En Belgique, le prénom le plus donné en 2017 est Marie pour les filles et Jean pour les garçons. (source: Statbel). © Getty Images/iStockphoto

Ce que nos prénoms disent de nous

Stagiaire Le Vif

Emma, Louise ou Marie pour les filles, Lucas, Jules ou Nathan pour les garçons, les prénoms les plus répandus en 2017 ne sont pas dénués de signification. Au niveau national, le choix de certains prénoms, reste dépendant d’un effet de mode et d’un certain contexte. Il en a toujours été ainsi dans l’histoire.

L’ancêtre de Kévin s’appelait Jean

Après l’ère des Jean, il y a eu celle des Kévin. Mais comment les prénoms ont-ils évolué ? La première révolution fut celle du passage aux noms latins et l’augmentation des prénoms de Saints que l’Église a réussi à insuffler dans la tête de la population, rapporte The Conversation. C’est aussi à ce moment qu’apparaissent des choix nationaux. Des prénoms largement diffusés aujourd’hui datent de cette époque. Par exemple, Thomas nait en Angleterre, suite au culte de Thomas Becket et Martin, en France, en hommage à Martin de Tours.

Dans les vagues de prénoms à la mode qui ont suivi, il y en a qui se distinguent. Mais ce qui différencie l’époque médiévale de la nôtre par exemple, c’est la quantité de prénoms. Au Moyen-Âge, environ cinq prénoms étaient suffisants pour nommer 50% de la population. Le prénom le plus porté était Jean, en hommage au Saint qui a baptisé le Christ. Un prénom qui a pu être décliné à toutes les sauces : Juan, John, ou Giovanni. La domination du prénom Jean a dominé jusqu’en 1957, faisant de lui le prénom le plus porté dans l’histoire.

Mais qu’est-ce que ce phénomène traduit-il en réalité ? La prépondérance du Jean témoigne du fait que la société médiévale était moins marquée par la diversité que nos sociétés individualistes modernes. Cela est vrai pour les garçons et moins pour les filles. En effet, au Moyen-Âge, on retrouve une palette plus large de prénoms féminins. Cette diversité montre que ce choix avait moins d’importance, car les femmes ne perpétuaient pas la continuité de la lignée.

Mais aujourd’hui, même le prénom le plus donné, ne concerne en réalité qu’une petite partie de la population. Nos sociétés contemporaines sont constamment dans la recherche de l’originalité, ce qui s’oppose à la recherche de cohésion nationale de l’homme médiéval qui voulait, avant tout, appartenir à une communauté. Auparavant, on donnait, à son fils, le nom de son grand-père ou de son père et ainsi de suite. C’est une différence politique assez forte par rapport à aujourd’hui, puisque le prénom était lié à une histoire familiale. Ainsi, les comtes de Tripoli s’appelaient Raymond et les rois d’Angleterre, Henri ou Édouard. Cela était vrai aussi pour les milieux les plus pauvres où l’usage était de donner un nom porté par un membre de la famille. Aujourd’hui on peut encore trouver ce phénomène avec les populations arabes qui conservent le « Ben » qui signifie « le fils de ».

L’influence des séries US

Après la mode des Saints apparait la mode des prénoms littéraires avec Lancelot, Olivier, mais aussi Gauvain. Aujourd’hui, le prénom « Khaleesi »,  »Melissandre »ou « Ygritte’ en référence à la célèbre série Game of Thrones arrive en tête de liste des prénoms donnés pour les filles aux États-Unis. Ces prénoms ont été précédés par ceux de  »Rachel » et  »Monica » de la série Friends, eux-mêmes précédés par  »Dylan »,  »Kelly » et  »Brandon » de la série Beverly Hills. Il s’agit, en fait, d’un phénomène de connivence culturelle. Mais bien que la population puise ses idées de prénoms dans la production culturelle, les références ne sont pas identiques et traduisent des appartenances sociales différentes.

Du prénom porté par l’élite au prénom « de plouc »

Auparavant, seuls les seigneurs attribuaient à leur descendance, le prénom d’un personnage fictif qu’ils admiraient. Aujourd’hui, les plus modestes ont adopté ce comportement. Mais il existe malgré tout un lien entre le prénom que l’on porte et notre niveau social. Ainsi, Apolline, Côme, ou Hippolyte sont des prénoms privilégiés par les classes sociales supérieures, tandis que Kévin, Jordan, ou Beverly traduiraient plutôt une appartenance à milieu social défavorisé. Mais en 2017, des prénoms comme Emma ou Nathan, historiquement réservés à la bourgeoisie, arrivaient en numéro un en France. On peut donc dire que certains prénoms se popularisent à tel point qu’ils sont adoptés par tous les milieux.

Toutefois, la popularisation d’un prénom se fait toujours du haut vers le bas. Ensuite, ce qui pousse les gens à choisir tel ou tel prénom c’est le besoin de distinction et plus le besoin d’appartenance. Ce besoin se traduit différemment à travers les couches sociales. Pour les classes populaires, cela se joue au niveau de l’orthographe, ainsi on choisira d’écrire « Nolane » et pas  »Nolan », tandis que dans les classes supérieures, la recherche est axée sur un répertoire plus classique ou inédit. C’est le cas d’un prénom comme Aliénor.

Les choix obéissent donc, en partie, à une hiérarchie sociale. Ils renvoient à des processus de diffusion culturelle comme la religion ou la littérature, mais traduisent aussi notre rapport au monde, aux générations passées, et plus globalement, à notre histoire.

A ce sujet, voir le graphique interactif des prénoms à travers les âges , réalisé par Le Monde: :https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/04/29/la-carte-des-prenoms-les-plus-donnes-en-france_4408677_4355770.html

Félicia Mauro

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