Florence Hainaut

Confiné.e.s

Florence Hainaut Journaliste

A peine trois jours à la maison et nous voilà déjà philosophes, à nous demander ce que nous retirerons de cette expérience, dans notre vie d’après. Le homeworking, quelle folle opportunité, au fond. La vie nous force à nous réinventer, profitons-en. Enfin du temps pour soi, pour souffler, retrouver un rythme plus en adéquation avec nos besoins. Tout va trop vite, ne nous sommes nous pas perdus ? C’est sûr, cette période de confinement va nous offrir un regard neuf, pur et plus humain sur ce qui compte vraiment. Et c’est rien de le dire.

Ça fait plus de trois ans que je bosse de la maison et loin de moi l’idée de vous décevoir mais si il y a un truc qui va changer dans l’après, c’est au mieux que vous aurez du mal à voir votre assureur autrement que comme le type qui vous appelle avec le générique du dessin animé Peppa pig en bruit de fond, baby sitting oblige. Vu les circonstances, vous riez. C’est délicieux, n’est-ce-pas ? Quelle scène cocasse. Le personnage qui ne fait que grouiner, c’est George, le petit frère de Peppa. Il est très énervant. Bientôt vous voudrez le tuer. Oui, à distance.

Votre banquier, lui, sera toujours associé à « Papaaaaaa j’ai fait caca  » et votre cheffe aura gagné en humanité à vos yeux parce qu’elle ponctue ses briefings de « Mais oui ma chérie, quel beau dessin « . Alors qu’on est bien d’accord, il y a peu de chance que ça soit vrai. Vous découvrez qu’elle ment très bien.

Vous n’allez pas devenir ce puits de culture qui a « relu ses classiques« . Vous aviez trouvé les vingt premières pages de La peste atrocement chiantes, à l’époque. Elles le sont restées. Vous vous arrêterez au même endroit. Vous n’allez pas non plus « enfin dévorer cette pile de romans« . Vous allez la prendre en photo et la poster sur Facebook. Ça n’est pas la même chose. A la place, vous allez regarder, pendant des heures, des gens à la télé (à deux tabourets d’écart) qui essaient de dire des choses intelligentes sur le discours du Roi (saluons la performance) et vous vous direz que vous êtes quand même bien, à la maison, à prendre du temps pour vous. Vous découvrez que vous vous mentez très bien. C’est hyper angoissant.

Vous n’avez pas, comme tant de gens paniqués – quelles terribles images, quel égoïsme ! – fait des réserves inconsidérées de pizzas et de pâtes. Le confinement, vous le voyez comme une bonne occasion de reprendre le contact avec votre corps, de l’écouter. A force de manger n’importe quoi à toute vitesse, on oublie d’être reconnaissant envers la terre et tout ce qu’elle nous offre. Vous faites un riz de chou fleur, des aubergines au miso et des falafels maison. Vous gardez les tiges du persil pour un futur bouillon de légumes. Très vite, vous allez découvrir qu’avec un peu de dextérité, on peut mélanger la mayonnaise à même la boite de thon, ça évite de salir un bol. Les nachos font de dips parfaits. Au pire, allez-y au doigt.

C’est pas parce qu’on reste à la maison qu’il faut passer la journée en pyjama. Hop hop hop, on fait un petit effort. Je vous préviens, vous allez vite abandonner l’idée de vous habiller correctement, de toute façon les vidéo conférence ça bouffe trop de bande passante, ça ralentit le téléchargement illégal des 8 Harry Potter que vous comptez binge watcher ces deux prochains jours. Vous avez néanmoins mis votre réveil sur 6h45 pour envoyer un mail avec copie à la toute la boîte pour faire croire que vous êtes au taquet. Vous signez #effortcollectif #tousensemble et vous retournez au lit. Les miettes de nachos vous grattent le dos.

Première semaine. Jusqu’ici tout va bien.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire