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Cas de plagiat et de fake news dans la presse belge: comment en est-on arrivé là ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Après le récent scandale de falsifications d’articles par le journaliste Claas Relotius de l’influent hebdomadaire allemand Der Spiegel, une autre affaire de plagiat et de faux témoignages vient éclabousser la presse néerlandaise et belge.

C’est au tour de médias réputés des Pays-Bas, tels Elsevier, HP/De Tijd, Nieuwe Revu, NRC ainsi que du magazine belge MO*, de nos confrères du Knack et du site belge Apache d’être victimes des mauvaises pratiques journalistiques – dont du plagiat et des sources invérifiables – d’un collaborateur indépendant, et cela pendant des années. Un article du Groene Amsterdammer révèle l’affaire.

Ce journaliste indépendant du nom de Peter Blasic, mais qui sévissait aussi sous le nom de Peter Mertens, a rédigé des dizaines d’articles pour plusieurs médias néerlandais et belges sans que ces derniers ne se rendent compte de la supercherie. Il est l’auteur depuis 2012 de plus de 400 articles dont les sources sont difficilement traçables. L’homme aurait monté de toute pièce des témoignages et plagié des reportages entiers d’articles de la presse anglaise, notamment.

Jonathan Ursem, rédacteur en chef de la Nieuwe Revu a annoncé mardi sur Twitter qu’il avait retiré pas moins de 27 articles de Blasic de leur site, à cause de ses sources douteuses. Les rédacteurs en chef de OneWorld, Vice, Elsevier et nos confrères du Knack ont tous confirmé au De Groene Amsterdammer qu’ils ne pouvaient pas certifier les sources de ce journaliste freelance. Blasic travaillait en tant qu’employé à la commune de Roermond et rédigeait des articles sur le côté. Il a nié avoir pratiqué le plagiat et s’être basé sur de fausses sources dans les médias HP/De Tijd et Elsevier.

Dans une réaction dans la presse néerlandaise, le rédacteur en chef de HP/De Tijd, Tom Kellerhuis, a déclaré être au courant depuis 2017 de ses pratiques frauduleuses, les 300 articles écrits par Blasic ont été retirés depuis du site du média. « Il s’agissait dans l’ensemble de courts articles pour notre site internet qui abordaient principalement des affaires de l’Europe de l’Est et la législation européenne« , explique Kellerhuis. Chez Elsevier, le rédacteur en chef a découvert la supercherie en 2018. Blasic y avait publié une vingtaine de courts articles dont deux ont été manifestement copiés. Chez Apache, le journaliste a été remercié, car il avait plagié un article entier sur l’Ukraine d’un journaliste américain de Foreign Policy.

Plagiat et fausses sources

Pour Frits van Exter, président du Conseil journalistique des Pays-Bas, l’affaire est à prendre très au sérieux. « Plus l’information est spectaculaire et plus la source est anonyme, plus les alertes rouges doivent s’activer« , déclare Van Exter.

Knack, dans un long article explicatif sur son site, détaille les circonstances de leur collaboration avec Peter Blasic qui leur a fourni 6 articles en tout, pour le site de Knack.be et pour le site lifestyle WeekendKnack.be entre le 2 avril et le 30 octobre 2018. Le site avance ne plus se porter garant pour la crédibilité journalistique de cette série d’articles laissés toutefois en ligne – « pour être le plus transparents possible » – accompagné d’une explication pour avertir le lecteur de la problématique. Le site fait son mea culpa : « Notre site a fait une erreur. Nous aurions dû percer à jour à cette arnaque et épargner nos lecteurs de ces textes. Vous méritez mieux, surtout en ces temps de turbulences, et nous nous engageons à renforcer les procédures. »

Mais le média se pose surtout des questions quant aux pratiques déontologiques de plus en plus bafouillées dans la presse actuelle. Comment les rédacteurs en chef des différents médias n’ont-ils pas donné l’alerte en « blacklistant » ce journaliste freelance et en prévenant leurs collègues ? Est-ce dû à un manque de temps, un manque de responsabilité éditoriale?

Le fait marquant dans cette affaire est aussi qu’un seul chef de rédaction ait rencontré Blasic en chair et en os. Les autres se sont basés sur ses propositions de collaboration envoyées par mail et sur ses références prestigieuses dans le milieu, ne le contactant que par téléphone ou par mail. Sur le site de Knack, la photo qui accompagnait ses articles s’est aussi révélée fausse. Le problème est peut-être aussi dû à cette course effrénée aux scoops qui pousse les collaborateurs freelances – dans une situation financière parfois instable – à proposer des reportages sensationnels et à enfreindre les règles de déontologie journalistique les plus élémentaires. Autant de questions qui méritent des réponses adéquates.

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