Loin des enluminures, 380 salariés fixes et autant de travailleurs temporaires bossent chaque jour pour accueillir 1 200 spectateurs dans cet antre public de la culture. © BART DE WAELE/ID PHOTO AGENCY

Burnouts, licenciements injustifiés: sous les ors de la Monnaie, le mal-être du personnel

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le personnel du Théâtre royal de la Monnaie n’a pas toujours le coeur à siffloter un air d’opéra. Burnouts, recrutements obscurs, licenciements injustifiés, salaires opaques et luttes intestines à la direction minent le travail des 380 fourmis qui s’activent en coulisse. Où va la maison menée par Peter de Caluwe ?

Suffit-il de quatre étages pour que les mots d’en bas s’évaporent en chemin ? Ah ! La perfide puissance des escaliers… Dans son bureau lové sous les combles, Peter de Caluwe, intendant du Théâtre royal de la Monnaie (TRM), au coeur de Bruxelles, ne semble pas entendre les battements de coeur des quelque 380 salariés fixes et 400 temporaires, vilainement appelés  » supplémentaires « , qui y travaillent.  » Peter dit qu’on forme une famille ? Mais il ne connaît même pas la sienne !  » jette l’une des employées, qui a requis l’anonymat (1).  » Il est dans son univers et ne voit pas qu’il travaille avec des humains, considérés comme des objets « , cloue une ex-choriste.  » Pour être honnête, empathique, je le suis trop « , répond le directeur. Ce n’est pas un ruisselet qui le sépare de son personnel, c’est un précipice.

On apprend trop peu de nos erreurs à la Monnaie

A-t-on la mémoire courte, à la Monnaie ? Juin 2015. A l’occasion de la fin de saison, les troupes sont rassemblées dans la grande salle du théâtre. Le personnel est fatigué, inquiet des travaux qui forceront l’opéra à jouer extra-muros durant deux ans. Des rumeurs font état d’un rapprochement forcé avec l’Orchestre national de Belgique et de subsides rabotés.

Devant quelque 300 personnes, Peter de Caluwe se lance dans un discours conquérant, truffé d’anglicismes et de résultats financiers brandis comme des étendards.  » Il était très satisfait de lui, pas forcément de nous, se souvient l’un des salariés. Il parlait de tout sauf de culture. On ne se reconnaissait ni en lui, ni dans son discours.  » Un employé prend alors la parole pour évoquer le malaise du personnel et les burnouts qui fleurissent. Peter de Caluwe se raidit.  » Il n’y a pas de malaise à la Monnaie !  » D’autres salariés le contredisent aussitôt. Blessé, l’intendant va s’asseoir, sans répondre.  » Il était prostré, raconte un cadre. Il aurait dû dire :  » Je comprends vos inquiétudes mais je ne peux y répondre pour l’instant. » C’était une terrible erreur de ne rien dire.  » Rideau.

Peter de Caluwe :
Peter de Caluwe : « La Monnaie manque de transparence parce qu’elle n’a pas été construite pour l’être. Mais on progresse… »© MIREILLE ROOBAERT

Juin 2018. Trois directeurs du TRM sont sur le départ : Mathieu Jouvin, gestionnaire financier arrivé en septembre dernier, retourne travailler en France. Christophe Bezzone, directeur de la production artistique, fait ses valises, de commun accord avec Peter de Caluwe, dit-on. Nul n’ignore qu’ils ne peuvent plus travailler ensemble. Et Anne Rubinstein, directrice de la communication, s’en ira en octobre, à la fin de son contrat. Chacun de ces départs s’explique par ses raisons propres. Dans cette maison d’opéra comme ailleurs, rien n’est éternel. Dommage. Car c’est sans doute de permanence et de cohérence que le personnel manque le plus.

Depuis janvier dernier, les quelque quarante cadres intermédiaires de cet OIP (organisme d’intérêt public) sont montés au front. Leurs récriminations s’étalent dans un document anonyme parvenu au Vif/L’Express.  » La direction ne tient pas compte de l’expertise interne.  »  » Personne n’a consulté les cadres afin de déterminer la faisabilité de cette programmation.  »  » Peter n’a pas envie d’entendre que les cadres auront des problèmes avec les équipes lors de l’exécution de ce travail.  »  » Le projet a été lancé de manière irréfléchie sans tenir compte de la charge de travail ni des conséquences pour le personnel.  »  » Aucune planification n’est établie avec un agenda clair.  »  » Il n’y a aucune vision d’une gestion globale de la Monnaie.  »  » Le comité de direction manque de cohésion.  » A-t-on la mémoire courte à la Monnaie ( bis) ?  » C’est parmi ces cadres qu’il y a le plus de frustrations et de burnouts, reconnaît Peter de Caluwe. On ne s’occupe pas assez d’eux.  »

