David Clarinval et Corentin de Salle se disent ouverts au débat. © JEAN-MARC QUINET/REPORTERS - DENIS VASILOV/BELGAIMAGE

Confusion climatique au MR ?

Le Vif

David Clarinval, chef de file au Parlement fédéral, et Corentin de Salle, directeur du Centre Jean Gol, sont des personnalités influentes au MR. De 2012 à 2014, leur route a croisé celle des climatosceptiques belges. De l’histoire ancienne ?

Le 4 février, le Mouvement réformateur annonce que son chef de groupe à la Chambre, David Clarinval, cosignera la proposition de loi Climat élaborée par un collectif d’universitaires. Etoile montante du MR,  » ministrable  » en mai prochain, député-bourgmestre de Bièvre, Clarinval est controversé pour ses positions sur… le climat. Ce qui l’irrite, avançant entre autres le bilan dans sa commune, munie de sept éoliennes de deux mégawatts. En fait, dit-il,  » parce que défenseur du nucléaire, je suis très attaqué par les écolos. Et on me ressort à chaque fois l’audition en commission et cet échange de tweets que j’ai eu avec Jean-Pascal van Ypersele ( NDLR : climatologue belge, longtemps membre éminent du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) « .

La température n’augmente plus depuis quinze ans. Les scientifiques le reconnaissent. Pas vous ?

Parlement fédéral. 13 mars 2012. Des auditions relatives au changement climatique se déroulent en commission  » climat  » dont David Clarinval est vice-président. Le président est André Flahaut (PS). La commission reçoit les climatosceptiques Drieu Godefridi, auteur de Le Giec est mort. Vive la science ! (éd. Texquis), et feu Istvan Marko, scientifique de l’UCL. Ce chimiste soutient entre autres que le CO2  » humain  » n’a pas d’impact significatif sur le climat. Clarinval, à l’initiative de l’invitation, écoute attentivement, estimant  » qu’il est curieux que la climatologie ait besoin d’un organisme tel que le Giec pour faire la synthèse de l’état des connaissances scientifiques « . Il défend aujourd’hui son choix : à l’époque, une forte mobilisation visait à ne pas permettre la parole de ces voix dissidentes.  » J’ai proposé d’entendre ces personnes tout à fait respectables pour avoir un autre point de vue sur le climat. Je suis un libre penseur, démocrate et je suis pour la liberté d’expression « , scande-t-il au Vif/L’Express.

La bible des climatosceptiques

Un an plus tard, Itsvan Marko coordonne Climat : 15 vérités qui dérangent, publié aux éditions Texquis. Le professeur raconte la genèse du livre sur le site de l’éditeur. Lors d’un café-débat (avec Jean-Pascal van Ypersele), il a  » rencontré des gens formidables, dont […] Corentin de Salle, David Clarinval, Drieu Godefridi […]. Ensemble, nous avons décidé de coucher sur le papier les incohérences scientifiques relatives à la thèse « réchauffiste » du Giec. Il en a résulté ce livre « . Ni Clarinval ni Corentin de Salle n’ont participé à cet ouvrage qui s’autoproclame comme la  » bible des climatosceptiques « .

Le 29 mai 2013, le livre est cité sur Twitter dans un bref échange entre deux experts du climat. David Clarinval, alors vice-président de la commission  » climat « , pose une question à Jean-Pascal van Ypersele, alors vice-président du Giec :  » La température n’augmente plus depuis quinze ans. Les scientifiques le reconnaissent. Pas vous ?  » L’élu MR relaie une marotte des climatosceptiques : une stagnation de température, calculée sur la base d’une année très chaude et sur une durée trop courte ; van Ypersele argumente mais ne convainc pas Clarinval. Ce dernier répond un péremptoire :  » Sauf depuis quinze ans… Sorry.  » Et quand un abonné Twitter s’immisce dans la discussion, l’élu MR lui conseille une lecture : Climat : 15 vérités qui dérangent.

Parmi ces  » vérités  » proclamées : les théories du  » changement climatique dû à l’homme  » se basent sur des modèles qui ne constituent en aucun cas une preuve scientifique ; le CO2 provenant des combustibles fossiles ne contribue pas significativement à la hausse de température depuis le milieu du xxe siècle.  » Ce n’est pas parce que j’ai relayé que j’adhère, nous sommes dans le débat, je propose une lecture, justifie aujourd’hui David Clarinval. J’ai aussi organisé une conférence à Bièvre avec le professeur van Ypersele en 2011.  » Exact.

