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Comprendre la « loi Climat » en 5 points

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

En quoi consiste la « loi Climat », quels sont les partisans politiques de cette loi climatique ambitieuse et ceux qui s’y opposent? Qu’en pensent les électeurs? Qu’est-ce qui est décidé ce mardi en Commission de la Chambre? Le point en 5 questions.

C’est quoi la « loi Climat »?

Pour comprendre la genèse de la « loi climat », il faut remonter à quelques semaines d’ici. Début février, les Verts (Groen-Ecolo) ont présenté une « loi spéciale sur le climat » cosignée par le PS-SP.A, le MR, le CDH, le PTB et Défi en réponse aux manifestations du jeudi des étudiants dans les rues de Bruxelles. Le texte de la « loi Climat » a été rédigé par plusieurs experts universitaires sur le modèle du « Climate Change Act » britannique. Approuvé il y a une dizaine d’années, ce texte a jeté les bases d’une politique à long terme outre-Manche.

La « loi climat » assigne plusieurs objectifs à la Belgique, notamment une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 et 95% d’ici 2050. Elle établit des principes régissant la politique climatique belge et élabore une structure institutionnelle qui coordonne cette politique. L’un des buts poursuivis est de surmonter l’éclatement de la compétence entre les Régions et l’Etat fédéral, source de discorde et d’extrême lenteur. D’une part, le texte regorge d’objectifs climatiques et, d’autre part, il appelle à la création de nombreuses nouvelles institutions, telles qu’une agence climatique interfédérale et un comité permanent indépendant d’experts climatiques. Les conséquences pour la structure de l’Etat belge sont donc assez importantes. Les députés Hendrik Vuye et Veerle Wouters ont déclaré que la « loi climat » constituait rien moins qu’une « septième réforme d’État « .

Comment se positionnent les différents partis ?

Les écologistes rejoints par les socialistes, le cdH, DéFI et le MR ont déposé cette loi sous forme d’une proposition de loi spéciale à la Chambre. Si l’initiative recueille un soutien quasi unanime du côté francophone, elle a reçu un accueil beaucoup plus froid en Flandre: la N-VA, mais aussi le CD&V et l’Open Vld n’ont pas caché leurs réticences, voire leur opposition, pour des raisons diverses. Les uns parce que cette loi mènerait à une (re)fédéralisation de la compétence, les autres parce qu’elle risque de devenir un argument permettant à la justice de condamner la Belgique pour non-respect de ses objectifs, une appréhension que partagent les fédérations patronales.

Pourquoi ça coince ?

Début du mois, le Conseil d’État a émis un avis extrêmement critique sur la proposition des experts. Par exemple, le texte ne respecterait pas la répartition des compétences entre les différentes autorités. Selon lui, la Chambre ne peut voter le texte tel quel. Plusieurs pistes de solution ont alors été proposées. La voie la plus évidente et la plus rapide étant la révision de l’article 7bis de la Constitution, révisable sous cette législature. A nouveau, socialistes, écologistes, cdH, DéFI et cette fois-ci le PTB ont déposé une proposition de révision. Principale différence avec la loi spéciale: le MR ne s’est pas joint au départ à la cosignature. Car, aux yeux des libéraux francophones, cette révision de la Constitution « ouvre la boîte de Pandore » institutionnelle. Pour obtenir les deux tiers des voix au parlement, ils redoutaient que les partis flamands ne fassent monter les enchères et n’entraînent les francophones dans un débat communautaire. Finalement, lundi, le MR s’est dit prêt à appuyer cette révision si cela permet de recentrer le débat sur des mesures concrètes.

« Occupy for Climate », rue de la Loi. 300 personnes campent devant le parlement pour réclamer une « loi climat » ambitieuse. © BELGA/Nicolas Maeterlinck

Que va-t-il se passer ce mardi ?

La première étape est donc de réviser cet article 7bis de la Constitution. Cette disposition est l’une des clés de la « loi Climat » et est devenue l’un des emblèmes de la mobilisation pour une politique climatique plus ambitieuse. Ce mardi, la commission « Révision de la Constitution » de la Chambre examinera la proposition de révision et se prononcera par un vote. Si le vote est favorable, la proposition sera soumise à la plénière jeudi. Si elle passe également ce stade, une commission Santé/Environnement se réunira lundi ou vendredi pour discuter de la proposition de loi spéciale, explique Le Soir.

Mais l’histoire est loin d’être terminée. Car même si l’amendement à l’article 7bis est approuvé en Commission, et même si l’article est effectivement amendé (à une improbable majorité des deux tiers à la Chambre et au Sénat), cette loi climatique spéciale doit encore trouver une majorité des deux tiers dans l’ensemble du parlement et une majorité dans chaque groupe linguistique. Le CD&V, l’Open Vld et la N-VA continuent à s’y opposer. Et dans la composition actuelle, l’approbation est extrêmement difficile, car pour obtenir cette majorité spéciale de cent sièges à la Chambre, les votes du CD&V et de l’Open VLD sont indispensables. De plus, cela semble également être de la fiction politique pour la prochaine législature. Dans le dernier sondage de Het Laatste Nieuws, VTM Nieuws, RTL TVI et Le Soir, les opposants obtiennent toujours 66,2 % des voix. Les chances d’un vote de la « loi Climat » avant les élections sont donc minces et l’enjeu risque d’alimenter encore la campagne électorale.

UPDATE 13H05: La commission de Révision de la Constitution de la Chambre a approuvé mardi par 9 voix contre 8 la révision de l’article 7bis qui doit donner une base permettant de voter la proposition de loi spéciale Climat. Les socialistes, les écologistes, le cdH et le MR ont soutenu le texte. La N-VA, le CD&V et l’Open Vld ont voté contre. La révision sera soumise jeudi à la séance plénière de la Chambre où elle doit recueillir une majorité des deux tiers. Sans changement d’attitude du CD&V et de l’Open Vld, elle sera rejetée.

A lire aussi: Le bras de fer se poursuit entre les partisans et les détracteurs de la loi Climat

Que pensent les électeurs belges de cette « loi Climat »?

Selon un sondage* réalisé sur un échantillon représentatif d’environ 2000 électeurs belges, une majorité de citoyens ayant voté lors des dernières élections fédérales pour le CD&V, le MR et l’Open VLD estiment que le politique doit déposer et approuver une loi contraignante sur le climat. Du côté des électeurs de la N-VA, 45% y sont favorables et 17% sont contre.

Plus de la moitié des Belges (Belgique : 53% – Flandre : 51%, Wallonie : 52%, Bruxelles : 63%) considèrent que la Belgique doit déposer et approuver une loi contraignante sur le climat. Une majorité des citoyens qui avaient voté pour le CD&V, le MR et l’Open VLD lors des dernières élections fédérales partagent cet avis. 56% sont en effet en faveur d’une telle loi et seulement 16% contre. On observe un nombre nettement plus élevé de partisans d’une loi climat que d’opposants dans tous les partis politiques, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie. 45% des électeurs de la N-VA y sont ainsi favorables et 17% sont contre.

(Avec Belga)

* Ce sondage s’est déroulé du vendredi 8 mars au mercredi 13 mars 2019. Il a été mené par le bureau d’étude Burat, en collaboration avec le professeur Gino Verleye de l’Université de Gand et le bureau Dynata pour le traitement de données. Ce sondage a été réalisé à la demande de Sign for my Future, une vaste coalition formée de citoyens, de jeunes, de dirigeants d’entreprises, d’organisations de la société civile, des médias et du monde universitaire qui appelle à élaborer une politique climatique plus forte et adopter une loi contraignante sur le climat en Belgique.

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