En 2015 déjà, une enquête de bien-être au travail avait été lancée par la direction. Elle avait dégagé trois chantiers auxquels s’attaquer d’urgence : la communication interne, le style de direction, qualifié d’autocratique, et l’absence de retours sur le travail réalisé.  » Cette enquête nous a servi de levier pour lancer un plan d’actions, on en avait besoin « , reconnaît Eddy Ballaux, directeur des ressources humaines.

Trois ans plus tard, les chantiers sont toujours en cours, formations en tous genres à l’appui.  » La nouvelle organisation, collaborative et transparente, se met en place très lentement « , constate Peter de Caluwe. Mais une partie au moins du personnel ne croit pas au grand soir, qui désigne la direction comme responsable du malaise actuel. Or, le conseil d’administration a proposé, dès 2016, de confier un troisième mandat à l’intendant général, à partir de juin 2019.  » Peter est un véritable artiste et un bon gestionnaire « , argumente Philippe Delusinne, président du conseil. La proposition n’a pas encore été signée par le ministre de tutelle, Didier Reynders (MR).

Pour Philippe Delusinne, Peter de Caluwe
Pour Philippe Delusinne, Peter de Caluwe « est un véritable artiste et un bon gestionnaire ».© Tim Dirven/REPORTERS

Souffrance

 » De l’extérieur, la Monnaie donne l’image d’un théâtre exceptionnel. De l’intérieur, on est très surpris de sa désorganisation « , épingle un responsable venu d’ailleurs. Fait remarquable : les failles dénoncées par les cadres intermédiaires sont celles que relèvent aussi les salariés de la maison, tous métiers, administratifs, musicaux ou techniques, confondus.  » C’est une maison en souffrance « , résume une coordinatrice.

Est-ce sur cette souffrance que la direction de la Monnaie a voulu jeter un voile, en invitant par e-mail, dès le début de l’enquête, ses directeurs et ses cadres intermédiaires à ne pas répondre aux questions du Vif/L’Express ? Le mot d’ordre n’a en tout cas pas été suivi par tous. D’autres, en revanche, ont obéi.  » J’ai peur de perdre ma place, vous comprenez ?  »

Car Dieu sait qu’ils l’aiment, leur théâtre, et le miracle permanent du rideau qui se lève, chaque soir, devant 1 200 spectateurs ! C’est un lieu sans rival : il n’y a qu’une Monnaie. Sans doute certains y restent-ils faute de mieux. Mais la majorité y déroule ses jours et, parfois, des morceaux de nuit, juste par passion. Les artistes qui sont passés par le TRM louent d’ailleurs l’engagement de son personnel.  » On aime tous exercer notre métier à la Monnaie, confirme une employée des services administratifs. Mais il faut parler maintenant car, ici, on tire très peu de leçons.  »

La question des départs ne préoccupe personne et les burnouts sont vus comme des fragilités personnelles

Pas même celles du décès de l’une des responsables du service communication, dont le suicide, en septembre 2013, a ébranlé la maison.  » L’attitude de déni de la direction fut pathétique « , assure une lettre anonyme parvenue au Vif/L’Express. Des mesures ont été prises, comme l’engagement d’une psychologue.  » Mais elles n’étaient pas à la hauteur du problème. La Monnaie n’arrive pas à faire mieux « , observe Thomas Lauriot dit Prévost, ex-directeur financier. C’est la conviction d’une grande partie du personnel. Le drame a laissé deux cicatrices : celle de l’absence et celle de l’oubli progressif. Beaucoup affirment que c’est depuis cette disparition qu’on observe une dégradation progressive du climat social à la Monnaie. La direction le conteste.

Entre 2012 et 2017, 162 membres fixes du personnel ont quitté le TRM, volontairement, poussés vers la sortie, ou pensionnés. Ils étaient quatorze, l’an dernier, auxquels s’ajoutent des supplémentaires réguliers, pour un total de 37, selon le calcul des salariés. Soit l’équivalent de 10 % du personnel fixe.  » Dans le secteur culturel comme tout autre secteur avec des travailleurs hyperengagés et à horaires irréguliers le besoin de récupération est plus élevé « , avance Eddy Ballaux. En quinze ans, le TRM a perdu une centaine de postes. Il n’y a plus qu’un pianiste à quart-temps et deux indépendants là où il y avait quatre fixes, auparavant. Les ateliers de construction (couture, peinture, sculpture, tapisserie, menuiserie et ferronnerie) comptaient vingt-quatre personnes il y a huit ans, elles sont huit aujourd’hui. Quant aux choristes, ils sont vingt de moins qu’alors. En cas de besoin, on recourt aux supplémentaires.