En avril 2014, juste avant les élections fédérales, Clarinval et de Salle publient Fiasco énergétique. Le gaspillage écologiste des ressources. Chez Texquis, l’éditeur de la bible des climatosceptiques.  » Une maison d’édition libérale, connue en France dans les milieux libéraux et auprès des divers think tanks avec lesquels je collabore « , explique Corentin de Salle. Une marque de Printype Network sprl, société gérée par Drieu Godefridi, un des invités au Parlement par David Clarinval en 2012. Coauteur de Climat : 15 vérités qui dérangent, philosophe et juriste de formation, Godefridi est un ami de longue date de Corentin de Salle.

Drieu Godefridi, coauteur de Climat : 15 vérités qui dérangent, ami de longue date de Corentin de Salle.
Drieu Godefridi, coauteur de Climat : 15 vérités qui dérangent, ami de longue date de Corentin de Salle.© BART DEWAELE/ID PHOTO AGENCY

Accusations mensongères

Avant de devenir, en 2017, directeur du Centre Jean Gol, centre d’études du MR et coeur de la pensée libérale, de Salle fut un polémiste remarqué dans les pages de La Libre Belgique. Il y signa notamment, en octobre 2005, l’opinion Faut-il brûler Kyoto ? (le protocole international visant à réduire, entre 2008 et 2012, d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions de six gaz à effet de serre, dont le CO2). Le troisième rapport du Giec est alors sorti depuis quatre ans et évoque un  » rythme du réchauffement sans précédent « .

Je débats aussi avec Raoul Hedebouw, ça ne fait pas de moi un marxiste !

Mais pour Corentin de Salle, la cause n’est pas entendue :  » Y a-t-il consensus chez les scientifiques quant à la thèse du réchauffement de la planète ? Non, écrit-il. Y a-t-il consensus chez les scientifiques quant à l’influence du dioxyde de carbone sur ledit réchauffement ? Non plus.  » Et de rappeler que  » la thèse du réchauffement connaît moult détracteurs « . Des détracteurs, de Salle en rencontrera le 3 avril 2009 à Rhode-Saint-Genèse, lors d’une soirée privée  » Climat et énergie « . Trois futurs auteurs de Climat : 15 vérités qui dérangent l’organisent ou y interviennent. La conclusion de l’intervenant scientifique est limpide : l’essentiel du réchauffement est d’origine naturelle.  » Fréquenter des intellectuels de tout bord fait partie de mon travail, explique aujourd’hui le penseur libéral. Je débats aussi avec Raoul Hedebouw, ça ne fait pas de moi un marxiste !  »

Un an plus tard, en mars 2010, dans une note de lecture de Le Giec est mort, de Drieu Godefridi, Corentin de Salle se montre enthousiaste :  » L’auteur analyse les conditions pour ainsi dire « civilisationnelles » qui ont permis, ces trente dernières années, la mise en place de « la plus grande mystification de la science moderne ». Ce n’est pas de la science mais de l’idéologie.  » En 2012, c’est contrepoints.org que de Salle et Clarinval choisissent pour publier une carte blanche sur les questions énergétiques, jetant la base de Le fiasco énergétique. Sur le climat, ce site ne diffuse que des articles remettant en question les avancées scientifiques sur le réchauffement. Titres publiés juste avant la carte blanche : Faut-il encore s’inquiéter du réchauffement climatique ? ; Climat : pourquoi le Giec n’est pas crédible ; Le chant du cygne du réchauffement ; Il n’y a pas de réchauffement climatique global ; Climat : finalement, oui, le Soleil réchauffe bien la Terre ; Début de la fin du réchauffement climatique. Les deux hommes y publieront encore leurs réflexions énergétiques en juin et juillet 2014.

Trois ans après, Corentin de Salle devient directeur du Centre Jean Gol. Contrepoints.org continue à diffuser ses interventions, avec le logo du Centre. Ce même centre a publié, il y a deux mois, Libertés et technologies, la combinaison gagnante de la mobilité moderne, analyse de Samuel Furfari, coauteur de Climat : 15 vérités qui dérangent.

Cette succession de faits sur plusieurs années peut-elle valider une accointance avec les semeurs de doutes que sont les climatosceptiques ?  » Je n’ai jamais défendu de thèses climatosceptiques, rétorque de Salle. Mais je suis en phase avec l’idée – souvent perdue aujourd’hui – du philosophe Karl Popper, selon laquelle la science n’est jamais fixée une fois pour toute, qu’elle évolue constamment au gré des découvertes et qu’il est impératif d’entendre les opinions dissidentes sans diaboliser ceux qui les défendent.  » Olivier Chastel, président du MR, assure, lui, que  » depuis le début de cette législature, notre programme électoral était très clair et ils ( NDLR : Clarinval et de Salle) y ont adhéré complètement sans la moindre réserve concernant le réchauffement climatique et l’influence de l’activité humaine sur celui-ci. Il n’y a pas la moindre hésitation dans leur discours. C’est le seul élément qui m’importe.  »

OLIVIER BAILLY

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