Le chantier de la Maison des cultures et de la cohésion sociale est censé débuter durant ce mois de mars. © FJDO

Communales 2018: à Saint-Josse, c’est « cocktail sans Molotov »

Sous la férule d’Emir Kir, la plus petite commune bruxelloise a traversé sans fracas la législature. De quoi prolonger le bail du PS ? Il y règne sans discontinuer depuis… 1953.

 » Le trou dans la chaussée de Louvain !  » C’est la réponse spontanée du tout-puissant bourgmestre de Saint-Josse Emir Kir (PS) quand on lui demande d’évoquer un grand moment de son premier mandat. En septembre 2017, l’affaissement de la voirie avait provoqué la fermeture de cet axe important, et le relogement de 237 habitants. Les travaux sont quasi achevés.  » Nous avons démontré qu’à Saint-Josse, on peut gérer les problèmes vite et bien, sans se lamenter ni renvoyer la balle à d’autres niveaux de pouvoir « , déclare-t-il fièrement. Son rôle de chef d’orchestre avait alors suscité l’unanimité.

Louanges également pour ce que Kir appelle lui-même sa plus belle réussite : la propreté des rues :  » J’en ai fait ma priorité absolue dès le départ. On nettoie de 7 à 20 heures, car la commune est très dense (NDLR : on la compare à Calcutta) et est traversée par des milliers de personnes. On a doublé le nombre de corbeilles publiques, placé des cendriers au sol… Et on a fleuri les rues !  » Punir les souilleurs ?  » On n’est pas la Gestapo, certains ne rêvent que de faire payer mais les gens sont parfois insolvables. Il faut tendre la main par l’information et sanctionner les récalcitrants.  »

Après les fleurs, les tomates :  » Manque de rigueur à tous les étages « , tonne Geoffroy Clerckx (MR).  » Notre plus grosse difficulté, c’est de savoir comment cette commune est gérée, appuient Zoé Genot et Ahmed Mouhssin (Ecolo-Groen, la deuxième formation). Zéro transparence ! Nous ne parvenons pas à mettre la main sur l’organigramme. Par clientélisme, Kir a engagé beaucoup de gens incompétents, qu’il déplace comme des pions.  » Ils évoquent la gestion  » catastrophique  » de certaines crèches, du lycée Guy Cudell, ou de la prostitution dans le quartier Nord.

Le chantier de la Maison des cultures, qui doit débuter en mars, suscite également les critiques. Le budget a explosé  » car les architectes doivent revoir les plans et Kir est incapable de gérer au quotidien « . Réplique du bourgmestre :  » Quand on n’a jamais dirigé, la critique est facile. Dans un projet immobilier, il y a parfois des dépassements budgétaires. On arrive chaque fois à bon port, et dans des délais courts.  »

La mobilité est un terrain encore plus controversé.  » Un gros échec « , pointent les verts.  » Saint-Josse est devenu un égout à voitures. La commune ne fait qu’un kilomètre carré et le bourgmestre ne se déplace qu’en auto !  » Celui-ci rétorque :  » L’opposition veut l’immobilisme et ériger des murailles, nous, on est pour une commune accessible et fluide, avec en priorité : la lutte contre la vitesse. Pour le reste, il faut une approche globale avec la Région.  »

Kir préfère mettre en avant le bilan financier positif.  » Nous avons économisé 500 000 euros sur les factures énergétiques grâce à des investissements colossaux dans les bâtiments publics. Les taux de performance des subsides sont à 100 %. On fait le contraire de l’Etat fédéral qui a laissé tomber la lutte contre la fraude fiscale en ponctionnant le contribuable. Nous, on a augmenté les taxes (NDLR : déjà juteuses…) sur les bureaux et des chambres d’hôtel, et diminué les pressions sur les ménages pour davantage de justice sociale. Les certificats de résidence sont gratuits, passeports et permis de conduire sont parmi les moins chers de Belgique. Nous distribuons des chèques-sports…  » De quoi soulager une population dont les revenus moyens sont les plus faibles de la Région.

Communales 2018: à Saint-Josse, c'est

« Mon épouse est catholique »

C’est sur le volet ethnique qu’Emir Kir est souvent attendu au tournant. Son profil Facebook draine des likes provenant quasi exclusivement de la communauté turque. Son refus de reconnaître la responsabilité de la Turquie moderne dans le génocide arménien et ses amalgames entre manifestants kurdes et Daech suscitent le malaise.  » Saint-Josse, c’est un Etat turc dans l’Etat belge « , dénonce Christian Lambert, délégué permanent de la CSC services publics dans la commune. Avec Kir,  » on est passé de 500 à 850 postes dans l’administration, où l’on retrouve beaucoup de membres de son entourage « . Zoé Genot recadre :  » Il engage surtout des chefs de famille au sein des nombreuses communautés de Saint-Josse, ce qui lui apporte des voix pour les élections.  » Parmi les citoyens de nationalité étrangère, les Bulgares et les Roumains sont plus nombreux que les Turcs.

Le bourgmestre hausse les épaules.  » Montrez-moi un seul dossier où j’aurais une approche communautariste. Tout est fait dans le respect des convictions de chacun. Il y aura toujours des relents racistes, mais que voulez-vous, je ne peux pas me délaver. Mon père était ouvrier mineur arrivé dans les années 1960, et je suis parfaitement belge, avec un grand respect de la diversité.  » Kir ponctue ce débat :  » Pour donner des gages, dois-je préciser encore une fois que mon épouse est italienne et catholique ?  »

Durant son mandat, les incidents entre Turcs et Kurdes ont été quasi inexistants dans la commune.

 » Saint-Josse c’est un cocktail mais sans Molotov « , déclame l’artiste flamand du cru Jee Kast. La commune peut se targuer de ne compter, à ce jour, aucun habitant parmi les combattants partis en Syrie. La recette ? D’abord, la coexistence de 153 nationalités, qui permet le contrôle mutuel et la paix sociale. Ensuite, le marquage à la culotte.  » On ne lâche rien sur un territoire qui donne l’avantage de la proximité, explique Kir. Mais on ne veut pas stigmatiser la jeunesse. J’ai ainsi refusé un coordinateur radicalisme. On préfère le travail d’accrochage social, mais sans le claironner.  »

En avant pour un deuxième mandat ? Beaucoup dépendra des électeurs de Jean Demannez, qui n’ont pas tous apprécié qu’Emir Kir s’impose à la tête de la commune, alors qu’il n’y était pressenti qu’après trois ans. Cela dépendra aussi de la santé générale d’un PS peu à la fête.  » Les crises sont passagères « , se contente de répondre le bourgmestre, très fier de son bilan. D’ailleurs, il avait écrit sur un papier les réponses à nos questions envoyées à l’avance. A la question :  » Echecs ? « , il a simplement noté :  » Pas d’échec.  »

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