Plombé par une dette de près de cinq millions d'euros, le (Spirou) Dôme aux 6 400 sièges rouges a provisoirement baissé le rideau. © spiroubasket.be

Charleroi, de l’autre côté des matchs: « les temps ont changé »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Charleroi est assez vaste pour accueillir plusieurs clubs d’affaires, qu’ils soient ou non abrités par des clubs sportifs comme le Sporting de Charleroi ou l’ex-Spiroudome. Les temps sont certes durs mais ce n’est pas une raison pour s’arracher les partenaires.

L’un porte beau, dressé sur un fringant bilan financier, rare dans le monde du football francophone belge ; l’autre vient d’annoncer son repli sous un parapluie de PRJ (procédure de réorganisation judiciaire), le temps que ses ballons de basket retrouvent leurs couleurs. A croire que la destinée du RSC de Charleroi, moribond il y a dix ans, a croisé depuis lors celle de l’ex-Spiroudome, désormais appelé Dôme, en difficulté à son tour, et de ses géants de basketteurs. Il y a dix ans, le Spiroudome se portait à merveille. Son équipe phare avait remporté quatre fois le championnat de Belgique entre 2006 et 2011 et tous les signaux étaient au vert. Puis le vent a tourné. Une gestion inadaptée a précipité ses comptes dans le rouge et la crise du coronavirus l’a achevé. Privé de public, d’événements et de recettes Horeca, et confronté à une perte de 4,7 millions d’euros au dernier exercice, le Dôme a temporairement baissé le rideau sur ses 6.400 sièges rouges.

Les partenaires ne sont plus des mécènes: ils réclament un retour sur investissement.

Les deux clubs sportifs ont un autre point commun que leurs destins croisés: tous deux cultivent un vaste cercle de partenaires et sponsors, qui se rencontrent dans leurs bâtiments pour parler affaires au sens large ou apprécier un bon match. L’actuelle déconvenue du Dôme et de son équipe de basket lui a-t-elle faire perdre des partenaires au profit du Sporting? Peu, si c’est le cas. « Ceux qui aiment le basket ne vont en général pas au foot: les partenaires choisissent le Sporting ou le Dôme pour des raisons différentes », assure Eric Schondbrodt, directeur général du second.

En nombre de partenaires, les deux équipes jouent plutôt à égalité: chacun en compte environ 400, du petit indépendant à la grande entreprise. « On ne s’amuse pas à se piquer mutuellement des sponsors », assure Pierre-Yves Hendrickx, le directeur administratif du Sporting. Ces deux acteurs sportifs, convertis à l’événementiel et aux rencontres d’affaires, ne se battent pas entre eux: il y a de la place pour chacun, même si le tissu économique de Charleroi n’est pas extensible. La deuxième ville de Wallonie abrite en outre une autre structure de rencontres professionnelles, B4C (Business for Charleroi), qui fonctionne sur la base de cotisations. « Nos philosophies et nos publics sont différents, souligne Norbert Koeckelberg, le président de B4C. A l’origine, nous n’étions pas dans la philosophie d’un club d’affaires mais nous voulions montrer l’exemple d’entreprises qui fonctionnent bien à Charleroi, pour restaurer un peu l’image de la ville. Parmi nos 310 membres, on trouve, par exemple, des théâtres, BPS22 (NDLR: musée d’art contemporain de la Province de Hainaut), l’Eden (NDLR: le centre culturel)… et même le Sporting de Charleroi, au côté d’avocats, notaires, banquiers ou entrepreneurs. »

