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Crioc : de qui la FGTB se moque-t-elle ?

Ainsi donc, la convocation de Marc Vandercammen, directeur général du Crioc, par le secrétaire fédéral de la FGTB, Daniel Van Daele, par ailleurs vice-président du Crioc, s’est bien passée. C’est, du moins, ce que ce dernier affirme. Peut-on en savoir plus ? A peine.

Impossible d’apprendre qui sont les deux autres administrateurs, outre Daniel Van Daele et Christophe Quintard, attaché au service d’études du syndicat, qui y ont assisté. « Marc Vandercammen a accepté les trois conditions que je propose en tant qu’administrateur », résume Daniel Van Daele. A savoir la mise en place d’un comité d’audit chargé de vérifier la fiabilité des enquêtes du Crioc, la nomination d’un directeur des ressources humaines qui rapporterait directement au conseil d’administration, et le suivi, par le directeur général, d’une formation en gestion de personnel.

Marc Vandercammen devrait dès lors « conserver son poste pour autant qu’il accepte une transparence accrue ». Un avis qui n’engage que le secrétaire fédéral de la FGTB : le conseil d’administration ne se réunira et ne se prononcera, lui, que le 12 mars prochain. Et, jusqu’à preuve du contraire, c’est ce conseil qui représente l’organe souverain de cette fondation d’utilité publique.

La facilité avec laquelle ces trois conditions ont été acceptées par la direction générale du Crioc et l’empressement même de Marc Vandercammen à proposer lui-même d’autres mesures pour améliorer la transparence et le fonctionnement au sein du Centre ne peuvent qu’étonner. Les questions soulevées par l’enquête du Vif n’avaient-elles pas été qualifiées de « grand n’importe quoi » dans une interview accordée par le principal intéressé ? Pourquoi, dès lors, accepter le principe de se soumettre à de telles contraintes et la dépense qu’elles impliqueront pour un organisme qui ne cesse de s’inquiéter pour l’état de ses finances ?

A moins que cette convocation à la FGTB et les informations diffusées à l’issue de cette rencontre ne soient que du flan. De quoi calmer l’opinion publique et les médias en leur vendant des réformes qui n’en seront pas, sur le terrain. La baudruche semble d’ailleurs avoir déjà commencé à se dégonfler. Un responsable des ressources humaines ? Ce ne serait pas une nouvelle recrue, selon Daniel Van Daele. « On ne pourrait pas se le payer », dit-il. Le secrétaire fédéral de la FGTB voit, en revanche, deux ou trois personnes déjà en place au Crioc, donc engagées par Marc Vandercammen, exercer cette fonction. Avec quelle marge de manoeuvre ? Comment ce directeur nouvellement promu pourrait-il remplir sa mission quotidienne en rendant compte à un conseil d’administration qui se réunit au mieux 4 fois par an et au bureau exécutif, où siège Marc Vandercammen ?

Les cours de gestion ? « Ce serait bien que le Crioc prenne leur coût en charge », avance Daniel Van Daele. Avec la subvention publique que le SPF Economie et le SPF Santé publique accordent au Centre, donc. Mais si Marc Vandercammen, professeur lui-même, a besoin de cours après dix ans dans la place, est-il judicieux de le maintenir à son poste ? Et le comité d’audit ? Qui le constituera ? Avec quelles garanties d’indépendance ? Le conseil d’administration du Crioc, dans sa composition actuelle, n’offre pas un équilibre suffisant. Et tout le monde le sait. La seule convocation du directeur général du Crioc par l’un des 4 principaux dirigeants de la FGTB, sans concertation aucune avec la présidente du conseil d’administration – dixit Daniel Van Daele -, ni avec le conseil dans son ensemble, en dit long sur les liens qui les unissent. Comment ne pas y voir un signe que le Crioc est décidément bien la « chose » du syndicat logé à la rue Haute ?

