Carte blanche

cdH: faire d’une catastrophe wallonne un espoir politique

La décision que je considère comme à tout le moins précipitée du cdH d’aller dans l’opposition wallonne pourrait être une catastrophe pour notre région.

Non pas que je pense qu’il soit impossible sur le principe avec des libéraux, des socialistes voire des écologistes de mettre en place un beau projet pour notre région mais parce que j’ai l’impression qu’avec ce MR, qui a montré un visage peu flatteur en campagne et ce PS, qui se découvre de nouveaux parvenus de manière régulière depuis des années, le conservatisme pourrait être le grand gagnant des 5 années qui vont s’écouler.

Pourtant, deux domaines nous demandent d’avoir des actions concrètes rapides afin que la Wallonie puisse devenir un laboratoire pour les mutations de société qui semblent inévitables: l’adaptation aux problèmes terrestres qui seront causés par pollution, disparition de la biodiversité et dérèglement climatique et la mise en place d’un nouveau type de démocratie pour anticiper les crises de représentativité à venir en évitant la solution « régime fort » qui n’amène jamais de bien-être que pour une petite caste qui réduit juste les plaignants au silence.

Plusieurs éditorialistes et analystes de la vie politique l’ont relevé: le cdH est à la croisée des chemins. Deux solutions semblent s’offrir à lui: se faire absorber par un mouvement plus grand – vraisemblablement le MR – et laisser une partie de ses membres orpheline ou réussir une rénovation complète autour d’un nouveau projet – une 3ème voie – qui pourrait suffisamment parler aux électeurs que pour lui permettre d’ouvrir une nouvelle ère d’un véritable humanisme.

Le premier cas ne m’intéresse pas: c’est de la particratie et du transfert d’élus, de mandataires et de militants comme on en connaît depuis toujours. Cela ne servira que les intérêts de quelques-uns et ça ne changera rien sur le fond.

En tant qu’ancien co-fondateur de mouvement citoyen, le second m’interpelle et m’intéresse. Est-il encore possible de réinventer – voire réenchanter – la politique?

A la base du travail que nous avions effectué en 2017 avec cet objectif dans notre mouvement, trois termes étaient apparus de manière insistante : les valeurs (au sens de l’humanité, pas d’un moralisme conservateur), la co-construction et l’innovation.

Réenchanter la politique

Pour réenchanter la politique, il faudra donc impliquer l’électeur (ou à tout le moins le citoyen actif) et surtout lui proposer une véritable nouveauté appuyée sur de belles valeurs.

En clair, impossible d’envisager un nouveau mouvement qui serait forgé sur base de mandataires et de militants présents dans un même mouvement depuis des années. Aux yeux du monde (et je sais mieux que quiconque par mes expériences du passé que ce qui fait un mouvement politique, c’est ce que les mass médias en disent plus que ce qu’il n’est réellement), ce ne serait qu’une énième resucée sociale-chrétienne francophone.

Si le cdH veut réellement réussir une mue, il faudra qu’il s’ouvre vraiment à la société et qu’il se mette en danger sur plusieurs plans.

Pendant des années, il a – par exemple – tiré bénéfice de son positionnement politique « frère » du CD&V flamand. Il faudrait pouvoir tirer un trait définitif sur cette alliance, même si cela doit faire mal aux nombreux belgicains « à papa » qui gravitent toujours dans le parti. Faire une ouverture au citoyen avec un programme qui se veut « CD&V-compatible » ne proposera pas de grande nouveauté à celui-ci.

En changeant de nom, le PSC a déjà reconnu que le côté « chrétien » (voire religieux) n’était plus un « fond de commerce » qui permettait de parler aux citoyens. Il doit pouvoir le prouver en réaffirmant dans ses bases une laïcité expliquée qui permettrait à ses potentiels élus de pouvoir voter clairement en leur âme et conscience sur les problèmes dits éthiques tels que l’euthanasie, l’avortement ou d’autres. Ses électeurs de toujours pourraient ne pas l’apprécier.

L’actuel cdH possède également des « baronnies locales » qui lui permettent de conserver un semblant de pouvoir. Il ne pourra s’y accrocher pour une véritable refondation. Ce choix de remise en cause sera sans doute le plus douloureux et le plus difficile. En effet, si un « faiseur de voix » n’a pas le profil qui correspond à une nouvelle vision qu’il faut mettre en place pour se renouveler, il faudra pouvoir le remplacer. En particratie, c’est impossible mais un mouvement/parti renouvelé peut-il continuer à faire de la particratie? Ne doit-il pas plutôt accepter des règles de nouvelle gouvernance, même si elles portent préjudice à ces plus anciens mandataires, comme le décumul intégral, l’arrêt de la professionnalisation à vie ou d’autres?

Un nouvel espoir

Si l’on évalue objectivement tous ces obstacles avant d’envisager de pouvoir réenchanter la politique, l’espoir que naisse un mouvement innovant qui pourrait transcender les foules sur les cendres du cdH actuel semble assez mince.

Pourtant, je vois deux notes d’espoir.

En premier lieu, le fait que le mouvement « e-change », auquel j’ai participé, ait été composé de plusieurs personnes de la « mouvance » cdH laisse à penser qu’il y a des personnes de ce parti qui n’ont pas peur de la co-construction et de l’ouverture aux citoyens. Si ces personnes prenaient les rênes de la mutation interne, peut-être pourraient-ils obtenir un résultat qui sortirait enfin des sempiternels « ravalements de façade » que l’on a toujours connu avec les partis actuels.

Ensuite, parce que dans le cadre d’une tentative d’explication de l’objectif des partis sous forme de « défi littéraire », j’ai eu l’occasion de lire « Le jour où je me suis assise », la nouvelle fournie par le cdH et que dans ce « rêve », on peut déceler un mouvement qui pourrait parler à un grand nombre de citoyens tout comme il m’a parlé. Cette inaccessible étoile peut faire rêver et rien que pour cela, il y a la base d’un travail de réelle innovation.

En conclusion, je dirais juste que je n’ai bien évidemment aucune légitimité pour conseiller le cdH et ses dirigeants, je ne suis qu’un rêveur parmi d’autres qui espère une solution autre que les pires pour les crises qui se présentent à nous.

Ayant usé beaucoup d’énergie dans des mouvements qui n’ont abouti à rien faute de capacité à transcender les clivages, à pouvoir passer outre les divers égos ou à proposer une solution réellement crédible aux divers médias qui font l’opinion, je ne peux que leur présenter une vision, une certaine expérience et une requête: que leur sacrifice potentiel d’une législature qui pourrait in fine finir dans les mains de partis antagonistes qui en seraient immobiles ne soit pas inutile: qu’ils transcendent leurs intérêts pour ne pas simplement se repositionner, mais vraiment offrir un rêve aux citoyens qui aspirent au changement.

Régis Warmont

Ingénieur en Technologies de l’information

Ancien fondateur et membre de mouvements citoyens

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire