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Comment Yvan Mayeur avait pris le pouvoir à Bruxelles

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

En quelques années, le futur ex-bourgmestre de la Ville de Bruxelles avait pris l’ascendant sur le parti, effacé ses concurrents et s’était rendu indispensable. Enquête.

Cet article a été publié pour la première fois le 13 décembre 2013.

C’était le 4 décembre 2013. Yvan Mayeur nous disait : « Je fais l’unanimité. Tout le monde est content de me voir arriver. » Il est souriant, léger, heureux : chemise blanche, pantalon noir parfaitement ajusté, smartphone et iPad à portée de main, un peu Michel Field, les kilos en moins. « Notre équipe est très soudée », insiste-t-il. Le soir même, à la section locale du PS, il sera élu au poste de bourgmestre de Bruxelles-Ville. Pourtant, Mayeur est éclaboussé par « l’affaire Peraita » : le manque de transparence dans la gestion du Samusocial, pointé par un rapport de l’Inspection des finances, et les avantages (haut salaire et logement public ayant bénéficié d’un subside régional pour « rénovation ») dont bénéficie Pascale Peraita, l’ex-directrice de l’ASBL qui a pour vocation de venir en aide aux personnes en grande précarité. Le hic : Pascale Peraita, amie d’enfance d’Yvan Mayeur, est sous la tutelle du CPAS, donc d’Yvan Mayeur. On le soupçonne donc de l’avoir couverte. Début décembre, au sein du parti socialiste, « un réel malaise demeure ».

La passation de pouvoir semble bien difficile à Bruxelles. Alors que son prédécesseur, Freddy Thielemans, rate sa sortie – on l’accuse de s’être présenté à l’électeur en sachant qu’il n’irait pas au bout de son mandat -, Yvan Mayeur loupe son entrée. L’un a 69 ans et cède sa place après douze années de mayorat ; l’autre, à 53 ans, s’installe à l’hôtel de ville, entaché de soupçons. « Non, conquérir Bruxelles n’était pas mon rêve. Je me destinais à une carrière fédérale », assure-t-il. Selon ses proches, ces propos voileraient une vieille blessure. En mars 2008, Elio Di Rupo, président du PS, veut nommer un secrétaire d’Etat à la Lutte contre la pauvreté. Yvan Mayeur attend l’appel du président. Député fédéral et président du plus grand CPAS du pays, il connait le terrain et estime avoir le meilleur profil pour le poste. Il l’espère. Elio Di Rupo lui préfèrera un illustre inconnu : Frédéric Laloux, échevin jugé peu convaincant par ses pairs et qui démissionnera un mois plus tard… Pour Mayeur, des années d’efforts pour devenir « l’un des hommes les plus prometteurs de la gauche » sont réduites à néant. A quoi bon travailler dans l’ombre, se démarquer du rang des parlementaires, si c’est pour « se faire doubler par une klet » ? Philippe Moureaux, patron du PS bruxellois, montera alors au créneau pour demander à son président de rattraper cette « erreur de casting ». En vain. Seconde déception : Frédéric Laloux out, Di Rupo choisira le Namurois Jean-Marc Delizée, parlementaire fédéral. « Mayeur s’est construit sur le regret de ne pas avoir eu sa chance en 2008 », analyse un ténor socialiste.

Pour être investi candidat à la Ville de Bruxelles, son score électoral ne lui a été d’aucune utilité – jusqu’ici, en tout cas, l’homme n’est pas une machine à voix. Mais il a compris très tôt qu’il devait maîtriser l’appareil. Ceux qu’il devait convaincre, c’est Laurette Onkelinx, la vraie cheffe à Bruxelles, et les adhérents du PS local. Il réussira ainsi à minoriser l’autre clan actif à Bruxelles constitué autour de Philippe Close, échevin, ex-chef de cabinet de Freddy Thielemans et ancien porte-parole d’Elio Di Rupo, et de Karine Lalieux, échevine et députée fédérale. « On ne peut pas décoder l’ascension de Yvan Mayeur sans évoquer les liens qui l’unissent à Laurette Onkelinx », glisse un PS bruxellois. Entre les deux, il y a une relation d’amitié forte, une relation personnelle. On parle d' »osmose ».

Mayeur se rend indispensable. Rien de ce qui se passe à Bruxelles ne lui échappe. En coulisse, beaucoup affirment que c’est lui le patron du PS local. Que c’est lui le véritable bourgmestre de la ville, avec Philippe Close, depuis plusieurs années. Sur le ton de la confidence, les mauvaises langues affirment que Freddy Thielemans n’ouvrait plus un dossier… « La question que je me suis posée, confie-t-il à des proches, c’est : y en a-t-il un meilleur que moi dans mon camp pour le mayorat ? Je n’en voyais pas… »

Ce 16 décembre, Yvan Mayeur sera officiellement maïeur de la Ville de Bruxelles, un poste prestigieux, avec un budget de 800 millions d’euros, soit presque le portefeuille cumulé de toutes les autres communes bruxelloises. Dernière étape avant de décrocher, enfin, un ministère ?

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