, le parton de RTL, qui accueille en souriant tous les participants depuis le matin, s’énerve et dit qu’on ne va pas garder l’antenne jusqu’à minuit. A 21h52, Didier Reynders quitte le studio pendant qu’en duplex Raoul Hedebouw a pris la parole à Liège pour dire qu’il avait gagné. A 22h03 Alix Battard lance le duplex avec le MR, où Mathieu Col a vu les gardes du corps de Charles Michel, ce qui veut dire qu’il va parler pour dire qu’il a gagné, ce qu’il fait à 22h20, ce qui fait interrompre Didier Gosuin par Alix Battard. A 22h28 Pascal Vrebos coupe Didier Gosuin parce qu’Elio Di Rupo va prendre la parole pour dire qu’il a gagné, ce qu’il fait.

Puis Didier Gosuin conclut et c’est Maxime Prévot qui, à La Bruyère, dit qu’il a gagné.

Et à 22h42, Pascal Vrebos annonce que le rideau va se baisser, et Alix Battard souhaite bon anniversaire à Pascal Vrebos.

L’antenne est rendue, et tout le monde a donc gagné, mais pas comme d’habitude, où même ceux qui savent qu’ils ont perdu disent qu’ils ont gagné. Ce 26 mai 2019, même ceux qui ont perdu n’étaient pas tout à fait certains d’avoir perdu au moment où ils disaient avoir gagné.

Cette fois, même ceux qui ont connu leur Waterloo avaient la maîtrise de Fabrice Del Dongo.

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