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Covid : reporter la deuxième injection pour accélérer la campagne de vaccination?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À l’heure où la Belgique lance sa campagne de vaccination dans trois maisons de repos, la stratégie fait l’objet de discussions parmi les scientifiques. Des voix s’élèvent pour reporter l’injection de la deuxième dose.

Les vaccins de Pfizer-BioNTech, approuvés la semaine dernière par l’Union européenne, s’injectent en effet en deux doses, qui s’administrent à 21 jours d’écart. Il en va de même pour les vaccins Moderna et AstraZeneca. Pour le vaccin Johnson & Johnson, dont la livraison est prévue en mars-avril, une seule dose suffit. Reporter l’injection de la deuxième dose permettrait d’accélérer la campagne de vaccination. Si celle-ci se déroule comme prévu, les personnes vulnérables seront vaccinées seulement d’ici l’été.

Fin février-début mars, tous les résidents de maisons de repos devraient avoir reçu les deux doses. Ensuite, c’est au tour du personnel soignant. En avril – mai, la Belgique commencera à vacciner les personnes de plus de 65 ans et les patients qui souffrent d’une affection chronique. « Nous nous attendons à ce que d’ici l’été, tous les groupes à risque, soit 5 millions de Belges, soient vaccinés », déclare le professeur Dirk Ramaekers, le président de la task force de vaccination au quotidien De Morgen.

Interrogé sur les ondes de Radio 1, l’expert en vaccins Pierre Van Damme estime qu’il y aurait peut-être moyen de donner un coup d’accélérateur à la campagne de vaccination. « Pour l’instant, il est prévu de commencer à vacciner les jeunes belges durant les vacances d’été, mais nous souhaitons le faire plus tôt, en fonction de l’autorisation et de la livraison des vaccins », a-t-il déclaré.

Cependant Van Damme, suggère une autre piste, également envisagée par le Québec. Il étudie la possibilité d’injecter une dose et non pas deux à un maximum de personnes. Le degré de protection serait moindre (40 à 50% selon les médias canadiens), mais l’immunité collective gagnerait plus rapidement du terrain.

Pierre Van Damme
Pierre Van Damme© Belga

Toute la population belge

Selon le scientifique, cette stratégie permettrait d’administrer une première dose à l’ensemble de la population belge avant l’été. En outre, cette stratégie permettait de limiter les dégâts causés par la nouvelle variante britannique repérée dans plusieurs pays européens et sur d’autres continents. Selon des études présentées au Royaume-Uni, le nouveau variant est plus contagieux que la souche d’origine, même si rien ne démontre à ce stade qu’il entraîne des formes plus graves de la maladie. Un changement de stratégie permettrait également d’endiguer plus rapidement cette variante.

Le but reste d’administrer deux injections, mais par exemple après seulement six mois. Van Damme confirme que cette piste sera étudiée au sein de la task force. Celle-ci devra prendre une décision dans les trois semaines, vu que c’est alors que les résidents de maisons de repos vaccinés aujourd’hui se verront injecter leur deuxième dose.

Dirk Ramaekers, président de la task force chargé de la vaccination, estime qu’il faut étudier la question et rappelle que c’est le niveau européen qui prend cette décision. « Nous suivons de près les nouvelles connaissances scientifiques sur ce sujet. Pour l’instant, ce n’est pas une option tant qu’il n’a pas été prouvé que l’immunité est suffisante », déclare-t-il au Morgen.

Une protection significative

Yves Van Laethem, le porte-parole interfédéral de Sciensano, a également donné son avis sur la question. « C’est une bonne question sur le plan scientifique. Quand on regarde les études, on se rend compte qu’avec ces vaccins à base d’ARM messager, on a une protection significative dès le 8e/10e jour après la première dose. Il serait intéressant de connaître l’impact de l’administration d’une dose unique avec une protection moindre, par rapport à une couverture plus importante de personnes à risque de développer la maladie. Cependant, il y a de grosses contraintes, éthiques et légales. Ethiques, car il faut rappeler que le schéma développé et expérimenté est un schéma en deux doses et on ne connait pas l’impact sur une nombre significatif de gens d’un schéma en une dose. Légales, car le schéma approuvé l’a été par les autorités de régulation en tant que tel (administration à deux doses). Transiger avec ces deux doses pourrait donc poser des questions légales et juridiques », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse de Sciensano.

Vandenbroucke va faire étudier une éventuelle adaptation du programme de vaccination

Le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke (sp.a) va soumettre à analyse médicale et juridique une éventuelle adaptation du programme belge de vaccination concernant le vaccin de Pfizer/BioNTech, a-t-il indiqué lundi sur les ondes de Radio 1 (VRT).

Interrogé lundi matin sur cette éventualité, le ministre Vandenbroucke a précisé qu’il n’y avait à ce stade pas de consensus scientifique à ce sujet. « J’ai demandé à notre taskforce en charge de la stratégie de vaccination d’étudier cela d’un point de vue médical », a-t-il commenté.

Frank Vandenbroucke.
Frank Vandenbroucke.© Belga Images

Il a également chargé l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) d’analyser d’un point de vue juridique une éventuelle adaptation de la stratégie de vaccination, et sa compatibilité avec le cadre réglementaire européen en matière d’homologation des vaccins. « Imaginez que les médecins disent qu’il serait bien d’adapter le programme de vaccination. Que devrons-nous alors faire vis-à-vis de l’Union européenne qui, en la matière, fait autorité », a souligné M. Vandenbroucke.

À l’inverse de l’analyse médicale qui va devoir éplucher quantités de documents scientifiques, l’étude juridique pourrait, elle, aller assez vite, a encore estimé le ministre.

Belga

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