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Croquez le pomerol… Et si je vous emmenais en vacances, dans un verre de vin ?

Sandrine GOEYVAERTS
Sandrine GOEYVAERTS Sommelière, caviste, blogueuse et auteure de Jamais en carafe (à paraître)

Par la grâce d’une bouteille, fermer les yeux, faire appel à ses sens et visiter un coin de France, d’ailleurs… En somme, voyager dans le temps et l’espace, juste le nez dans le verre, la langue pétrie de souvenirs.

Plus le temps passe, plus la cave se remplit de magnums. De toutes les régions et obédiences, de longues flûtes alsaciennes aux trapus champenois, mais bien sûr, Bordeaux se taille la part du lion. Le grand format pose une question de temps : trop jeune, Bordeaux ne se laisse pas apprivoiser. Et tant mieux : il y a une heure pour prendre les chemins de traverse, s’envoyer en l’air en escapades folles, pour se faire le palais et les jambes un peu partout dans les vignobles escarpés. Et puis, un jour, quelques rides au coin des yeux, fouler le plateau de Pomerol et poser un regard amusé sur Pétrus et sa façade morne.

Aller un peu plus loin, pénétrer une cour, y trouver trois poules qui caquettent. Des cris d’enfants, des rires et puis des pas qui s’avancent : l’accueil est cordial, amusé même. Des Belges à Bordeaux, on ne voit que ça, à croire qu’il y a quelque chose dans l’air, qui nous y attire, irrémédiablement. C’est un tout petit domaine, tenu en famille, à bout de bras, avec conviction. Des vignes florissantes, des parcelles bichonnées, au loin l’église, et cette terre qui roule entre les doigts, odorante. Le chai est modeste, loin du clinquant des grosses propriétés : on peut encore être paysan à Bordeaux, c’est très loin d’être un vilain mot. La mère, le père, le fils… et des dizaines de millésimes qui patientent.

Château Gombaude-Guillot, pomerol 2010 (Bordeaux).
Château Gombaude-Guillot, pomerol 2010 (Bordeaux).

Le moment d’ouvrir un magnum est toujours un peu délicat : on craint le bouchon, ce trouble-fête sournois. Ouf ! Pas cette fois : le vin s’ouvre doucement, comme si sa longue rétention l’avait rendu hésitant. Il faut lui rendre confiance, le faire tourner dans le verre, une valse lente. Alors, il se livre, profondément. C’est de la cerise, du tabac blond, quelques éclats de macis. L’enchantement commence : sur les lèvres, un baiser profond et soyeux, où le fruit noir invite à mordre. La chair est immense, pleine : le vin n’est pas encore à sa complète maturité, c’est un jeunet, un peu noyé dans la fumée d’un rock sophistiqué, mais il est tellement charmant qu’on lui pardonne. On aurait dû laisser ce magnum encore un peu à l’ombre. On aurait dû : mais commande-t-on vraiment à l’urgence du désir ?

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