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Cinquante ans après, Louvain-La-Neuve doit être davantage qu’un symbole (analyse)

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La ville, dont la première pierre a été posée le 2 février 1971, illustre le sursaut wallon après le Walen buiten. Mais la Région, en souffrance économique, n’a toujours pas transformé l’essai.

Le 2 février 1971, la première pierre de Louvain-La-Neuve était posée, donnant naissance à une cité totalement orientée vers la connaissance universitaire et la recherche en Wallonie. C’était un symbole de renouveau pour une région en souffrance et c’était surtout, à l’époque, une réaction contrainte et forcée au réveil autonomiste flamand.

Quatre ans plus tôt, en 1967, l’expression « Walen buiten » avait insidieusement vu le jour dans les travées de Leuven, où siégeait l’université catholique unie. C’était un reflet de l’époque: la Flandre avait longuement lutté contre son autonomie culturelle et venait de dépasser sa voisine en terme de richesse: le temps de la « vengeance » était arrivé face à ces « fransquillons » trop longtemps arrogants.

Mais cette exaspération avait été aussi nourrie par la volonté francophone de s’entendre encore, en territoire flamand: la crainte de la tâche d’huile était de mise, après la fixation de la frontière linguistique en 1963. Dans les convulsions révolutionnaires de Mai 68, l’expression autonomiste flamande avait pris le dessus sur les espoirs romantiques et universalistes véhiculés dans le monde. Cette année-là, la Katholieke universiteit Leuven (KUL) et l’Université catholique de Louvain (UCL) deviennent deux entités séparées.

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Un axe de développement

Les francophones, pour le coup, n’étaient pas restés sans réagir. En vue de cette séparation annoncée, et au vu de la fronde suscitée par un éventuel élargissement en territoire flamand, des responsables universitaires avaient prospecté des terrains pour déménager en Wallonie, si jamais, dès la première moitié des années soixante. Le choix d’Ottignies fut finalement acté au profit de Charleroi, Namur ou Wavre, avec la volonté de développer ce petit coin tranquille du Brabant wallon. La ville nouvelle voit littéralement le jour au milieu des champs. Et fleurit rapidement, en faisant taire ses détracteurs.

Pari gagné: cette cité universitaire, considérée par certains à l’époque comme une « folie des grandeurs », s’est imposée comme un symbole de réussite wallonne. Le premier acte de cette aventure, le Cyclotron, a d’ailleurs donné naissance à IBA, devenu en trente ans le leader mondial de la protonthérapie pour le traitement du cancer: tout un symbole! Aujourd’hui, l’UCLouvain accueille plus de 35000 étudiants, multiplie les parcs scientifiques et constitue l’un des acteurs principaux de l’axe de redressement économique wallon, qui s’étend de Bruxelles à Luxembourg.

Il s’agit d’une « réussite exceptionnelle et d’une chance pour la Wallonie« , comme le soulignait ce mardi matin le chroniqueur Bertrand Henne sur la RTBF, mais enracinée dans un « marqueur politique » traumatisant pour toute une génération. Après le Walen buiten, la Belgique a connu six réformes de l’Etat et le chemin vers un confédéralisme larvé s’est enraciné dans la désunion entre Flamands et francophones.

Un essai qui reste à concrétiser

Cinquante ans après, Louvain-La-Neuve reste un symbole, mais l’essai prometteur qu’il représentait sa naissance n’a pas été suffisamment concrétisé à l’échelle régionale. Au-delà de l’axe Bruxelles-Luxembourg, les autres régions wallonnes restent en déficit de développement, si ce ne sont des sursauts dans la région liégeoise et des volontés de bien faire pas toujours concrétisées dans le Hainaut.

Louvain-La-Neuve, pour sa part, se transforme en ville à part entière depuis une quinzaine d’années, et doit faire face aux défis de sa croissance: une architecture déjà vieillissante par endroits, un urbanisme toujours novateur mais confronté à l’enjeu écologique et… une philosophie parfois contestée au sein même de sa Région. L’UCLouvain s’est étendue vers Mons, Tournai, Charleroi… et Bruxelles, mais les considérations politiques et institutionnelles freinent son mariage avec Saint-Louis, quand des discriminations en terme de financement ne sont pas relevées à demi-mots par les autorités.

Depuis 1968, Nord et Sud du pays se regardent différemment. Au niveau belge, l’UCLouvain a renoué de bon contacts avec la KULeuven, mais se trouve, là encore pris, dans les tenailles de l’histoire. « Nos relations sont aujourd’hui excellentes, disait ce week-end le recteur Vinent Blondel au Soir. Je ne peux personnellement me distancer d’un sentiment de proximité avec Leuven. La KULeuven et l’UCLouvain se retrouvent sur beaucoup de choses. Nous nous présentons ensemble à l’étranger. La différence perceptible dans les rankings n’est pas celle qui sépare deux universités, mais bien la Flandre et la Belgique francophone. Elle résulte de deux contextes socio-économiques très différents et d’un financement des universités très différents, ce dernier se reflétant nettement dans les indicateurs liés à la recherche. »

Une autre façon de dire que si Louvain-La-Neuve est une réussite, elle reste une promesse et souffre de cette Région qui peine à se relever par-delà les slogans (Get up Wallonia!) et les plans politiques (Marshall).

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