Guido Fonteyn

Communautaire : la troisième voie

Chaque système politique est tenu de respecter la langue de ses communautés linguistiques. Nous, les Belges, y sommes passés maîtres.

Cent trente-neuf ans – un siècle et encore trente-neuf ans ! -, voilà le temps qu’ont pris les discussions sur la frontière linguistique dans notre pays. A condition, bien sûr, que la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde soit menée à son terme cette année. La plupart des francophones ont toujours estimé que ce débat était inutile. Un certain nombre de flamingants trouvent que le combat n’est pas fini puisque l’objectif final n’est pas encore atteint. Or une autre attitude est possible, celle d’une troisième voie, pacifique, pouvant servir d’exemple à presque tous les pays de la planète qui compte très peu de pays unilingues.
Notre long périple a commencé en 1873 quand le Parlement a voté la première loi linguistique. Celle-ci portait sur l’emploi des langues dans les tribunaux : en pratique, les néerlandophones obtenaient le droit de s’exprimer dans leur langue devant la justice. Mais des problèmes ont aussitôt surgi quant au respect de cette loi : valait-elle dans toute la Belgique ou uniquement en Belgique flamande ? Et encore fallait-il délimiter précisément ces aires géographiques. En d’autres mots : une chose est de concevoir une frontière linguistique, une autre, de la tracer sur une carte.

Pendant des décennies, la Belgique francophone de l’époque a saboté la première loi linguistique. L’idée prévalait que le droit des uns d’utiliser leur langue n’impliquait pas nécessairement que les autres – lire : les juges et les avocats francophones – étaient tenus de la comprendre. Ainsi débuta le débat communautaire que nous sommes en train de clore.

Du côté francophone, on ne se rend encore pas bien compte combien la Belgique d’antan fut antidémocratique. Quoique l’usage des langues fût libre, conformément à la Constitution, la Belgique fut un pays francophone. Ce n’est pas un hasard si les premiers succès du Mouvement flamand ont été remportés après l’instauration – en plusieurs épisodes – du suffrage universel, au même titre que les grandes étapes de la réforme de l’Etat (à partir de 1962/1963) ont été parcourues après que la puissance économico-industrielle s’est progressivement déplacée de l’industrie lourde wallonne vers les ports flamands. Tout est lié.
Il n’en reste moins vrai que tout au long de ces négociations complexes et laborieuses la violence a été la grande absente. Même dans une Suisse toujours auréolée de ses vertus pacifiques, la séparation (dans les années 1880) du canton francophone Délémont d’avec le canton allemand de Berne a fait plusieurs morts. Il n’est donc pas du tout raisonnable de présenter la réforme de l’Etat helvétique comme un modèle du bon sens, et la nôtre comme une entreprise ridicule.

Et je n’ai même pas abordé les problèmes du Québec et du Canada, ni la répression des ethnies linguistiques dans l’ancienne Union soviétique, ni la situation confuse en Afrique (la RDC présente une mosaïque de langues !), ni la tragédie vécue par la Syrie.

Chaque système politique est tenu de respecter la langue de ses communautés linguistiques. Nous, les Belges, y sommes passés maîtres. Envoyons à nouveau nos missionnaires aux quatre coins du monde. Dans ce domaine, notre coopération au développement peut faire des merveilles.

GUIDO FONTEYN

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