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Ces patrons qui ne payent pas leurs impôts

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Entre 9 500 et 12 000 dirigeants d’entreprise, peut-être davantage, ne rempliraient pas correctement leurs devoirs fiscaux. Le manque à gagner budgétaire pour l’Etat s’élèverait à au moins 120 millions d’euros.

Si les particuliers peuvent utiliser le service Tax-on-web pour remplacer la version papier de leur déclaration d’impôt par la version en ligne, les entreprises, elles, ont leur propre service en ligne, baptisé Biztax (initialement Vensoc), pour remplir et envoyer leur déclaration à l’impôt des sociétés (ISOC). Or tant les particuliers que les sociétés ne doivent plus joindre de documents annexes à leur déclaration en ligne. Ce qui rend certaines fraudes beaucoup plus difficilement détectables.

Explication : les rémunérations de dirigeants soumises au précompte professionnel doivent faire l’objet d’un relevé 325.20, qui reprend les rémunérations des personnes travaillant au sein de l’entreprise, et d’une fiche 281.20 au nom du dirigeant. L’entreprise envoie ces documents à l’administration fiscale en fin d’année et elle peut désormais le faire de manière électronique. Avec la déclaration papier, l’agent des Finances disposait, en outre, des annexes jointes par la société, notamment les comptes internes de l’entreprise dans lesquels figure le détail des rémunérations. Cela lui permettait de vérifier rapidement l’exactitude du relevé 325.20 et la concordance entre celui-ci et la fiche de rémunération du dirigeant. Ce n’est plus le cas avec la version online, puisque l’adjonction de ces annexes via Biztax est devenue facultative et donc plutôt rare. Sans ces précieuses annexes, la vérification est beaucoup plus compliquée.

Pour certains dirigeants, il est donc tentant de ne rien déclarer ou de déclarer un montant de rémunération inférieur à celui réellement perçu, d’autant qu’ils ne risquent pas grand-chose. En effet, celui qui ne déclare rien peut se voir imposer d’office, en cas de contrôle. Une imposition sur la base d’un forfait maximum de 36 000 euros de rémunérations annuelles. Ces dernières années, d’après les rapports du SPF, le forfait imposé d’office tournait même, en moyenne, autour de 24 000 euros (soit 2 000 euros bruts par mois).

D’après des sources internes à l’administration, ce type de fraude concernerait entre 9 500 et 12 000 dirigeants, de petites et moyennes entreprises pour l’essentiel, et se pratiquerait sur le conseil de certains comptables. Le manque à gagner en termes de recettes budgétaires (impôts et cotisations sociales) pour l’Etat s’élèverait au minimum à 120 millions d’euros. Il s’agit, ici, d’une estimation basse. Les chiffres sont vraisemblablement plus élevés. D’autant que les statistiques reprises dans les rapports du SPF Finances ne manquent pas d’interpeller.

Selon ces chiffres, on dénombre, en 2013, 510 812 sociétés et 294 867 dirigeants imposés à l’IPP. Ce qui signifie que seulement 58 % des dirigeants d’entreprise perçoivent une rémunération de leur société. En 2009, la proportion des dirigeants imposés à l’IPP n’était que de 49 %, soit moins de la moitié !

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier.

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