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Covid Safe Ticket: la bonne idée belge qui tourne doucement au vinaigre communautaire

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le flou autour de l’application du Covid Safe Ticket s’agrandit. Ce qui était perçu au départ comme un concept adapté made in Belgium tourne doucement au vinaigre. A Bruxelles, son extension est certaine et un accord vient d’être trouvé sur les secteurs concernés. La Flandre balaye l’idée sauf pour certaines villes. En Wallonie, la porte reste ouverte.

On le pensait uniquement nécessaire pour les grands évènements au début de l’été. La Belgique se targuait d’ailleurs de ne pas tomber dans une société du pass, comme tel est le cas en France. Seulement voilà, le taux de vaccination à Bruxelles, à la traîne, est venu bousculer les plans. Au point que désormais, l’utilisation du Covid Safe Ticket y sera étendue. Le fédéral passe la main aux Régions, qui pourront décider elles-mêmes de l’application qu’elles souhaitent faire du pass sur leur territoire. Et pour savoir quels secteurs seront concernés dans quelle région, les débats ne font que commencer, même si certains accords commencent à tomber. Doucement mais sûrement, la question se communautarise.

Entités fédérées

Depuis mardi soir, le fédéral et les entités fédérées ont avalisé les termes d’un accord de coopération concernant l’élargissement de l’utilisation du Covid Safe Ticket. En d’autres termes, dès le 1er octobre, les entités fédérées pourront elles-mêmes recourir à ce document comme elles l’entendent et quand elles l’estiment nécessaire, et pour une période plus longue.

Outre les grands événements, les entités fédérées pourront adopter un décret ou une ordonnance pour introduire le Covid Safe Ticket dès l’âge de 16 ans dans l’horeca, les discothèques, les clubs de sport, les foires commerciales ou encore les congrès.

Oppositions politiques

A Bruxelles, où son extension est certaine, les débats ont fusé pour déterminer les secteurs qui seront concernés. Les discordances politiques étaient nombreuses, notamment entre socialistes et écologistes. En substance, le PS est pour l’élargissement du pass à Bruxelles pour de nombreux secteurs. Alors que du côté Ecolo, la nuance est de mise.

Le minitre bruxellois de la Santé, Alain Maron se montrait hier partisan du débat et de la prudence. « Nous introduirons le coronapass si et seulement si la situation épidémiologique se détériore sérieusement. Et si et seulement si nous pouvons de la sorte éviter de devoir fermer certains secteurs et activités. » Pour Rudi Vervoort (PS), l’introduction du pass n’était pas non plus une certitude absolue. Mais l’opinion y était davantage favorable. « Les chiffres ne sont pas bons. Nous devons donc avoir ce moyen à disposition », commente-t-il.

Chez les libéraux, dan l’opposition, le député et président de la régionale bruxelloise du MR, David Leisterh a une nouvelle fois reproché aux autorités bruxelloises de « ne pas avoir réagi plus tôt face au manque d’adhésion à la vaccination visible dès le mois d’avril » et a imputé au gouvernement bruxellois la responsabilité de ses échecs à « l’égard de l’économie de la capitale, qui en est la victime collatérale systématique ». « Primes insuffisantes, relance du tourisme loupée, échec de la vaccination…C’est un peu la Bérézina à tous les étages », a dénoncé David Leisterh.

La députée libérale Clémentine Barzin avait également insisté, en commission des Affaires économiques du parlement régional sur les nouvelles différences créées entre les Régions et qui pénalisent à nouveau Bruxelles « en raison de l’échec du Gouvernement bruxellois sur la vaccination ».

« L’annonce, en suite de la panique, d’un pass sanitaire ou de l’élargissement du Covid Safe Ticket, aujourd’hui avec des fuites dans la presse évoquant plusieurs secteurs concernés, divise et soulève de nombreuses interrogations quant à son efficacité sur le public non vacciné, déclaré ‘précarisé' », a-t-elle dénoncé.

Le gouvernement Vervoort a lancé les préparatifs

Malgré tous ces points de discorde, le gouvernement bruxellois a entamé les préparatifs à l’utilisation du Covid Safe Ticket à partir du 1er octobre dans la restauration, le secteur événementiel et les discothèques de la Région-capitale, a indiqué en substance ce jeudi le ministre bruxellois de la Santé Alain Maron, lors d’un débat d’actualité sur la situation sanitaire en commission du parlement bruxellois.

Les chiffres relatifs à l’évolution de la situation sanitaire continuent à donner des signes d’inquiétude à Bruxelles.

Pour y faire face, l’option de l’élargissement du Covid Safe Ticket à différents secteurs, dont la restauration, l’événementiel et les discothèques, est fortement envisagée à Bruxelles, ce qui passe par un accord de coopération entre entités.

Cet accord de coopération sera soumis pour approbation aux parlements régionaux.

Selon Alain Maron, le parlement bruxellois se verra soumettre parallèlement un projet d’ordonnance de mise en oeuvre (ndlr: qu’il a été chargé de préparer par ses collègues du gouvernement régional). Ces textes doivent être soumis au Conseil d’État pour avis avant d’être présentés au parlement. Entre-temps, des consultations sont menées avec les secteurs concernés, a indiqué Alain Maron.