Au Sporting, les partenaires du club, très ancrés localement, forment le microcosme de ses sponsors. On y trouve notamment de nombreux acteurs du secteur de la construction. Ils soutiennent financièrement le club et bénéficient en échange de places pour les matchs (business seats) et d’une certaine visibilité, à négocier. Les partenaires ne sont plus des mécènes: ils réclament un retour sur investissement. La direction du RSC est très attentive à la mise en contact de ceux qui la soutiennent. Ce réseau qu’elle a créé, elle l’entretient d’ailleurs avec soin. « Nous mettons des professionnels ensemble, résume Pierre-Yves Hendrickx. Et ce réseautage est quantifiable, c’est-à-dire que nous savons que nous avons permis, dans le cadre de ces rencontres encadrées, la conclusion de tel ou tel marché. » Des activités spécifiques pour les partenaires sont organisées: visites de sociétés, repas d’affaires…

Si ce réseau peut vivre sa vie de manière autonome, l’atout sportif reste important. Car plus les matchs sont intéressants et opposent des équipes en verve, plus on attire de grands décideurs. « Si Charleroi joue les Play-offs 1 ou pas, ça change tout, confirme Pierre-Yves Hendrickx. La PME de Charleroi investira où le personnel et les clients le demandent. Or, les gens veulent des places là où les résultats sportifs suivent. Ensuite, bien sûr, c’est notre boulot de les fidéliser. » Au stade, on se souvient des maigres 15 business seats qui étaient, en moyenne, occupés lors des matches, en 2012. On en compte aujourd’hui 450.

Nous savons que nous avons permis, dans le cadre de ces rencontres encadrées, la conclusion de tel ou tel marché.

La direction du RSC, qui fera construire un tout nouveau stade de 20 000 places à Marchienne-au-Pont, sur fonds propres, d’ici à 2024, sait que la participation financière de son réseau de partenaires est l’une de ses sources de revenus, avec les recettes perçues sur la vente de joueurs, les droits télévisuels et la vente de tickets. Jouer la carte de la diversification via des événements de tout ordre figure au centre de sa feuille de route.

Quitter le costume sportif

C’est bien ce que compte faire aussi le Dôme, dès qu’il aura sorti la tête hors de l’eau: accueillir autant des compétitions d’e-sport que les festivités du jeune barreau local. Côté basket, les droits télévisuels ne pèsent rien et le marché de la vente de joueurs est plat. Les seuls revenus peuvent donc venir de la vente de tickets et des partenaires. Leur nombre a augmenté de 25%, pour arriver à 400, depuis trois ans. « C’est-à-dire depuis qu’on a quitté notre costume strictement sportif pour élargir nos activités, souligne Eric Schonbrodt. Il n’y a pas de lien entre le succès de notre mise en relations de patrons et les résultats du club de basket. Les sponsors sont liés au Dôme et non au basket qui, seul n’est d’ailleurs pas un modèle viable. Le recul de ses performances ne nous affecte quasi pas: si notre équipe faisait de meilleurs résultats, notre chiffre d’affaires n’augmenterait pas de 10 ou 15%. »

A l’heure actuelle, le chiffre d’affaires du Dôme – quelque deux millions d’euros – s’appuie sur les locations de salles et organisation d’événements (25%), les activités traiteurs et catering (40%), le restaurant (5%) et les Spirous eux-mêmes (30%). Il y a trois ans, ce dernier poste pesait encore 80% du chiffre d’affaires.

« Malgré les difficultés actuelles, nous n’abandonnons pas le Dôme mais nous avons revu notre contrat de partenariat à la baisse », détaille Alain Declercq, administrateur délégué de la banque CPH, sponsor principal. Logique. Tant le Sporting que le Dôme continuent à attirer les personnalités carolos de tous bords, notamment politiques (tiens, voilà Paul Magnette, tiens ce n’est pas Olivier Chastel? ). Mais la comparaison avec les loges du Standard, où tant d’alliances se nouent ou se dénouent, ne tient pas la route. Plusieurs des interlocuteurs contactés par Le Vif/L’Express sont certes abonnés à l’un ou l’autre mais s’en tiennent aux places en tribune, se tenant à distance des loges. « Les temps ont changé », disent-ils. Et ce n’est pas fini.

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