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Ce chemin politique trop long et trop tendu pour « apprendre à revivre malgré le Covid »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le Comité de concertation marathon et les mesures prudentes annoncées illustrent la difficulté à trouver une formule pour concilier notre quotidien avec le Covid. Seul le vaccin le permettra, et encore… Voici des éléments de réflexion pour comprendre les manquements à l’origine de ce combat sans fin.

Nous devons « apprendre à vivre avec le virus » ou « malgré le virus ». Ces dernières heures, cette formulation est revenue sur toutes les lèvres, chacun revendiquant la paternité de la réflexion. Paul Magnette, président du PS, l’a affirmé haut et fort ce mercredi matin, les libéraux rappelant combien leur numéro un, Georges-Louis Bouchez, se faisait critiquer quand il appelait cela de ses voeux.

Le tout avant qu’un Comité de concertation plus long qu’un marathon ne témoigne de la difficulté de mettre des mesures derrière ces mots, en dépassant les tensions, en accordant les experts et en… tentant de convaincre Alexander De Croo (Premier ministre, Open VLD) et Franck Vandenbroucke (ministre fédéral de la Santé, Vooruit), qui se veulent les garants d’une « stabilité des mesures » à la belge.

Le résultat final de ce Comité de concertation, sous forme d’assouplissments prudents, avant plusieurs étapes vers un retour progressif à une vie « normale » cet été, confirme ce chemin sinueux. Avec des protocoles à la clé, qui restent à définir, à préciser, et avec une incertitude qui demeure sur certaines dates…

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Ces dernières heures, certains sont aussi partis à la recherche des premières déclarations faites par les experts Marius Gilbert (ULB) ou Nathan Clumeck (CHU Saint-Pierre) sur la nécessité d’apprendre à vivre avec le virus, après la publication d’une carte blanche fort relayée en début de semaine, cosignée par les mêmes Nathan Clumeck et Marius Gilbert, en compagnie de Leïla Belkhir (Saint-Luc). Ce texte a soudain fait bouger les lignes politiques. Le label « Covid safe » qu’ils préconisent est pourtant évoqué, lui aussi, depuis des semaines et même testé à Bruxelles. Et les premières déclarations remontent… à quelques semaines après le début de la crise. Il revient comme pion central du dispositif à construire.

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Tout cela illustre surtout la difficulté à mettre des actes derrière cette expression et à les faire vivre de façon un tant soit peu réaliste.

Le Comité de concertation de ce mercredi, de la durée d’un marathon, a témoigné, à nouveau, de la difficulté à accorder politiquement les violons. Le risque sanitaire demeure préoccupant mais, dans le même temps, la lassitude de la population, les inquiétudes au sujet des libertés fondamentales et l’exaspération des secteurs fermés atteignent des niveaux préoccupants et nécessitent d’assouplir. Après plus d’un an de crise, et alors que le « bout du tunnel » promis par le vaccin se fait désirer, les équilibres à trouver entre santé, économie et santé mentale sont de plus en plus délicats à trouver. Et la quête de l’adhésion citoyenne est plus épineuse que jamais.

Le retour progressif vers les libertés, qui a été annoncé par le Premier ministre ce mercredi, ne doit pas cacher quatre constats fondamentaux.

1 Les annonces non tenues minent la confiance

Le label « Covid safe » effraie les secteurs qui y voient une source de contraintes monumentales, un fardeau financier et, surtout, une promesse à nouveau éloignée de retour à la normale. De même, une part importante de la population a perdu le sens du respect des mesures, faute d’une cohérence maintenue au fil du temps – le gouvernement De Croo s’y est pourtant essayé – et d’une perception réelle du risque. Par-dessus tout, ce sont les annonces multiples et non tenues qui ont désarçonné.

Quelques exemples. Vous souvenez-vous de ce baromètre sanitaire qui devait mettre en adéquation la situation sanitaire et les mesures prises en conséquence? Il a disparu après plusieurs versions ayant fuité dans les médias : il fut même un moment où de Croo se référait dans ses discours à un instrument… qui n’avait jamais été présenté. Avez-vous encore en mémoire le plan « plein air » ? Il devait induire la possibilité de reprofiter de la vie à l’extérieur car le virus aime l’intérieur, mais il n’a pratiquement pas vu le jour, et l’extérieur a été logé à la même enseigne (quasiment) que l’intérieur. Le voilà qui revient, le 8 mai.

Le Covid désarçonne, témoigne que la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain et, oui, il faut vivre avec cela, mais un peu de cohérence ou de suivi dans les idées n’aurait pas fait de mal, au-delà de la « stabilité des mesures ».

2 L’intérêt général n’est pas assez mesuré

La primauté accordée à la vision épidémiologique de l’épidémie s’impose, forcément: il s’agit bien de contrer la diffusion d’un virus très dangereux pour protéger la santé des Belges. Au début de la crise, quand l’inquiétude, le désarroi et la manque de connaissance prévalaient, c’est ce regard-là qui s’est imposé. Puis, les groupes d’experts se sont ouverts à d’autres disciplines. Les résultats de cette vision « plurielle » ont été mitigés et, finalement, pratiquement abandonnés par le gouvernement De Croo dans sa volonté d’éviter à tout prix une troisième vague.

Les tensions politiques des dernières semaines, entre libéraux et socialistes pour faire court, reposaient à nouveau sur ce manque de vision pludisciplinaire. Les secteurs, étranglés, menacent de désobéissance civile, tandis que les signaux d’alarme en tous genres se multiplient pour la santé mentale – angoisses des jeunes, suicides et dépression en hausse. Mais au bout du compte, on n’a toujours pas trouvé un outil satisfaisant pour mesurer cela, alors que les conférences de presse ont continué, pour égrener les indicateurs sanitaires.

3 Il manque un manque de vision à long terme

La crainte d’une troisième vague et d’une saturation des services de soins intensifs a induit les mesures des dernières semaines. La volonté reste d’éviter que notre système de santé soit débordé par les conséquences de la crise en tentant, cette fois, de ne pas reporter trop de soins indispensables en plus du Covid.

Mais entre les vagues, et alors que d’autres épidémies pourraient survenir, il n’y a eu guère de réflexion sur la nécessité d’élargir le système pour, précisément, faire face à la menace, de façon structurelle. Tant le nombre de lits que le nombre de soignants n’ont pas été significativement adaptés : cela demande certes du temps et de l’argent, mais devra-t-on encore le regretter et se contenter de sparadraps lors de prochains comité de concertation ?

4 Vacciner, tester et tracer, ce sont les seules issues, mais…

En réalité, en ce qui concerne le Covid, des stratégies ont pu être adaptées et trouvées, jusqu’à ce miracle vaccinal censé offrir « la lumière au bout du tunnel ». Cela reste d’ailleurs la seule issue, par-delà les mesures qui seront présentées par le comité de concertation, avec l’été pour horizon, si tout va bien. Les mesures ne sont que des moyens de gagner du temps.

Depuis des mois, pourtant, la seule stratégie valable « vacciner – tester – tracer » s’est heurtée à de trop nombreuses tergiversations et à des contretemps – dont certains sont certes dus à des facteurs exogènes : l’Europe, l’industrie, le manque d’adhésion…

En attendant, le chemin reste sinueux et tendu vers une façon d’apprendre à revivre malgré le virus. Et le risque d’assister à des comités de concertation plus long que des marathons se poursuivra, encore quelque temps.

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