Le Codeco valide l’accord de coopération sur l’élargissement du Covid Safe Ticket

Le gouvernement fédéral et les exécutifs des entités fédérées ont validé, lors d’un comité de concertation électronique, l’accord de coopération prévoyant l’élargissement du Covid Safe Ticket, annonce le cabinet du Premier ministre Alexander De Croo.

Le texte doit encore passer par le Conseil d’État et par les parlements des différentes entités. L’objectif reste une entrée en vigueur au 1er octobre.

Les secteurs souhaitent une ligne de conduite

Les secteurs concernés par une extension du pass sanitaire souhaitent une ligne de conduite claire le plus rapidement possible.

L’Horeca s’est déjà exprimé clairement en défaveur de cette extension à Bruxelles. L’organisation plaide pour une harmonisation de la règle à l’échelle nationale, afin d’éviter une concurrence entre Régions. Elle a en outre annoncé clairement ne pas vouloir effectuer les contrôles au sein des établissements. « On doit vraiment y réfléchir. Cela doit être efficace et praticable pour le secteur », prévenait Alain Maron.

Le SNI voit pour sa part le côté positif de la chose. Le Covid Safe Ticket pourrait aussi être un outil pour assurer l’Horeca de ne plus devoir subir de fermeture.

Concernant le monde de la nuit, le son de cloche est différent puisque la mesure pourrait permettre au secteur, le plus impacté depuis le début de la crise, de rouvrir enfin. Alain Maron n’y est d’ailleurs pas opposé.

Quant aux salles de fitness, qui seraient également concernés par l’extension, elles s’opposent fermement à l’idée. La fédération bruxelloise du fitness parle d’une « forme d’annonce négative qui ne va pas aider. »

Etudié en Flandre mais loin de faire l’unanimité

Envisagé à Bruxelles, le recours au Covid Safe Ticket est également étudié de près en Flandre. Certains politiques aimeraient y recourir au besoin dans certaines villes et communes du nord du pays. Une idée qui est toutefois loin de faire l’unanimité au sein de la tripartite flamande.

« Si les différences entre communes continuent à se creuser, le Covid Safe Ticket pourrait être une piste intéressante pour offrir plus d’autonomie aux communes », fait ainsi valoir jeudi la députée flamande Katrien Schryvers (CD&V, majorité).

Même si le taux de vaccination en Flandre est aujourd’hui bien plus élevé qu’à Bruxelles, la députée estime en effet que l’outil ne doit pas être d’emblée écarté pour la Flandre, notamment en raison du taux de vaccination inférieur à 70% constaté dans certaines communes du nord du pays.

Cette ouverture du CD&V envers un recours au Covid Safe Ticket en Flandre a d’ailleurs reçu le soutien de l’opposition Vooruit.

« La situation en Flandre n’est pas partout la même », note ainsi le député Hannes Anaf. De plus, « avec l’introduction du Covid Safe Ticket à Bruxelles, les communes (flamandes) limitrophes pourraient voir arriver sur leur territoire une série de personnes non-vaccinées qui pourraient y mettre la santé d’autres en danger », fait valoir l’élu socialiste.

La demande vient aussi de certains acteurs de la société civile flamande. Ainsi, la Vlaams Patiëntenplatform plaide pour qu’un coronapass soit imposé à tous les visiteurs dans les hôpitaux et maisons de repos de Flandre.

L’idée est toutefois loin de faire l’unanimité, notamment dans les rangs libéraux flamands.

Bart Somers, le ministre flamand de l’Intérieur, comprend que le coronapass soit envisagé à Bruxelles vu son plus faible taux de vaccination. Mais pour la Flandre, il estime l’outil inutile.

« Nous avons beaucoup fait en Flandre en faveur de la campagne de vaccination et nous avons un taux de vaccination incroyablement élevé. Nous pouvons en être fiers. Comme notre stratégie a fonctionné, il faut à présent laisser aux gens la possibilité de vivre une vie la plus normale possible. Nous n’avons pas besoin en Flandre d’une « société du pass (sanitaire) », estime M. Somers qui assure que l’ensemble du gouvernement flamand est sur cette même ligne.

L’idée pourrait faire son chemin en Wallonie, mais pas à l’hôpital

Le Covid Safe Ticket exigé par l’hôpital montois Ambroise Paré à ses visiteurs « n’est pas autorisé », a indiqué le ministre-président wallon, Elio Di Rupo, lors des questions urgentes qui ouvrent la séance plénière du parlement régional.

« Il ne serait possible d’utiliser ce covid safe ticket que si le gouvernement wallon en décidait » et ce n’est actuellement pas le cas, a-t-il expliqué aux députés qui l’interrogeaient sur le sujet.

Pour autant, l’idée pourrait faire son chemin au-delà de Bruxelles. « Voulons-nous éradiquer le virus? Si l’on ne parvient pas à vacciner 95% des plus de 12 ans, le virus continuera à circuler. Nous serons alors face à nos responsabilités et nos consciences », a ainsi souligné le ministre-président régiona selon qui « le gouvernement prendra attitude en temps voulu ».

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