© Belga

Ces étudiants qui prétendent être étudiants

Muriel Lefevre

Chaque année, les psychologues des hautes écoles et universités du pays sont confrontés à des étudiants qui ont prétendu, des années durant, être des étudiants modèles, mais qui en réalité ont des études au point mort. Un mensonge devenu inextricable, mais qui finit toujours par exploser.

« Parfois, je me garais devant l’école et je restais toute la journée dans ma voiture, je regardais des séries jusqu’à ce que la batterie de mon ordi lâche », raconte Joris, dans De Morgen. Durant trois ans, devant ses proches et ses amis, il va jouer à l’étudiant modèle qui étudie dur et réussit chaque année. La réalité est pourtant toute autre puisqu’après un premier échec assumé, il va plonger dans ce qu’il appelle lui-même une « réalité schizophrénique », celle du « prétendu élève ». C’est un phénomène extrême, mais connu des institutions. Il reste cependant relativement rare puisqu’on parle d’une dizaine de cas, par an, en Flandre. Il décrit des jeunes qui mentent à leurs proches et disent aller aux cours, passer des examens où ils n’étaient même pas présents ou encore s’inventent un stage fictif. Une construction alambiquée de mensonges qui peut tenir grâce à de nouveaux mensonges et une certaine créativité, mais qui finit systématiquement par exploser contre le mur de la réalité.

Par exemple, lorsqu’on arrive à la fin du crédit inscription ou que l’étudiant n’arrive plus à s’inscrire nulle part, les allocations familiales s’envolent. C’est de cette façon que Joris s’est fait coincer. Sa mère avait reçu une lettre comme quoi son lieu de stage était de la pure invention. « Une chance », dit-il aujourd’hui, car il ne serait jamais sorti seul de cette situation.

Joris n’est pas un cas unique. Et, comme pour lui, on ne prend mesure du phénomène que lorsque la bombe éclate, le plus souvent en septembre, après la seconde session.

Certains vont commencer à mentir directement, alors que pour d’autres l’engrenage s’enclenche un peu plus tard. Comme Sofie qui pendant trois ans était sur la bonne voie, mais a soudainement bloqué lors de sa thèse de maîtrise. « Pour mes recherches, il y avait une bourse de 20.000 euros. C’est peut-être peu pour cette compagnie, mais moi ça me semblait énorme. Si j’échouais ? » Du coup, elle commence à mentir et à éviter son supérieur. Elle n’avait jamais rien raté et ne parvenait tout simplement pas à dire qu’elle était coincée et n’y arrivait pas.

Maintenir une bonne image envers et contre tout

Cette impression pourrait bien être l’élément déclencheur chez de nombreux prétendu étudiant. Il y a en effet beaucoup d’attente envers un étudiant et auquel il correspond ou non. La pression peut aussi venir de l’étudiant qui était le petit malin en humanité et qui n’y arrive plus après. Ou encore les parents qui, avec les meilleures intentions du monde, disent « je suis sûre que tu vas très bien faire ça ». Et lorsqu’il y a quand même des problèmes, certains étudiants décident de maintenir cette bonne image envers et contre tout.

Ce sentiment est aussi souvent couplé à une forme passive d’angoisse de l’échec. Ils rejettent dès lors tout ce qui se rapporte aux études. Ils sont incapables de suivre un cours, passer un examen ou même simplement acheter des syllabus. On constate le même schéma qu’avec la procrastination. Soit on reporte, soit on ment. Mais dans les deux cas, on sait bien que cela ne résout en rien le problème.

Souvent, ces jeunes passent leur nuit à sortir après une journée à mentir. « Une forme d’escapisme », dit Sophie. La vie sociale devient aussi « très superficielle », puisque nouer des relations proches est difficile si vous avez toute une réalité à cacher. Personne ne vous connait vraiment. Sans parler d’un sentiment de honte omniprésent. Envers les parents qui payent, envers les subventions injustement perçues ou les gens à qui on ment. Il arrive qu’une personne soit tellement empêtrée dans son mensonge que le suicide semble la seule option. Heureusement , de telles extrémités sont rares. L’étudiant souvent coincé par des circonstances extérieures se retrouve obligé à tout avouer avant. Malgré tout, une telle expérience laisse toujours des séquelles. Ces étudiants restent, des années après, encore très sévères envers eux-mêmes et ne se pardonnent souvent pas cette période faite d’errances et mensonges.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire