La direction de Caterpillar Belgium a annoncé ce matin, au cours d’un conseil d’entreprise extraordinaire, son intention de se séparer de quelque 1.400 travailleurs (1.100 ouvriers et 300 employés) sur son site de Gosselies.
Ces suppressions d’emplois se situent dans le cadre plus large d’un plan industriel qui vise à recentrer vers le marché européen l’activité du site et à assurer sa viabilité pour les prochaines années, a assuré au cours d’une conférence de presse Nicolas Polutnik, l’administrateur délégué de Caterpillar Belgium. Cette annonce, qui concerne près de 40% des effectifs de l’entreprise, s’avère plus lourde encore que ce que craignaient les syndicats. Mercredi soir, la CNE avait dit redouter la perte de 850 emplois.
La décision d’opérer une restructuration et plus largement de réorienter les activités de l’entreprise est commandée, selon Nicolas Polutnik, par la situation dans les pays européens auxquels est destinée la majorité des machines fabriquées à Gosselies. Les perspectives de croissance y sont limitées, les normes en matière environnementale y sont plus élevées et une concurrence de producteurs asiatiques s’y est installée, souligne l’administrateur délégué.
En résumé, selon la direction, la structure de coûts de Caterpillar Gosselies est trop élevée. « A l’heure actuelle, il serait moins coûteux d’importer des machines en Europe depuis d’autres usines du groupe que de les fabriquer à Gosselies », avance la direction.
Les mesures annoncées, présentées comme nécessaires, doivent en outre donner au site carolorégien la possibilité de se positionner comme une « source de production incontournable » pour les machines destinées à l’Europe.
« Ces suppressions d’emplois sont douloureuses mais elles sont nécessaires si l’on veut que le site survive », a encore assuré M. Polutnik. « Dans ce genre de situation, il faut choisir la magnitude à donner au séisme. Je préfère annoncer 1.400 pertes d’emploi qu’avoir à annoncer la fermeture pure et simple de l’usine et le licenciement des 3.700 travailleurs. »
« Nous devons cesser de mener des activités non compétitives. Cela grève les coûts pour l’ensemble du site », a conclu M. Polutnik. Caterpillar Belgium rappelle par ailleurs avoir investi plus de 210 millions d’euros au cours des 5 dernières années et indique souhaiter poursuivre les investissements dans le cadre du plan industriel proposé.
En juin, la multinationale américaine avait confirmé un investissement de 150 millions d’euros d’ici à 2015 destiné à moderniser des lignes d’assemblage de son site carolo.
Début 2013, le groupe Caterpillar avait publié des chiffre d’affaires et bénéfice records pour son exercice. Le bénéfice net de Caterpillar a ainsi atteint l’an dernier 5,68 milliards de dollars. L’entreprise précisait toutefois que ses sites européens figurent parmi les plus touchés par la crise économique actuelle.
Avec ses quelque 3.700 emplois, Caterpillar Belgium se classe parmi les 10 plus gros employeurs de Wallonie dont le siège social est situé dans la Région.
« Explorer toutes les pistes »
Le ministre wallon de l’Emploi, André Antoine, a affirmé ce matin sur les ondes de BelRTL qu’il voulait explorer toutes les pistes si des licenciements étaient annoncés. « Moi, je veux explorer toutes les pistes. Caterpillar, c’est plus que les 850 emplois, c’est un grand symbole de l’économie de la région de Charleroi, de l’économie wallonne. C’est très important que nous puissions, avec la direction et le monde syndical qui a toujours été très responsable au sein de Caterpillar, dégager des pistes d’avenir », a-t-il dit.
Ecolo exige un sursaut du gouvernement fédéral et de l’Europe
La co-présidente d’Ecolo Emily Hoyos a plaidé pour un « sursaut du gouvernement fédéral et de l’Europe ». « Cette décision est d’une grande violence pour les travailleurs touchés, directs et indirects, et leurs familles », réagit Emily Hoyos.