Brutal atterrissage

 » L’intrusion, au TRM, d’un management conçu par le privé est neuve pour nous, reconnaît un régisseur. C’est là que la casse est perceptible et l’atterrissage, brutal.  » Parmi les quelque 450 supplémentaires et saisonniers de la Monnaie, certains travaillent depuis douze ans avec des contrats successifs de quinze jours à cinq mois. Légal, pour autant qu’il y ait interruption, même d’un jour, entre les contrats. Ce n’est pas toujours le cas. Les syndicats sont déjà intervenus pour commuer de force des CDD en contrats à durée indéterminée.  » Les supplémentaires sont partout mais ils n’existent pas, lâche un peintre. Dépendant parfois du bon vouloir de leur chef de service pour conserver leur statut d’artiste, ils font leur boulot sans rien dire en espérant être engagés.  » Pour la Monnaie, la question est d’abord financière : alors que le personnel fixe a englouti 23,5 millions d’euros en 2017, les supplémentaires, en nombre à peu près équivalent, n’ont coûté que 2,15 millions d’euros.

Trois des six directeurs de La Monnaie s'en vont (à l'extrême gauche, Mathieu Jouvin et à l'extrême droite, Christophe Bezzone et Anne Rubinstein).
Trois des six directeurs de La Monnaie s’en vont (à l’extrême gauche, Mathieu Jouvin et à l’extrême droite, Christophe Bezzone et Anne Rubinstein).© TINE CLAERHOUT

Humiliations publiques

Dans ce climat de stress permanent, l’épuisement professionnel guette. Selon le bilan social de la Monnaie, sept à huit personnes, en moyenne, sont absentes, chaque année, pendant plus de six mois. La Monnaie ne dispose pas de chiffres pour les arrêts maladie de plus courte durée. Mais le personnel est convaincu que le nombre de burnouts augmente.  » Il y en a quinze qui sont en mauvais état « , confirme le secrétaire régional Culture de la CGSP, José Granado. Les deux saisons sous chapiteau, très rudes pour le personnel, ont laissé des traces.  » Ceux qui se plaignent n’ont jamais été voir ailleurs « , bougonne un technicien de plateau. Epuisés, certains sont partis, même sans job de rechange. Mais  » la question des départs ne préoccupe personne et les burnouts sont vus comme des fragilités personnelles « , soupire l’une de celles qui ont pris la porte. Dans la maison, la parole s’est aussi libérée grâce, entre autres, aux professionnels de l’écoute engagés par la direction.  » Une vingtaine de jeunes femmes travaillant à la Monnaie consultent chez le même médecin du travail que moi « , assure un membre de la production.

Certaines consultent pour harcèlement, entre autres.  » Il est en décroissance depuis deux ans « , assure Peter de Caluwe.  » C’est un vrai problème « , réplique Thomas Lauriot dit Prévost, parti en 2017. Ni le personnel ni les syndicats ne le contrediront. Des coachings sont mis en place pour les chefs de service concernés.  » Il n’y a pas assez de compétences de management à la tête des équipes, détaille l’ex-argentier, car les compétences techniques l’emportent sur tout le reste : il faut que le spectacle sorte.  » A n’importe quel prix. Lâcher 800 ballons marqués  » Respect  » dans le hall de la Monnaie ne suffit pas à rendre une institution respectueuse. Et d’autant moins si, de temps à autre, l’intendant envoie lui-même des mails publics d’insultes à son personnel – comme il le reconnaît – et s’en excuse ensuite.

Pareil avec certains chefs de service, dont les compétences ne sont pas mises en cause, mais qui maltraitent régulièrement leurs équipes, malgré les rappels à l’ordre de la direction.  » Il en est qui insultent et humilient les gens, abonde Isabelle Georis, permanente syndicale du SLFP. Ils ont déjà dû s’excuser mais cela ne change rien.  » La direction confirme le problème, insistant sur l’encadrement mis en place.

