La prison de Saint-Gilles © BELGA

Combien coûte un détenu en Belgique?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

La Belgique consacre nettement plus d’argent aux détenus que ses pays voisins. Une constatation étonnante, quand on sait que les prisons belges sont surpeuplées, que les conditions de vie y sont déplorables et qu’elles sont des foyers de radicalisation. C’est ce que révèle un rapport du Groupe du Vendredi.

À en croire les chiffres de la direction générale des Établissements pénitentiaires du SPF Justice, l’état fédéral a dépensé environ 560 millions d’euros pour les prisons en 2017. Comme il y avait 10.471 prisonniers en Belgique, cela revient à 146,50 euros par jour et par détenu, soit 3,5 euros de moins que l’année d’avant.

Ce coût est plus élevé qu’en France (102 euros), en Grande-Bretagne (115 euros) et en Allemagne (129 euros), mais moins qu’aux Pays-Bas où il atteint les 250 euros, même s’il s’agit de chiffres de 2016. En outre, la Belgique détient le record européen de prisons et de centres pénitentiaires par kilomètre carré et le taux d’enfermement dépasse celui de ses voisins : il y a en Belgique 113 détenus par 100 000 habitants, contre 98,3 en France, 77,4 en Allemagne, et 53 aux Pays-Bas.

À en croire Audrey Hanard, présidente du Groupe du Vendredi et coauteure du rapport sur les prisons belges, le coût en Belgique est sous-estimé. « Contrairement à l’étranger, les mesures de soutien pour les prisonniers relèvent du communautaire et ne sont donc pas repris dans ce montant », explique-t-elle au Morgen.

Radicalisation

Dans son rapport, le Groupe du Vendredi qualifie les prisons belges de « fabriques de radicalisation » et estime à 4,5 % le taux de détenus radicalisés, un chiffre aggravé par « les conditions de vie déplorables au sein des prisons belges qui augmentent encore la frustration des détenus ».

Cependant, ce n’est pas tant le nombre de détenus radicalisés qui pose problème, mais le suivi : « Sur les 450 détenus présentant des signes de radicalisation, seuls 132 ont reçu une forme de soutien ou de traitement. Des 22 personnes qualifiées de ‘fortement radicalisées’, il n’y en a que 12 qui suivent un parcours de déradicalisation individuel. En d’autres termes, deux tiers des détenus qualifiés de ‘radicalisé’ ne reçoivent aucun traitement ou accompagnement psychologique », déplore le Groupe du Vendredi qui estime que beaucoup d’entre eux sortiront de prison dans un état beaucoup plus dangereux qu’avant leur incarcération.

Et la radicalisation n’est pas le seul problème engendré par la surpopulation. Elle permet aussi d’introduire de la drogue plus facilement dans l’enceinte dans la prison, ce qui favorise la propagation de maladies infectieuses telles que le HIV et l’hépatite C.

Maladie infectieuses

Le think tank regrette l’absence de prise en charge systématique de la toxicomanie. Sevrés du jour au lendemain, les détenus toxicomanes peuvent représenter un danger pour la sécurité des gardiens et des codétenus, même s’ils continuent souvent à se droguer en prison. « En réalité, la consommation de drogue ne s’arrête souvent pas à l’entrée en prison et au contraire augmente : il est estimé que 33% des détenus en consomment à l’entrée en prison et 50% deviennent polytoxicomanes endéans les murs », écrit le Groupe. De plus, le risque de tuberculose, une maladie favorisée par des mauvaises conditions de vie, est dix fois plus élevé en prison.

Récidive

Pour le Groupe, la solution n’est pas de construire plus de prisons, mais de réduire le taux de récidive dans l’intérêt de la société et de la situation dans les prisons. Une étude de 2015 révèle en effet que plus de la moitié des personnes condamnées à la prison en 1995 ont fait l’objet d’une nouvelle condamnation dans les 20 ans. « Il y a des programmes qui prouvent qu’il y a moyen de faire baisser le taux de récidive de 14%, ce qui permet d’amortir l’investissement », explique Audrey Hanard au Morgen. .

« Du parcours de réintégration néerlandais à une meilleure collaboration interfédérale en passant par l’instauration d’un service minimum, de nombreuses idées existent pour amener notre politique carcérale au 21e siècle et pour redonner à la prison son rôle central : nous protéger », conclut le Groupe.

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