Carl Devos

Cinq ans de socio-économique pour mieux confédéraliser ensuite?

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

La fusion attrayante entre les fractures socio-économiques et communautaires, que la coalition suédoise fédérale ne manquera pas d’évoquer au cours des prochaines années, peut exercer à terme une influence importante sur l’évolution de notre Etat fédéral.

En Flandre, on assisterait indubitablement à une levée de boucliers si l’exécutif fédéral devait gouverner avec une majorité flamande aussi ténue que celle, dans sa composante francophone, qui soutiendra le gouvernement Peeters. Et cette opposition serait certainement dirigée par la N-VA. Au cours des deux dernières années, ce parti a lutté pour cette unique raison contre la coalition montée par Elio Di Rupo, qu’il a par ailleurs présentée avec succès comme un gouvernement d’imposition socialiste dominé par les francophones. L’exécutif sortant était la concrétisation du « modèle PS », face auquel la N-VA dressait son propre modèle. Ce ne serait donc pas une nouveauté si l’opposition francophone contre le futur gouvernement de centre-droit Peeters reliait les choix socio-économiques à l’identité communautaire. D’ailleurs, côté francophone, l’opposition contre « l’Etat belgo- flamand », ainsi que la sympathie pour le confédéralisme, sont bien plus anciens que la N-VA. La grève contre la Loi unique, en 1960, était ainsi davantage qu’une résistance socio-économique : c’était une lutte contre l’autorité centrale qui, d’après André Renard et bien d’autres, était dominée par des forces conservatrices flamandes. Et donc, les réformes structurelles souhaitées pour la Wallonie devaient être réalisées via une plus grande autonomie régionale : la poursuite de l’autonomie wallonne et la politique de gauche se fondaient l’une dans l’autre.

On peut s’attendre à ce qu’en Belgique francophone, les choix socio-économiques de cette coalition de centre-droit, d’apparence bien à droite si l’on en croit les premières fuites sur les mesures envisagées, seront souvent reliés à la présence francophone très faible dans ce gouvernement. Bref : flamand = à droite. De la même manière, en Flandre, la résistance francophone contre ce gouvernement fédéral sera ressentie comme étant de gauche, parce qu’elle sera surtout emmenée par le PS. Même si au Nord aussi l’opposition est dominée par la gauche (SP.A et Groen, outre un VB désormais négligeable). Pourtant, les choix socio-économiques ne sont pas des choix communautaires, et vice versa, même si la force relative des deux flancs idéologiques est très différente dans les deux Régions.

Cette liaison, aussi séduisante soit-elle, est exactement ce que la N-VA incarne, même si, au dernier moment avant les élections, elle a fait appel aux électeurs francophones non-PS, les reconnaissant implicitement par la même occasion. Si la résistance francophone contre Peeters Ier assimile aussi choix socio-économiques et choix communautaires, ce sera sans doute le meilleur investissement dans une transformation confédérale de la Belgique. Côté flamand, nombreux sont ceux qui espèrent que ce sera surtout le PS qui, après une cure fédérale de centre-droit, sera lui-même demandeur d’un revirement confédéral.

Cinq ans de socio-économique pour mieux confédéraliser ensuite?

Dans ce cas, cinq années d’apaisement communautaire mais d’agitation socio-économique apparaîtront comme le meilleur investissement possible pour ceux qui souhaitent poursuivre le démantèlement fédéral, autrefois unitaire. La manière dont l’opposition francophone encadrera l’opposition contre Peeters Ier n’est donc pas sans importance pour l’avenir de ce pays.

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