Dans la peine, se manifeste l'idéologie des "soldats zélés de la loi". © GETTY IMAGES

Chers juges, réveillez-vous!

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Autant le dire d’emblée, la Lettre à mes juges de 45 pages que l’avocat Bruno Dayez adresse à ceux devant lesquels il a plaidé durant un quart de siècle se termine par un appel à la fronde. Avec la déférence malicieuse qu’on lui connaît, la star du barreau bruxellois veut secouer ce « métier de robe », généralement vécu « comme un apostolat », au sein d’un « édifice inébranlable », celui de la justice.

Depuis des années, nombre de magistrats se défendent d’être demeurés dans la tour d’ivoire qu’on leur reprochait d’occuper, après l’affaire Dutroux. Mais, pour Me Dayez, ce qui frappe encore et toujours, c’est « l’imperturbable fonctionnement » de notre système pénal « tout entier fondé sur la présomption selon laquelle les juges qui en sont l’incarnation sont des demi-dieux » dont les décisions doivent être exécutées. Parmi ces décisions: la détermination de la peine. C’est ici que, pour l’avocat pamphlétaire, se manifeste « l’idéologie » de ces « soldats zélés de la loi ». Châtiment, réparation? La palette est large, mais sous-utilisée. La solution sécuritaire de la prison – cet « envers du monde » – est trop souvent privilégiée par des juges, pas tous, qui font « mine d’ignorer dans quel cloaque ils envoient les personnes qu’ils condamnent ». Tant que l’univers carcéral sera ce qu’il est, difficile d’encore garder foi en cette justice qui se révèle, en outre, à deux vitesses, « selon que vous serez puissant… ». Bruno Dayez, qui a déjà évoqué les effets pervers de la prison dans Pourquoi libérer Dutroux? (Samsa, 2018), exhorte dès lors les juges à ne plus juger – la « seule solution logique » – ou à ne condamner qu’à des peines symboliques. Tentant.

Lettre à mes juges, par Bruno Dayez, Samsa, 45 p.
Lettre à mes juges, par Bruno Dayez, Samsa, 45 p.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire