Coronavirus et pétrole: un cocktail explosif. © AFP

Coronavirus et pétrole: « L’emballement boursier peut provoquer une grave crise économique »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Philippe Ledent, senior economist chez ING, met en garde contre un krach ayant un impact sérieux sur l’économie réelle.

Comment analyser la forte chute des bourses dans le monde ?

C’est évidemment très ennuyeux. Dans un premier temps, on pouvait comprendre que des marchés financiers plutôt bien valorisés se corrigent depuis deux semaines en raison de la matérialisation de l’impact de la crise sanitaire. C’est un phénomène assez classique. Mais nous sommes désormais dans un deuxième temps sous la forme de chocs très brutaux. C’est surtout la conséquence de la chute du cours du pétrole : je ne me souviens personnellement pas avoir connu une baisse de 30% en une journée, si ne c’est peut-être lors de la guerre du Golfe. C’est un moment crucial parce que les marchés financiers entrent dans une logique autonome, irrationnelle. Tout cela commence à avoir son propre cours dangereux, avec beaucoup de volatilité.

C’est préoccupant pour nos économies?

Une telle chute des cours peut effectivement avoir un impact sur l’économie réelle. Quand le prix du pétrole baisse de 30%, cela peut sembler une bonne nouvelle parce que cela bénéficie à notre pouvoir d’achat, mais cela va impacter directement des entreprises actives dans le secteur aux Etats-Unis dont la santé financière est déjà fragile. Pourront-elles y faire faire face ou, si certaines d’entre elles chutent, vont-elles avoir un effet boule de neige sur l’économie réelle? Ce qui se joue cette semaine est crucial. Cela nécessité une réaction des autorités.

Comment peuvent-elles réagir ?

Dans le cas extrême, elles peuvent fermer les marchés. Avant cela, les Banques centrales peuvent acheter des obligations d’Etat ou d’entreprises pour calmer le jeu. Baisser les taux, ce n’est pratiquement pas possible en Europe car ils sont déjà au plancher. Aux Etats-Unis, la Fed va le faire, mais cela risque de n’avoir qu’un impact marginal.

Peut-on parler de krach ?

La différence entre une correction et un krach, c’est précisément ce caractère irrationnel. Le marché s’emballe au-delà de la simple réaction à une nouvelle et entame une dynamique propre. Quand vous avez une telle correction de 5 à 8%, vous poussez forcément des acteurs comme les fonds d’investissement à s’interroger sur la nécessiter de vendre. Et comme je l’ai dit, le risque est réel de voir cet emballement provoquer un impact réel sur l’économie réelle.

Aujourd’hui, on peut d’ores et déjà dire que l’impact économique a dépassé la mesure de l’épidémie.

Nous sommes donc au-delà de l’impact visible des mesures prises en Italie, bientôt en France et peut-être chez nous ?

Voilà. Le premier stade de la crise fut le fait que la Chine, une puissance économique importante, était touchée de plein fouet. Le stade 2, de sont les entreprises européennes touchées parce qu’elles achetaient des composantes en Chine. Le stade 3, c’est la propagation de la maladie en Europe et les mesures de confinement. Le stade 4, c’est précisément lorsque les mesures de correction prennent ce tour irrationnel. La situation du pétrole est venue amplifier cela : je ne comprends pas ce qui a pris l’Arabie saoudite d’entamer maintenant une guerre des prix, si ce n’est pour affaiblir des adversaires.

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