Dans tel service, on détermine qui peut, ou non, prendre la parole. Là encore, on se moque publiquement de l’accent d’un salarié, et on propose à un autre de prendre une corde et d’aller se pendre. Ailleurs, on accueille une nouvelle venue par  » tu es jeune, belle, tu as du talent, tu vas avoir beaucoup de problèmes chez nous « .  » J’ai commencé à souffrir d’insomnies et de palpitations, raconte Valérie Locatelli, attachée au service maquillage. La nuit, je rêvais que mes collègues me frappaient.  » Elle est, depuis, sous certificat médical. En 2016, date du dernier rapport d’activités disponible, la psychologue de la Monnaie, qui n’a pas répondu à nos questions, a reçu cent visites sur l’année. Entre 2012 et 2017, trois plaintes formelles, une plainte informelle et six conciliations ont été enregistrées : le personnel ne croit pas à l’efficacité de cette procédure.  » Il y a sans doute des dégâts humains « , murmure Peter de Caluwe.

Vingt-quatre personnes travaillaient, il y a huit ans, aux ateliers de construction. Elles sont huit aujourd'hui.
Vingt-quatre personnes travaillaient, il y a huit ans, aux ateliers de construction. Elles sont huit aujourd’hui.

Simple comme un coup de fil

En matière de recrutement, la Monnaie n’est pas tenue de lancer une procédure publique d’appel aux candidats. Les nouveaux engagés sont donc choisis en vertu de critères peu transparents.  » Je suis entrée à la Monnaie sur un simple coup de fil d’un copain, confesse une ex-administrative. Je n’avais pas les compétences pour occuper le poste.  » Pour des raisons d’efficacité et de rapidité, et pour éviter les mauvaises surprises, on appelle ceux que l’on connaît ou qui ont déjà fait leurs preuves, notamment dans les ateliers de construction. Ce que confirment les syndicats, fâchés.

 » Depuis que le chef de choeur est italien, on n’engage plus que des choristes supplémentaires italiens ! s’emporte José Granado. Pourquoi pas des Belges ?  »  » Parce qu’on agit dans l’urgence « , répond la direction qui rappelle que la Cour des comptes vérifie si la procédure est bien suivie pour le personnel fixe.  » Il n’y a pas de cas de népotisme à la Monnaie « , assure Eddie Ballaux. Reste le cas des supplémentaires.

En 2014, la Cour des comptes avait mis le doigt sur certaines anomalies, dans un rapport consacré au statut du personnel du TRM.  » Les modes actuels de publicité ne garantissent pas la même transparence que pour les recrutements que le Selor publie « , pouvait-on y lire. Quatre ans plus tard, ce rapport n’a pas fait l’objet d’un rapport de suivi d’audit.

La tutelle, ainsi que les cabinets des Finances et du Budget s’intéressent surtout aux sous. Le budget de l’Etat fournit tout de même 33,5 millions d’euros par an au TRM, sur un total d’environ 50 millions. Le conseil d’administration, où l’on ne parle ni mal-être, ni burnouts est, lui, en situation délicate, puisqu’il doit être renouvelé en partie depuis 2014. Pourquoi diable, la N-VA n’y délègue- t-elle d’ailleurs pas ses représentants ?

Erreur de casting

La politique de licenciements n’est pas davantage transparente.  » Certains proches de Peter de Caluwe ont été virés avec énormément de violence « , pointe un familier de la maison. Ainsi Adeline Cluny, responsable de la communication et des publics jusqu’en 2014. Licenciée après deux ans, elle ne sait toujours pas pourquoi. La question n’a pas été évoquée non plus en comité de direction, assurent plusieurs sources, alors qu’elle en faisait partie.  » On m’a dit :  » Erreur de casting, tu ne reviens pas demain.  » Du coup, il règne un climat de terreur. On peut se séparer de quelqu’un, mais si on licencie un chef de service du jour au lendemain sans raisons explicites, on peut licencier tout le monde sans prévenir.  »

Et les salaires ? Malgré une nouvelle classification de fonctions intervenue en 2012, ils  » ne correspondent à aucun critère objectif, assure un régisseur. La situation est, de ce fait, devenue surréaliste et incontrôlable.  » La hauteur des rémunérations est calculée en fonction du CV du salarié et de son expérience à la Monnaie… et à la Monnaie seulement.  » Dans certains services et pour un même travail, certains sont payés 11, 16 ou 22 euros brut de l’heure, sans que l’ancienneté ne l’explique « , relève Valérie Locatelli, attachée au service maquillage.  » Il reste trop de pouvoir aux chefs de service qui décident du salaire « , embraie le syndicaliste José Granado. La directeur jure le contraire, certifiant que la nouvelle classification de fonctions ne le permet pas.

