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Coronavirus : foire d’empoigne sur la commission d’enquête parlementaire

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Il devrait y avoir une commission pour évaluer la gestion de la crise du coronavirus. Le PS annonce un texte pour une commission spéciale, le MR veut « une seule comission interparlementaire ». Au moins trois raisons politiques expliquent pourquoi c’est laborieux.

La crise du coronavirus a secoué notre pays ces trois derniers mois en provoquant le décès de près de dix mille personnes. La gestion de cette épidémie a aussi révélé bon nombre de dysfonctionnements dans le chef des autorités. La saga des masques, la lenteur des tests, la cacophonie du traçage, l’abandon des maisons de repos, le sous-financement des soins de santé… : de nombreux sujets ont fait polémique et suscité la colère des Belges.

Une commission d’enquête parlementaire s’impose. Mais la concrétisation de cette évidence a pris du temps dans les rangs politiques. Tandis qu’en France, le parlement a déjà entamé ses travaux en menant des auditions, nous n’en sommes toujours nulle part en Belgique. Les partis devaient s’accorder ce mercredi sur le sujet en conférence des présidents de la Chambre, mais ils n’y sont pas parvenus. Le sujet est au coeur d’un chassé-croisé en séance plénière de la Chambre, ce jeudi. Il devrait bel et bien y a voir une évaluation de la gestion de la crise, mais il reste à s’entendre sur le type de commission (spéciale ou d’enquête), ainsi que sur son périmètre et son timing.

Le PS a annoncé le dépôt d’un texte en faveur d’une commission spéciale, le MR veut « seule commission interparlementaire », tandis que d’autres propositions Ecolo et PTB, notamment, sont sur la table. Et que d’autres parlements, dont le bruxellois, prennent déjà des initiatives.

Politiquement, trois susceptibilités de taille retardent le processus.

D’une part, le poids des populistes au sein du parlement a refroidi les formations politiques traditionnelles. Quand le PTB a présenté en commission une proposition de résolution à ce sujet, les partis de droite ont quitté la salle. Les modalités de cette commission, notamment, n’y sont pas étrangères : là où certains souhaitent une commission d’enquête avec des pouvoirs forts de type judiciaire, d’autres préfèrent une commission spéciale, dans un premier temps du moins. « Une évaluation, oui; le show, non« , a résumé Georges-Louis Bouchez, président du MR. Ahmed Laoouej, chef de groupe PS, a annoncé le dépôt d’un texte en faveru d’une commission spécdiale, ce jeud après-midi.

D’autre part, le tir de barrage concentré des partis se trouvant encore dans l’opposition fédérale (N-VA, socialistes, écologistes, CDH, DéFi…) a exaspéré les membres du gouvernement minoritaire de Sophie Wilmès (MR, CD&V et Open VLD) qui souhaitaient une évaluation incluant tous les niveaux de pouvoir, y compris Bruxelles, la Flandre et la Wallonie. Autrement dit, il s’agissait d’impliquer toutes les formations politiques – seul le CDH et les populistes ne font partie d’aucune majorité. Si la ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block (Open VLD) en prendra pour son grade, il n’y a pas de raison que ses collègues wallon Christie Morreale (PS), bruxellois Alain Maron (Ecolo) et flamand Wouter Beke (CD&V) y échappent.

Pourtant, cela part dans tous les sens. En Région bruxelloise, les partis de la majorité (PS-Ecolo-Défi-Groen-Open Vld-One Brussels) ont pris les devants en déposant ce mercredi une proposition visant à instaurer une commission spéciale consacrée à la gestion de la pandémie. Le parlement flamand lancera ce vendredi sa commission spéciale sur la gestion de la crise du coronavirus, avec comme priorité les homes et les maisons de repos. Cette commission devrait pouvoir rendre un premier rapport intermédiaire et de premières recommandations avant les vacances parlementaires, a estimé jeudi son président, Björn Rzoska (Groen, opposition). Mais Georges-Louis Bouchez, président du MR, a réitéré ce jeudi après-midi son désir que l’on mette en place « une seule commission interparlementaire ».

Enfin, plusieurs formations souhaitaient une mise à plat rapide des problèmes, avec une commission démarrant immédiatement et terminant ses travaux en juillet. Les partis du gouvernement et ceux qui négocient la mise en place d’une nouvelle majorité, eux, préfèrent attendre la rentrée parlementaire, pour permettre une négociation sereine. Ou, en cas d’échec, pour échapper à ce travail douloureux en raison d’élections anticipées ?

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