« Après Ford Genk, après Arcelor Mittal, et avec maintenant Caterpillar, ce sont des milliers de travailleurs qui doivent difficilement se dire que ‘la crise, c’est pire ailleurs’, comme d’aucuns tentent de leur faire croire. »
Au-delà du choc, Ecolo estime qu’il est « inadmissible de se résigner à une impuissance dans laquelle les remèdes périmés proposés par l’Europe et le gouvernement fédéral nous plonge ». « Que va dire le Premier ministre à ces travailleurs? Va-t-il leur dire, droit dans les yeux, que ce qui les attend, c’est la dégressivité de leurs allocations de chômage s’ils ne retrouvent pas rapidement un emploi? »
Le sursaut politique réclamé par Ecolo doit viser à empêcher « tout dumping fiscal, environnemental et social à l’intérieur de l’Europe ».
« Repenser la politique industrielle européenne » Sur Twitter, les réactions ne se sont pas fait attendre. Jean-Claude Marcourt, le ministre wallon de l’Économie a rappelé l’urgence de repenser la politique industrielle au niveau européen. Dans un communiqué de presse, Charles Michel, le président du MR a également plaidé en ce sens.
« Il y a la sécheresse des chiffres et il y a, aussi et surtout, les drames humains qu’ils recouvrent », ajoute Jean-Claude Marcourt sur son profil Facebook. Il affirme qu’il prendra contact, dès ce jeudi, avec les organisations syndicales et la direction de Caterpillar « pour examiner le fondement de cette restructuration et toutes les pistes alternatives. »
Pas de nouvelles pressions fiscales sur l’emploi
Le président du MR a également demandé à « toutes les forces vives carolos, Wallonnes et fédérales de mener un combat juste pour les travailleurs de Caterpillar Gosselies ». « J’appelle à un front commun politique et à une pleine collaboration entre partenaires sociaux pour tenter d’apporter la réponse la plus efficace à celles et ceux qui viennent de perdre leur emploi et pour permettre aux dirigeants de Caterpillar de maintenir une activité avec des perspectives de croissance à Charleroi », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Le Mouvement Réformateur insiste pour que lors du prochain contrôle budgétaire l’emploi ne soit pas soumis à de nouvelles pressions fiscales.
De son côté, le ministre du Budget, Olivier Chastel affirme que « cette dramatique nouvelle nous rappelle combien toute décision publique doit prendre en considération l’impact sur l’emploi. Le maintien et la création d’emplois sont et doivent rester la priorité absolue du Gouvernement fédéral. »
Sur Twitter également, le porte-parole du PTB, Raoul Hedebouw, a de son côté demandé que la « loi Inbev » soit appliquée pour interdire aux entreprises qui font du bénéfice de licencier.
« Un désastre pour la Région »
Le président du PS Paul Magnette s’est insurgé. « Cette annonce frappe de plein fouet tous les Carolos. Tous les Carolos connaissent quelqu’un qui travaille chez Caterpillar. C’est un désastre pour la Région », déplore-t-il.
Paul Magnette, qui s’exprime au nom de son parti, estime que la décision « unilatérale » de Caterpillar « démontre, une fois de plus, l’absolue nécessité de repenser la politique industrielle au niveau européen », pour préserver un véritable tissu industriel en Belgique et en Europe.
« Le cas Caterpillar, après ArcelorMittal et Ford Genk, confirme une fois encore l’urgence d’établir des règles sociales et environnementales dans le commerce mondial pour protéger l’industrie européenne », insiste M. Magnette.
Pour ce dernier, cette nouvelle suppression massive d’emplois prouve que l’austérité européenne n’est pas la bonne solution. « Pour le PS, faire des efforts budgétaires à marche forcée alors que l’économie vacille et partout en même temps, ce n’est pas sensé! Il faut certes revenir progressivement à l’équilibre budgétaire mais il faut sortir de ce cercle vicieux », écrit le président du parti socialiste dans son communiqué. « Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas des coupes sombres dans le budget qui aggravent la crise et risquent de produire une réelle récession. Ce qu’il faut dès maintenant, c’est une grande stratégie de relance non seulement au niveau belge mais aussi au niveau européen. »
Paul Magnette, également bourgmestre de Charleroi, a contacté jeudi les syndicats et la direction de Caterpillar, ainsi que le Premier ministre Elio Di Rupo et le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt, « pour évaluer au plus près cette annonce catastrophique ».