Certains droits d’auteur ou préavis ne sont pas payés depuis des mois

Le service du personnel ne semble pas suivre de près l’évolution des carrières du personnel, tardant, peut-être de bonne foi, à adapter les rémunérations à la hausse : l’information ne circule pas toujours comme il le faudrait dans la maison… Certains salariés, devenus temporairement responsables d’équipe en l’absence de leur supérieur, n’ont pas été rémunérés davantage pendant cette période. Certains droits d’auteur ou préavis ne sont pas payés depuis des mois. Une maquilleuse supplémentaire a été rémunérée pendant dix ans au tarif de 10,89 euros brut par heure. Augmentée à sa demande, elle est passée à 11,09 euros.  » Au départ d’un collègue, raconte une cadre, le service du personnel m’a bien dit que si celui-ci ne posait pas de questions, il ne fallait pas lui dire à quoi il avait droit.  » La Monnaie, institution publique fédérale, ne consacre par ailleurs que 125 000 euros par an à la formation de son personnel, soit l’équivalent de 0,5 % de sa masse salariale alors que la loi imposait, jusqu’en 2017, d’atteindre 1,9 % dans le privé.

Lorsqu’il fait appel à des ateliers extérieurs pour la construction de certains décors, le TRM ne met pas chaque fois ceux-ci en concurrence pour obtenir, à qualité égale, le meilleur prix.  » Nous essayons, mais dans l’urgence ce n’est pas toujours possible « , s’explique Charmaine Goodchild, la directrice technique. Ainsi, un atelier de décors à Cardiff a-t-il travaillé plusieurs fois pour la Monnaie.  » C’est archifaux, réplique le personnel du TRM. Il n’y a pas eu de mise en concurrence ces cinq dernières années. Et si le travail était mieux organisé, nous pourrions le faire nous-mêmes, plutôt que le sous-traiter.  » Au cabinet Reynders, on fronce les sourcils. La Monnaie n’est pas tenue de passer par un appel aux marchés publics, mais il serait judicieux, par égard pour les deniers publics, de comparer les offres.  » Idéalement, il faudrait comparer les offres, reconnaît Thomas Lauriot dit Prévost. Dans la réalité, vu le rythme de travail, c’est quasi impossible. Les choix sont donc arbitraires.  »

Ce ne sont pas les choix artistiques mais les qualités de manager de Peter de Caluwe qui sont remis en cause (ici, Alain Altinoglou, directeur musical à La Monnaie).
Ce ne sont pas les choix artistiques mais les qualités de manager de Peter de Caluwe qui sont remis en cause (ici, Alain Altinoglou, directeur musical à La Monnaie).© NICOLAS MAETERLINCK/belgaimage

Changement d’atmosphère

Que sait, de tout cela, Peter de Caluwe ? Selon les témoins interrogés par Le Vif/L’Express, soit il ne sait rien, preuve qu’il vit dans sa bulle ; soit cet ex-manager de l’année sait, et il s’en moque.  » J’ai vu un changement d’atmosphère à son arrivée, assure une cadre. Il est égocentrique et n’écoute pas les gens « .  » Il change d’avis tout le temps, selon la dernière conversation qu’il a eue « , ricane un autre. Il est aussi qualifié d’émotif et susceptible.  » Depuis que Peter est là, il n’y a pas de ciment versé d’en haut, résume un récent exilé de la Monnaie. Ses compétences de manager posent problème. C’est la passion des gens pour le métier et les relations interpersonnelles qui font tenir la boîte.  »

A l’étranger, la réputation de la Monnaie semble commencer à en pâtir.  » Les agents parlent de lui comme d’un colérique et d’un inconstant, assure une salariée. Il ne sait pas comment faire face au malaise. Il perd pied, et toute la maison avec lui.  »

(1) La majorité des témoins n’a accepté de parler qu’anonymement

Notre enquête

Notre enquête a été lancée le 19 avril dernier, sur la base d’un mail anonyme parvenu à la rédaction. Pour la mener à bien, 57 membres du personnel, actuels ou passés, de la Monnaie ont été contactés ; 7 n’ont pas répondu, 12 ont exprimé leur refus de répondre, 38 ont répondu positivement, dont 18 sont toujours en fonction au TRM. Onze autres intervenants ont été questionnés (cabinet de Didier Reynders, SPF Emploi, Crisp, médecin du travail, Smart, membres du conseil d’administration, représentants syndicaux, Cour des comptes…).

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