Ruben Brugnera

Coronavirus à Bruxelles: six jours d’attente pour un test (récit)

Alors que tout un chacun recevant une attestation du docteur peut directement se rendre au centre de dépistage pour un test Covid-19, la situation dans certains hôpitaux à Bruxelles est telle que l’attente peut durer plusieurs jours avant un rendez-vous avec prélèvement d’échantillon. Que celui qui souhaite un test plus rapide se prépare à un parcours semé d’embûches…

En pleine nuit, je – votre narrateur – me réveille avec un mal de tête et la gorge irritée. Avec la tête qui tourne, je me mets à la recherche d’un thermomètre. Ouf, pas de fièvre. Cependant, dès le lendemain matin, je préfère appeler mon docteur pour lui demander conseil.

« Vous devez absolument faire un test », me dit-on, catégorique. « Je vous envoie tout de suite par e-mail un document avec lequel vous devez vous rendre à la Clinique Saint-Jean. Vous obtiendrez les résultats vendredi. En attendant, vu le risque de contamination possible, vous devez rester en quarantaine. Vous sortez donc de chez vous uniquement pour le prélèvement d’échantillon et après cela vous ne mettez pas le nez dehors. Est-ce que c’est bien compris? C’est pour vous, mais aussi pour les autres qu’il est essentiel de respecter ces consignes à la lettre. »

Je me dirige tout de suite vers l’hôpital, à quelques minutes à pied de chez moi. Dans l’absence totale d’indication pour le lieu de dépistage Covid-19, je prends la première entrée qui vient. Deux majordomes – jobs étudiants? – font la réception en distribuant des bouteilles d’eau à tout va. Je n’ose presque pas aller leur demander pour les tests Covid-19, ne voulant pas semer la panique dans une partie de l’hôpital qui n’aurait rien à voir avec cela.

Cependant, les étudiants sont tout aussi désemparés que moi. « Covid? Je vais demander ». Un peu plus tard, j’obtiens un sommaire itinéraire vers le service des urgences situé rue du Marais. « Pardon monsieur, mais nous effectuons des tests uniquement par rendez-vous » me lance un infirmier qui me voit arriver. « Mais c’est écrit ici sur mon ordonnance, tenez, Clinique Saint-Jean », je tente. En vain. J’obtiens tout juste un numéro à appeler… pour pouvoir prendre rendez-vous.

Après six minutes de Vivaldi – l’inoubliable Concerto RV 431 en Sol Majeur exécuté par Raphaël Wallfisch – je joins mon correspondant. Pourtant, l’attente pour mon test ne fait que commencer: « nous n’avons aucune place avant le 11 août » me dit le standardiste. « Le 11 août! Sérieusement? » je m’écrie, espérant avoir mal saisi le français de mon interlocuteur. Peine perdue: « Aucune place avant le 11 août ». Je proteste: je ne vais quand même pas courir le risque de contaminer tout le monde d’ici là? « Sinon vous pouvez tenter votre chance à l’hôpital Brugmann » me suggère l’employé.

« Je pourrais directement y faire un test? » Je n’ai en effet aucune envie de devoir faire des trajets inutiles, rajoutant des risques, et vu mon mal de tête. « A votre place, je téléphonerais avant, on se sait jamais » me conseille le réceptionniste.

Le CHU Brugmann a mis à disposition « une permanence téléphonique de soutien […] ouverte à tous ». Lors de mon appel, je remarque que les goûts musicaux de l’hôpital humaniste n’ont rien à envier à leur consoeur catholique: Concerto de violon en La Mineur de Bach BWV 1041, tout ceci exécuté en Allegro Moderato de Gidon Kremer. Mais puisque « toutes nos lignes sont occupées », « l’hôpital Brugmann n’est pas disponible pour le moment » et je peux « laisser un message après le signal sonore ». Je rappelle une demi-heure plus tard. Encore plus de musique raffinée. Après le bip, j’abandonne.

Je pense un instant à tout laisser tomber. Plutôt que de me perdre dans le labyrinthe des hôpitaux Bruxellois, je resterai au lit. On verra bien si ça va mieux demain. De toute façon, à quoi ça sert un test s’il est effectué de cette façon?

