Carte blanche

Comment restaurer la confiance dans la démocratie (carte blanche)

Six sénateurs de la majorité fédérale soutiennent une révolution citoyenne dans leur assemblée.

La confiance envers le monde politique, ses institutions, ses représentant.e.s a rarement été aussi basse. Et la crise sanitaire n’a rien arrangé, accentuant un peu plus encore le fossé entre citoyen.ne.s et politiques.

Ce constat ressort de différentes enquêtes. L’une des plus récentes, publiée par le Moniteur communal, confirme les résultats du sondage RePresent (2019) et de l’Eurobaromètre: les citoyen.ne.s ne croient plus en la capacité des politicien.ne.s de comprendre les réalités de la société, et encore moins que la « politique » puisse améliorer fondamentalement leur quotidien.

Pour beaucoup, le Sénat représente le symbole de l’institution inutile gaspillant l’argent du contribuable.

Pour rappel, le Sénat, institution fondée à Rome en 753 avant Jésus-Christ et créée en 1831 en Belgique, a connu au cours de sa longue histoire des métamorphoses guidées par les évolutions de la société. Il suffit de penser par exemple à l’instauration du suffrage universel masculin au lendemain de la Première guerre mondiale ; puis du suffrage universel féminin au lendemain de la Seconde.

Aujourd’hui, nous sommes à un nouveau tournant. Il ne s’agit pas tant de maintenir le Sénat coûte que coûte en tant qu’institution, mais plutôt d’enclencher en son sein une nouvelle dynamique impliquant intensivement les citoyen.ne.s dans la prise de décisions. De la sorte, le Sénat deviendrait un lieu d’expérimentation de nouvelles formes de démocraties, en phase avec les enjeux de notre époque.

Qui plus est, les capacités d’expression des citoyen.ne.s sont aujourd’hui renforcées et leur permettent de développer une vision claire et réfléchie sur un tas de questions bien définies. Pourquoi ne pas dès lors utiliser pleinement le pouvoir de la voix des citoyen.ne.s?

Un petit tour d’horizon au-delà de nos frontières montre qu’il existe déjà d’excellentes initiatives à l’étranger. Ce n’est pas pour rien que l’OCDE parle d’un « tournant délibératif ».

Épinglons par exemple l’Irlande, qui connaît une forte tradition de démocratie directe et où la Convention constitutionnelle, impliquant directement les citoyen.ne.s, a permis de trancher des sujets de société qui minaient la vie publique du pays. Il suffit de penser au mariage homosexuel en 2015 et à la dépénalisation de l’avortement en 2018.

En Belgique, des initiatives de plus en plus nombreuses voient le jour pour impliquer les citoyen.ne.s, d’abord au niveau local mais également au niveau des parlements. Ainsi, la Communauté germanophone a par exemple introduit un système de tirage au sort par le biais de son « Dialogue citoyen » permanent. Les parlements bruxellois et wallon ont désormais mis en oeuvre des commissions délibératives rassemblant des citoyens tirés au sort et des élus autour d’un dossier spécifique.

Au niveau national, notre Constitution ne permet pas (encore) de mettre en place une participation citoyenne contraignante. Cela nécessiterait une révision de la Constitution – un exercice actuellement en cours au sein de la Chambre des Représentants.

Ceci étant, la Constitution ne doit en aucun nous empêcher de réfléchir dès à présent à la modernisation de notre système représentatif et, surtout, de prendre des mesures pour y parvenir.

C’est pourquoi au Sénat, pendant plus d’un an et demi, dont six mois d’échanges intenses avec un large panel d’expert.e.s nationaux et internationaux, nous avons travaillé d’arrache-pied à l’élaboration d’un rapport d’information sur le renouvellement de notre démocratie.

Ce vendredi 18 juin, ce rapporta été voté en séance plénière. Sa conclusion est claire: le développement de nouvelles formes de démocratie, plus participatives, à côté de notre démocratie représentative, est vital.

Si le système représentatif doit encore être selon nous amélioré (pensons au droit de vote des jeunes dès 16 ans), cela ne signifie en aucun cas qu’une forme de démocratie sera affaiblie au profit d’une autre.

Ce qui est essentiel ici et maintenant, c’est de relancer la participation citoyenne à l’exercice démocratique, de façon à restaurer la confiance des citoyen.ne.s envers les institutions et leurs représentant.e.s.

C’est un objectif ambitieux, mais nous sommes à un moment clé pour le réaliser : d’une part, la Belgique fête bientôt ses 200 ans. De l’autre, la Commission européenne encourage à l’essor de la participation citoyenne au sein des Etats membres de l’Union.

Et le Sénat a également un rôle à jouer! Il peut et doit dès à présent lancer les initiatives nécessaires au renforcement de notre démocratie dans le cadre constitutionnel existant. Ainsi, nous proposons par exemple de créer – au sein du Sénat – des commissions délibératives composées de parlementaires et de citoyen.ne.s tirés au sort.

Afin de guider les différents niveaux de pouvoir, le rapport consacre également un large volet aux conditions indispensables à la réussite de processus participatifs efficaces. Pour garantir la qualité démocratique des instruments délibératifs, il est important que le cadre et la méthode des initiatives soient solides et crédibles. Il faut en effet éviter que les instruments délibératifs ne touchent que les participants habituels à ce type de démarche. L’inclusivité et la représentativité sont à cet égard essentielles, de même que la qualité de la délibération, grâce à un cadre solide et garantissant les ressources financières nécessaires.

Il est donc essentiel que ces expériences participatives ne soient pas ponctuelles et qu’elles puissent concrètement déboucher sur des textes juridiques.

En outre, afin de garantir au mieux la transparence et la participation citoyenne la plus large, la communication joue un rôle crucial. Cela passe, à chaque étape des processus décisionnels, par des relais sur les médias traditionnels et en ligne.

Pour conclure, nous n’avons pas besoin de faire table rase pour restaurer la foi en la politique. « Toute révolution s’évapore rapidement », comme l’écrivait Kafka. Ce dont nous avons besoin, c’est de prendre des mesures concrètes pour inverser la spirale de défiance. Après le temps de la réflexion approfondie, place à celui de l’action !

Katia Segers (SPA)

Rodrigue Demeuse (Ecolo)

Philippe Courard (PS)

Steven Coenegrachts (OpenVLD)

Orry Van de Wauwer (CD&V)

Chris Steenwegen (Groen)

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