L’indignation de la FGTB en fait d’ailleurs ricaner plus d’un. Donner à penser que l’on découvre aujourd’hui les dysfonctionnements du Crioc en siégeant à son conseil depuis dix ans semble peu crédible. C’est donc que le syndicat socialiste ne voulait pas voir. Ou fermait les yeux. Qui garantit qu’il en ira autrement à l’avenir, même à supposer que les trois conditions posées soient remplies ? Et qu’en est-il des autres questions soulevées par l’enquête du Vif : la double casquette de Marc Vandercammen, directeur du Crioc et administrateur délégué de Trade4you, dont il tire des dividendes, ou le curieux sponsoring, par Trade4you, du club de volley que préside Daniel Van Daele, également coopérateur ? Les questions parlementaires sur ce possible conflit d’intérêt commencent d’ailleurs à se multiplier…

C’est là que le rôle du nouveau commissaire du gouvernement au sein du conseil d’administration prendra tout son sens. Censé être au-dessus de la mêlée, quand bien même il provient d’un cabinet ministériel S.Pa, il n’est pas supposé s’emberlificoter dans les relations anciennes qui lient la direction du Crioc à la FGTB. C’est lui aussi qui détient les cordons de la bourse: le SPF Economie, l’administration liée au cabinet de la protection des consommateurs, subventionne largement le Crioc, à hauteur de 1,7 million d’euros par an. Défenseur de l’intérêt collectif et garant de l’utilisation des subventions publiques, c’est à ce commissaire et à son ministre de tutelle, Johan Vande Lanotte, qu’il revient à présent de sortir du bois.

En attendant, la FGTB serait bien inspirée de ne pas se moquer du monde. Et de jouer un rôle moteur dans la réforme de fond dont le Crioc et sa trentaine de collaborateurs ont besoin. Après la sortie de l’enquête du Vif/L’Express sur le fonctionnement du Crioc, la FGTB avait tout intérêt à se montrer sans pitié sur sa gestion : le directeur général n’est-il pas issu de ses rangs et ne faut-il pas, toujours, donner l’exemple ? De cette stratégie, personne n’est dupe. Il ne se trouve pas grand-monde pour croire le syndicat sincère dans ses élans de chevalier blanc. Ce redorage de blason est d’autant plus nécessaire que le président de la FGTB, Rudy De Leeuw, vient d’être montré du doigt pour avoir eu recours, dans le cadre d’une entreprise familiale, aux intérêts notionnels si vilipendés par le syndicat socialiste. A quelques mois des élections sociales, tout cela commence à faire tache. On observera d’ailleurs la magnifique discrétion de la CSC, qui ne siège pas au conseil d’administration du Crioc, dans ce dossier. C’est, pour elle, du pain béni.

Laurence Van Ruymbeke

CRIOC : les chiffres de la rotation du personnel

Selon les rapports annuels du Crioc, déposés auprès du Greffe du tribunal de commerce et consultés par Le Vif/L’Express, les entrées et sorties du personnel se sont établies comme suit au cours des années 2009 et 2010 :

En 2009, 16 membres du personnel ont quitté le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs et 17 personnes y ont fait leur entrée. En 2010, 13 sorties ont été enregistrées, parallèlement à 12 engagements. En 2011, selon diverses autres sources – le rapport annuel n’est pas encore disponible -, 14 départs ont été enregistrés, dont 5 licenciements. Au total, 43 personnes ont donc quitté le Crioc depuis 2009, dont la plupart ont été remplacées. C’est plus que l’effectif total du Centre, qui occupe actuellement 35 personnes (pour 31 postes équivalents temps plein).

Une partie du personnel du Crioc affiche plus de huit ans d’ancienneté dans la maison. Il occupe pour l’essentiel des fonctions administratives : employés attachés à la bibliothèque, personnel d’accueil, salariés en charge des traductions et de la maintenance du site web, assistants de direction. Certains d’entre eux bénéficient d’un contrat signé sous l’ancienne direction générale, qui leur confère un statut différent de celui du personnel plus récemment engagé.

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