Thierry Fiorilli

C’est beau comme un simple petit boulanger, par Thierry Fiorilli (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

« Le simple boulanger », c’est comme ça que se qualifie Stéphane Ravacley. Le patron de La Huche à Pain a engagé comme apprenti Laye Fodé Traoré, un Guinéen de 17 ans avec une autorisation de séjour jusqu’à sa majorité. À la majorité du gamin, le boulanger se bat pour que « ce gamin reste en France et ait des papiers français. »

Lui, c’est Stéphane. Stéphane Ravacley. Il dit « je suis boulanger depuis vingt-quatre ans à Besançon ». Il dit « je ne suis qu’un simple boulanger ». Comme s’il était un petit, un presque rien, dans un monde de grands, qui décident tout. Je ne suis qu’un simple boulanger mais « je pense qu’il y a des choses incompréhensibles ». Donc, il ne faut pas compter sur lui pour ne s’occuper que de sa farine, sa levure et ses clients ni pour rester la tête penchée sur la pâte ou les yeux rivés sur les fours sans broncher quoi qu’il se passe autour. Alors, comme, il le disait à Brut, le 12 janvier, « il y en a qui achètent des Rolex à 50 ans, moi je veux la liberté pour un gamin ». Et il l’a eue.

Il y en a qui achu0026#xE8;tent des Rolex u0026#xE0; 50 ans, moi je veux la libertu0026#xE9; pour un gamin.

En septembre 2019, Laye Fodé Traoré, un Guinéen de 17 ans, débarque comme apprenti chez Stéphane Ravacley, patron de La Huche à Pain. Laye était arrivé en France via le Mali, la Libye et l’Italie. Tout seul. Donc, statut de mineur isolé. Autorisation de séjour jusqu’à sa majorité. Puis, obligation de quitter le territoire français. Ce qui était devenu réalité ce 3 janvier 2021. Et ce qui a fait sortir Stéphane de ses petits pains. Parce que « l’humanité, c’est pas le retour d’un gamin à 18 ans pour le seul fait d’avoir 18 ans. Sinon, il faut laisser le bateau couler et on regarde ailleurs ». Bref, je ne suis peut-être qu’un simple boulanger mais ça va pas se passer comme ça. Je vais faire grève de la faim dès le 3 janvier, et jusqu’au 26, parce que c’est le jour où le tribunal administratif va statuer sur le recours déposé contre l’expulsion de Laye. « Je me bats pour que ce gamin reste en France et ait des papiers français. »

Une pétition suit, qui récolte très vite plus de 200 000 signatures. Stéphane perd huit kilos mais son combat est très vite très médiatisé, jusqu’à l’étranger. La boulangerie voit débarquer des gens qui n’ont fait le déplacement que pour signer la pétition. Des politiques se rallient au combat. Des artistes. Ses soutiens estiment que ce combat, ce jeûne, « c’est un super geste, très citoyen et très solidaire » que « c’est très courageux », que « c’est beau ». Et le 14 janvier, je ne suis qu’un simple boulanger et le gamin sont convoqués à la préfecture de Haute-Saône où on leur apprend que Laye est régularisé. Donc qu’il peut rester. Donc que Stéphane a gagné.

Il dit alors que « Laye est très heureux et soulagé de pouvoir vivre enfin pleinement sa vie comme il le désire », notamment en visant le diplôme de boulanger en juin. Il dit qu' »on ne tient pas compte de cette main-d’oeuvre, et pourquoi main-d’oeuvre? , parce qu’il y en a pas d’autre. Donc ces gamins représentent l’avenir, en fait. » Il dit, face à la pétition, « ça montre qu’on n’a pas tout perdu ».

C’est souvent des gens exceptionnels, celles et ceux qui disent je ne suis qu’une simple ceci, je ne suis qu’un petit cela, mais j’ai décidé que. Parce que, souvent aussi, c’est pour sauver des gens qui en ont besoin. Pas pour sauver ses propres miches.

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