Cependant, ne devrais-je pas au moins prévenir les gens que j’ai côtoyé la semaine dernière? Et combien de temps vais-je rester en quarantaine exactement? Deux semaines , ou bien jusqu’à ce que je sois en forme? A moins que je demande à mon docteur de m’envoyer à l’hôpital d’une autre ville? Mais alors, je devrais prendre le train…prendre des risques…

L’infirmier à l’hôpital Saint-Jean avait mentionné une deuxième option: l’hôpital Érasme. Si j’appelle, cette fois-ci, c’est un choix insolite qui est fait: Rue de la Paix, du compositeur belge Jean-François Maljean. Je peux venir tout de suite. Une seule personne devant moi avant de recevoir une longue tige dans le nez. Fatigué, plus malade que jamais, je mesure malgré tout ma chance: après seulement quatre heures de recherches intensives, j’ai réussi à me faire prélever un échantillon de morve à Bruxelles.

Dans le métro, en tant qu’éventuelle victime du virus, durant l’heure de trajet à effectuer, je ne pouvais faire abstraction du potentiel d’un super contaminateur. Rien que pour aller à l’hôpital Érasme, en périphérie de Bruxelles, me voilà assis pendant deux fois trente minutes dans un métro bondé (places assises, places debout, tout est rempli). Je m’imagine alors que la femme en face de moi se réveille cinq jours plus tard avec la même migraine et irritation de la gorge. Peut-être qu’elle aura de la fièvre. Peut-être des complications. Peut-être même qu’elle, au moins, pourra profiter de l’ambulance pour se rendre à l’hôpital.

En tant que jeune Bruxellois sans famille, j’étais capable d’établir le test Covid-19 comme la top priorité du jour. Et je pouvais compter sur une suffisante connaissance de plusieurs langues pour trouver des alternatives. Mais est-ce qu’on peut espérer qu’un livreur à vélo, sans statut, un de ces faux indépendants, père de famille, resterait 8 jours enfermé et sans revenus (s’il fait un test après 6 jours, il devra encore attendre 2 jours avant que le résultat soit connu) bien sagement en attendant? Ou bien que les Bruxellois soient tous capables de trouver des alternatives dans une autre langue si l’hôpital – est débordé? S’il ou elle a du moins la chance que leur fièvre reste sous contrôle.

De retour chez moi, je vois dans le journal que l’administration bruxelloise ne décide pour le moment d’aucune mesure supplémentaire pour lutter contre le Covid-19, avec comme explication que moins de 50 sur 100 000 habitants seraient contaminés. Je ne peux que me demander si ces chiffres peuvent vraiment signifier quoi que ce soit de représentatif. Est-ce, parmi eux, sont également comptés les patients trop malades et fatigués pour se lancer dans la recherche intensive d’un test rapide? Peut-être, avec un peu de chance, aurons-nous une réponse à cette question dans les six jours…

Réaction de Kenneth Coenye, médecin en chef de la Clinique Saint-Jean

Le médecin en chef de la clinique est conscient de la difficulté de la situation et explique:

« La fin de la semaine dernière, on a vu 8 des 12 centres de dépistages fermés à Bruxelles.

Ces centres sont tenus par des médecins et soutenus par les hôpitaux. Chaque centre reçoit pour cela des subventions permettant l’embauche d’un secrétaire ainsi que d’un membre personnel soignant. Le souci est que beaucoup de médecins sont retournés dans leurs pratiques habituelles ou doivent effectuer des remplacements de collègues partis en congés.

Par conséquence, en tant qu’un des quatre centres restants, nous sommes à présent débordés. Le 18 juillet, nous avons accueillis 190 patients en une seule journée. Le personnel soignant devait tester une personne toutes les deux minutes. Du point de vue hygiène, ce n’est pas l’idéal. C’est pourquoi nous fonctionnons à présent par rendez-vous, avec un maximum de 70 patients par jour.

Depuis ce temps, nous faisons des efforts pour augmenter notre capacité de dépistage. A présent nous avons 2 secrétaires et un et demi personnel soignant. Ce supplément de personnel, c’est nous qui le payons et notre laboratoire perd 1 euro par chaque test Covid-19 effectué. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas effectuer plus de tests? Plus on fait des tests, plus cela nous coûte cher.

La Commission Communautaire Commune promet que d’ici la semaine prochaine plus de soutien sera donné aux laboratoires pour obtenir des réactifs à meilleur prix pour leurs tests. Si cela fonctionne, nous pourrons aller jusqu’à 120 tests par jour. Mais d’ici là, ça reste une question très compliquée. »

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