« Compter sur la croissance économique pour assainir le budget, c’est prendre ses désirs pour des réalités »

Alors que les emplois publics coûtent de l’argent à l’état, les emplois dans le privé rapportent de l’argent. Mais pour ce qui est de l’assainissement des finances, le gouvernement Michel n’est nulle part, écrit notre confrère de Knack Ewald Pironet.

« Il est clair que c’est un budget. Il y a plein de chiffres », a dit un jour le président américain George W. Bush. Nous sommes tous sous l’emprise des attentats terroristes, mais il n’y a pas d’échappatoire : à partir de ce week-end, le gouvernement doit à nouveau se pencher sur le budget. Pour maintenir ce cap, il doit trouver 2,4 milliards d’euros d’ici 2017, mais l’enjeu est beaucoup plus important.

Le gouvernement Michel peut se vanter d’avoir stimulé l’emploi. Que ce soit surtout dans le secteur privé est une rupture avec le passé. Il faut en souligner l’importance : le gouvernement n’a pas créé de nouveaux emplois, mais il a permis aux entrepreneurs d’engager. Alors que les emplois publics coûtent de l’argent à l’état, les emplois dans le privé en rapportent. Cependant, pour ce qui est de l’assainissement des finances publiques, le gouvernement Michel est nulle part.

L’information s’est perdue dans la vague d’attentats, mais fin juillet le service de statistiques de l’Union européenne, Eurostat, a publié des chiffres qu’on peut interpréter uniquement comme un blâme pour notre pays. : alors que le déficit budgétaire dans toute la zone euro est retombé à 1,6% pour le premier trimestre de cette année – le taux plus bas en six ans – la Belgique a abouti à 3,5% du produit intérieur brut (PIB), ce qui est nettement plus que les 2,9% de 2014. Aujourd’hui, notre dette s’élève à 450 milliards : c’est-à-dire 109,2% du PIB ou 40.150 euros par Belge. C’est une vérité douloureuse pour un gouvernement dont la principale, si pas la seule, raison d’être est la politique de redressement socio-économique.

Pression fiscale

À cela s’ajoute que le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) souhaite baisser l’impôt sur les sociétés, ce qui signifie moins de revenus pour l’état. Pour compenser cette baisse, le ministre de l’Économie Kris Peeters (CD&V) plaide en faveur d’un impôt sur la fortune. Les riches doivent donc payer la baisse d’impôts des entreprises. La N-VA et l’Open VLD ne sont pas d’accord et soulignent que la pression fiscale de 53,7% est déjà très élevée en Belgique.

Il faut donc baisser la pression. Ce gouvernement de centre droit a pu constater que ce n’était pas si facile. Initialement, il a rogné sur pratiquement tous les services de sécurité, mais après les attentats terroristes, il a rapidement libéré de l’argent sous l’impulsion de la N-VA qui avait pourtant crié au « dégraissage » de l’état, mais risquait de voir le boomerang lui revenir en pleine figure. Ce sont effectivement surtout des membres de la N-VA qui gèrent les services de sécurité : la police tombe sous la compétence du ministre de l’Intérieur Jan Jambon et la Défense sous le ministre Steven Vandeput. Après les événements de ces dernières semaines, ils demanderont encore plus de moyens pour la sécurité.

Le gouvernement semble également réaliser qu’il faut augmenter les investissements d’état. Pendant des décennies, on a trop peu investi en infrastructure, car c’était une des façons les plus faciles de faire des économies. « Un pays civilisé dépense 3% de son PIB en investissements publics, la Belgique s’en tient à 1,7% », a déclaré l’expert du budget louvaniste Wim Moesen. À terme, cette tactique se venge : nos routes sont dans un état déplorable et le gouvernement semble prêt à investir davantage dans ce domaine aussi.

Dans ce cas, d’où doit venir tout cet argent? Pour la N-VA, il faut surtout économiser dans la sécurité sociale. Selon le parti, c’est facile, car toutes les dépenses sociales sont bonnes pour 100 milliards d’euros et c’est plus que le budget des gouvernements fédéral (30 milliards), flamand (40 milliards) et wallon (12 milliards) et de la communauté française (9,5 milliards euros) réunis. On ignore où trouver ces milliards. En outre, le CD&V s’y oppose déjà maintenant, car il ne peut se permettre de voir le gouvernement Michel se faire taxer d’inhumain.

Compter sur la croissance économique pour assainir le budget, c’est prendre ses désirs pour des réalités

Le gouvernement Michel a donc du pain sur la planche. On espère pour lui qu’il ne devra pas intégrer les dépenses supplémentaires pour la sécurité et les investissements nécessaires en infrastructure dans le budget. Cela permettrait d’embellir les chiffres officiels, même si l’argent est bel et bien dépensé. Il compte sur la croissance économique pour assainir le budget, mais c’est prendre ses désirs pour des réalités. C’est comme espérer que les attentats terroristes chez nous cesseront quand l’EI sera écrasé par les bombes au Moyen-Orient.

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