Carte blanche

Culture : « où êtes vous, Madame la Ministre ? Pas sur le terrain, nous avons cherché partout »

Madame la Ministre, aidez-nous à promouvoir les Lettres, soyez ministre de la Culture ! Grande, forte, curieuse et audacieuse ! Si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez nous voir, nous avons l’expertise…

Lettre ouverte à

Madame Bénédicte Linard,

Ministre de la Culture FWB

Madame Linard,

Vous êtes Ministre de la Culture depuis 7 mois, je suis éditeur depuis plus de 40 ans ! Dans le domaine essentiel de la réédition patrimoniale, de l’Histoire et de la Littérature.

Nous avons perdu le peu de soutien financier que nous avions le 24 décembre 2018. Pas seulement nous, mais tous ceux qui ont été victimes des coupes sombres de l’état dans les budgets de la Justice, des Soins de santé, de l’Education (où nos jeunes lisent de moins en moins et viennent à la traîne des rapports PISA), de la Culture…

Nous savons maintenant que ces mutilations budgétaires ont contribué à la situation que nous vivons aujourd’hui, un chaos où le gouvernement n’arrive plus à justifier ses manques, et n’a aucune perspective crédible. Tout ça parce que l’état a voulu se substituer à une société privée pour faire toujours plus de marge (jobs jobs jobs, réduire les coûts, augmenter les marges…). Est-ce vraiment ce que le citoyen souhaite, un monde de statistiques et d’occupations pour étudiants ?

Maintenant que nous ne vendons plus un seul livre puisqu’on a baissé les volets des bouquinistes, les éditeurs vont déposer leurs bilans, probablement les libraires aussi. Nous avons entendu il y a quelques jours que vous aviez débloqué un montant insuffisant pour palier le désastre que vivent les comédiens, les techniciens du spectacle, etc. Rien pour le livre, on verra plus tard ! Quand ?

Il me semblait pourtant que le livre était un bien de première nécessité ? Qu’il était taxé à 6% de TVA justement pour cette raison (comme la nourriture dans les grandes surface qui, elles, continuent tranquillement à enrichir leurs actionnaires en augmentant insidieusement leurs prix, sans prime pour les caissières).

À la suite de vos annonces, en tant que nouvelle ministre de la culture, vous prétendiez qu’en tout cas votre priorité serait de travailler avec les acteurs du terrain. Je vous ai envoyé un courrier, il y a 3 mois, début janvier, pour mettre mes 40 ans d’expérience gracieusement à votre disposition. À ce jour, je n’ai reçu aucune réponse, pas même un accuser de réception (les ministres le faisaient par politesse il y a quelques années encore). Ce courrier a été envoyé à votre cabinet, à l’administration, 3 adresses différentes…

Où êtes vous, Madame la Ministre ? Pas sur le terrain, nous avons cherché partout. Nous sommes la Culture, le Livre, le théâtre, la peinture…

Ne nous vantez pas le Portail Objectif Plumes, le Carnets et les Instants, la Maison CFC place des Martyrs, la librairie Wallonie-Bruxelles à Paris… Ce n’est pas votre rôle, vous êtes Ministre. Tous ces parastataux coûtent un porte-avions au contribuable sans qu’on ne se soit demandé si c’était vraiment ça que le citoyen souhaitait. Ces organes sont animés par des fonctionnaires de l’état, financés par l’état, un gouffre sans fond.

Moi, j’aimerais vous parler des professionnels, des artistes et artisans, de ceux qu’on pourrait appeler des d’infirmiers et infirmières sociaux. Vous êtes leur Ministre, pas la Chief executive officer de quelques parastataux. Vous devez aller les voir comme vous le promettiez, ils ne sont pas très nombreux. Je vous parle d’un secteur de l’état, de la passion d’une profession qui rend ce monde meilleur, qui le forme, sans créer de concurrence déloyale.

Les libraires, les éditeurs, la culture, demandent un soutien de leurs structures (on sait depuis Balzac qu’elles ne peuvent vivre sans aide, il n’y a par exemple pas d’Opéra sans subvention).

