Le gouvernement De Croo

Casting des ving-neuf chefs de cabinet, dans l’ombre des ministres de la Vivaldi (infographies)

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ils sont 29, ils sont jeunes (ou presque), ils sont pour certains novices ou peu expérimentés dans ce rôle et, pour les quatre prochaines années, ils sont chargés de faire fonctionner le gouvernement fédéral et d’appliquer l’accord de majorité. Focus sur les chefs de cabinet de la Vivaldi, leurs profils, leurs rôles et leur casting.

Il sera resté chef de cabinet… un mois et demi. Sans doute un record de furtivité. Mais pas trop d’inquiétudes à avoir pour l’avenir professionnel d’Amaury Caprasse ; l’éphémère bras droit du secrétaire d’Etat à la Relance Thomas Dermine vient d’être nommé à la tête de l’Institut Emile Vandervelde (IEV), centre d’études du Parti socialiste, réputé pour être le plus efficace du paysage politique belge (même la N-VA l’envie un peu). Jeu de chaises musicales, donc: au gouvernement fédéral, il a été remplacé par Raphaël Jehotte, qui fut un temps secrétaire du groupe PS au parlement bruxellois.

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De toute façon, personne (ou presque) n’avait déjà retenu le nom d’Amaury Caprasse. Pas plus que ceux d’Inti Ghysels et Ri De Ridder, nommés au côté du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (SP.A) et remplacés après quelques semaines seulement (respectivement par Jan Bertels et Mathias Dobbels). La toute fraîche Vivaldi est occupée à remplir ses cabinets et « pour le moment, il faut bien avouer que c’est un peu le bordel », confie un porte-parole. Nul ne sait encore trop qui fait quoi, qui doit être contacté pour quoi, qui s’occupe de quoi, et ce n’est finalement ni inquiétant ni surprenant, l’attelage De Croo ayant prêté serment il y a moins de deux mois.

De tous les postes à pourvoir dans les équipes ministérielles, celui de chef cab (comme il est surnommé) est le plus en vue, le plus gradé, le plus influent. « Lorsqu’un gouvernement est en train d’être constitué, il y a des tractations au sein des partis pour désigner les ministres, contextualise Marie Goransson, professeure en gestion publique à l’ULB et spécialiste de la gouvernance. Eh bien, c’est exactement la même effervescence ensuite pour nommer les chefs de cabinet. » On dit parfois d’eux qu’ils manient les véritables leviers décisionnels, là où les ministres mènent surtout une perpétuelle mission de représentation. C’est en tout cas eux, les dirigeants d’équipes, les maîtres des dossiers, les gestionnaires du quotidien. Des CEO pour des ministres présidents de conseils d’administration? « Pas vraiment, nuance l’universitaire. Car dans un cabinet, tout le monde travaille pour l’intérêt du ministre. »

Choisir un chef cab contre l’avis de sa formation politique? Même pas en rêve.

Dans l’ombre, toujours. Les noms de celles et ceux qui composent les équipes gouvernementales ne sont certes pas secrets, mais pas toujours facilement accessibles (en témoignent les nombreux « baromètres de la transparence », plus souvent au rouge qu’au vert, publiés dans ces pages). Le Vif/L’Express a compilé les noms de tous les chefs cab de la Vivaldi, en attendant de pouvoir analyser l’ensemble des escouades ministérielles, parfois toujours en cours de recrutement.

Cabinettards endurcis

Ils sont 29. Pour quinze ministres et cinq secrétaires d’Etat, car les vice-Premiers (et le ministre des Classes moyennes, le libéral David Clarinval) en engagent deux. L’un qui s’occupe des « affaires générales », l’autre des matières thématiques. Le premier occupe « un poste vraiment politique, décrit Marie Goransson. Son job est de suivre les affaires du gouvernement pour son parti. Il a un rôle vraiment important à jouer, puisque c’est d’abord dans le cercle des vice-Premiers que les décisions sont discutées, puis doivent être relayées vers les partis de la coalition qui doivent se mettre d’accord entre eux. »

C’est dans ce casting que l’on retrouve les cabinettards les plus endurcis. Aucun novice, tous ont politiquement roulé leur bosse.

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Chez le Premier ministre, Ruben Lecok n’a que 40 ans mais une expérience forgée chez Guy Verhofstadt, puis Vincent Van Quickenborne et déjà chez Alexander De Croo durant la suédoise. Il fut son « supersherpa » lors des négociations. Fidèle parmi les fidèles, il a aussi un temps dirigé le service d’études de l’Open VLD.

Même genre de profil chez Sophie Wilmès, qui travaillait déjà avec Gérald Duffy lorsqu’elle était Première et qui en avait « hérité » de son prédécesseur Charles Michel, dont il était l’homme de confiance. L’un des seuls à pouvoir sereinement le contredire, disait-on à l’époque. Il avait précédemment officié comme secrétaire politique du MR puis secrétaire du Conseil des ministres de la coalition suédoise.

Un dernier exemple? Au CD&V, avec le néophyte Vincent Van Peteghem (Finances), épaulé par Eddy Peeters, 60 ans et cabinettard au long cours (chez Kris Peeters, Wouter Beke, Koen Geens, Nathalie Muyle…)

« En fait, observe Marie Goransson, moins le ministre est expérimenté dans cette fonction, plus son chef de cabinet le sera. Pour la complémentarité. Il n’y aura pas deux novices ensemble. » Au sein de la Vivaldi, ce n’est toutefois pas toujours vrai. Georges Gilkinet intègre pour la première fois un gouvernement (en charge de la Mobilité), comme son bras droit Grégory Van Lint, juriste et ex-secrétaire politique du groupe Ecolo à la Chambre. Même scénario chez Meryame Kitir (Coopération au développement et Grandes villes, SP.A) qui a choisi Anke Van Lancker, certes militante socialiste flamande de longue date (elle était vice-présidente du parti à Bruxelles dans les années 2000) mais qui a mené une carrière diplomatique en Chine puis au Vietnam. Idem, enfin, pour Tinne Van der Straeten (Energie, Groen), qui sera épaulée par Tom Vanden Borre, ancien de chez Comeos et du fournisseur d’énergie Eni (devenu Nuon), dont le CV ne mentionne qu’un bref intermède de conseiller politique entre 2002 et 2004.

Quand Ecolo fait son marché au PS

Tel est le désavantage des « petits » partis, ceux qui vont et viennent au pouvoir, sans y rester suffisamment longtemps pour nouer des liens forts avec certains membres de l’administration (grosse pourvoyeuse de recrues) ni pour constituer un vivier fréquemment renouvelé de talents. « Par exemple, il a pu arriver qu’Ecolo aille voir au PS s’il n’y avait personne pour remplir ses équipes, raconte la professeure de l’ULB. Car ils ont moins de relais, sont moins structurés… »

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Car tout cela reste bien une affaire de partis. Un élu qui se choisit un chef cab contre l’avis de sa formation politique? Euh… Même pas en rêve. « Ils sont désignés par les ministres, mais le parti joue un rôle considérable dans le choix de la personne », résume Marie Goransson. Le bourgmestre socialiste d’une grande ville wallonne surnommait son principal collaborateur « l’oeil de Moscou ». Certes en souriant.

« Un autre élément qui peut jouer, c’est la recherche d’équilibres, par exemple régionaux, dans les désignations des chefs de cabinet en complémentarité avec leurs ministres », poursuit la spécialiste. Un exemple (peut-être fortuit): la Liégeoise Sarah Schlitz, secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres et des chances (Ecolo), travaillera de concert avec la Bruxelloise Amélie Servotte, qui fut recrutée au CPAS de Schaerbeek et qui avait déjà collaboré avec Jean-Marc Nollet. Un autre (cette fois tout à fait voulu): la francophone Zakia Khattabi (Climat) a recruté le spécialiste flamand Bernard Mazijn, professeur à l’UGent.

« Je rêvais de faire un cabinet féministe », nous confiait récemment l’écologiste, interrogée sur la composition de son équipe, ajoutant que même si le boss de son équipe était donc un homme, les principaux postes (adjoint, directeur de la communication, secrétaire de cabinet) étaient équitablement répartis entre les genres. Un lot de consolation, car concernant les seuls dirigeants des équipes, 22 sur 29 sont des hommes. A peine 28% de femmes… alors que le gouvernement De Croo se vantait de sa parité.

Parmi les chefs de cabinet « affaires générales » des vice-Premiers, au rôle ultrapolitique décrit plus haut, un seul est une femme (Els Van Weert, chez Petra De Sutter). D’ailleurs, au fait, combien de vice-Premières? Deux sur sept. Hum. « J’essaie vraiment d’engager des femmes, on reçoit des CV, nous assurait il y a peu Ludivine Dedonder, en charge de la Défense (PS). Mais ma matière n’est pas celle où il y en a le plus. Quand je suis arrivée ici, au sein de l’équipe en place, il n’y en avait qu’une. »

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« Le coeur battant de la Vivaldi reste une affaire d’hommes« , titrait De Standaard le 6 octobre dernier, constatant l’absence de parité. Là où le casting des chefs cab reflète par contre fidèlement celui des ministres, c’est concernant le renouvellement. Quelques vieux de la vieille mais surtout des profils qui joueront pour la première fois un rôle de cette ampleur-là. Beaucoup de quadragénaires, aussi. Signe, sans doute, des présidences de parti toutes récemment renouvelées. Nouveaux patrons, nouveaux poulains. Meilleure/différente/innovante gestion? Ils ont quatre ans pour répondre à cette question.

Le salaire du patron

S’il est fréquemment et abondamment discuté du salaire des ministres, celui de leurs chefs de cabinet n’est en revanche pas une donnée publique. Au top de l’organigramme des équipes ministérielles, accomplissant plus d’heures supplémentaires qu’ils ne pourront jamais en récupérer, leurs rémunérations doivent être attractives. S’il existe des barèmes calqués sur ceux de l’administration publique, « ils sont variables et négociés », détaille Marie Goransson, professeure à l’ULB. « S’y ajoutent des primes elles aussi négociées et variables en fonction de la spécificité du profil. Il y a donc beaucoup d’autonomie sur cette question. »

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