Où êtes-vous, Madame le Ministre ? On n’entend que l’écho dans la caverne de la culture. Je ne veux pas croire que vous allez juste assister à la chute d’un bras culturel déjà atteint par une sorte de diabète ? Venez nous voir, un jour sur deux par exemple, descendez chez un éditeur, dans un théâtre, chez un libraire. Répondez à votre courrier.

Mais pour la culture aussi, le livre, ça n’a été que des économies ces dernières années, des suppressions de subventions (il n’y a pratiquement plus de réédition patrimoniale en Belgique !) À quoi sert cette Promotion des Lettres (qui passe en fait son temps à la destruction des Lettres), sinon à saupoudrer quelques cacahuètes de complaisance à l’un ou l’autre, et à payer les salaires de ses fonctionnaires.

Où êtes-vous, Madame le Ministre ? Vous n’aviez pourtant pas participé à cette régression inéluctable (nous l’avons vécue cruellement). Vous étiez vierge et nous espérions qu’une ministre écolo apporterait peut-être un vent de réelle promotion et d’intérêt. On se mettait presque à rêver à une nouvelle Jean-Luc Outers, Jack Lang, François Mitterrand…

En France justement, le 3 avril dernier, Antoine Gallimard sonne l’alarme face au risque d' »une vague de faillites » dans l’édition et les librairies. Il demande la mise en place rapide d’un « dispositif de soutien fort » de l’État afin de les aider. Le ministère de la Culture française a annoncé le déblocage de 22 millions d’euros dont 5 millions d’euros pour la filière du livre. Ces moyens sont tout à fait insuffisants, a estimé le patron du groupe Madrigall (Gallimard, Flammarion, Casterman…). Il faut un plan d’envergure. Il faut aussi (…) que des délais soient accordés, à l’ensemble des entreprises du secteur, pour le règlement des charges, a-t-il ajouté. « La librairie est le maillon le plus fragile. Il faut qu’elle ait recours massivement au dispositif Bpi [Banque publique d’investissement, NDLR), c’est vital pour elle comme pour toute la filière », a insisté l’éditeur…

Madame Linard, quel est votre plan pour le livre de première nécessité ?

Une société sans livres n’est pas une option, le livre est la mémoire, le seul viatique pour l’éducation (pas l’internet), le livre reste le seul outil fiable à ce jour pour la connaissance et la culture dans la durée (pas cette poubelle qu’est devenu Internet et dans laquelle on trouve tout et son contraire).

Plus que jamais, nous avons besoin de ministres responsables, courageux. Nous n’avons jamais voté pour des ministres qui économisent (toujours perdants), mais pour des femme et des hommes qui investissent (pour un monde meilleurs. Pas du bien-être dont on se fout, mais du bonheur, qui se trouve notamment par la culture, non par la statistique).

Avec ce virus, il s’agit d’un combat, un temps de guerre mondiale, pas d’un jeu vidéo, comme certains tentent de nous le faire croire. Il est temps de prendre cette alerte de la Nature au sérieux, pas d’essayer par tous les moyens de la transformer en distraction futile, en apéro sur le net, ni en formules rassurantes, alors que des gens, des personnes âgées luttent comme des gladiateurs face à la mort. Ce sont eux les vrais et les seuls héros. Il est temps de prendre ce moment au sérieux ! Ce n’est pas un divertissement.

La lecture est une partie de la solution, une thérapie efficace, elle a fait ses test cliniques depuis la naissance de la culture. Notez qu’on entend de plus en plus nos philosophes ces derniers temps. Je m’en réjouis, on commençait à se demander où elles étaient passées nos Simone de Beauvoir, nos Simone Weil, Hannah Arendt, Virginia Woolf, Cynthia Fleury… Que des femmes ! Vous qui pensiez qu’il n’y avait pas assez de visibilité pour les femmes !

Madame la Ministre, aidez-nous à promouvoir les Lettres, soyez ministre de la Culture ! Grande, forte, curieuse et audacieuse ! Si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez nous voir, nous avons l’expertise… Nous avons des textes merveilleux à publier qui seront autant de progrès vers le bonheur. Sans vous, ce sera la caverne vide, l’histoire nous l’a démontré.

Nous croyons en votre ressort, nous vous faisons confiance.

Bien cordialement vôtre,

Christian Lutz,

pour Samsa éditions

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