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Bouchez, les métiers wallons en pénurie et la thérapie bleue

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le président du MR trouvait « insupportable » qu’un chômeur puisse refuser un emploi en pénurie. Critiqué, il expose la nécessité de « mener des réformes structurelles » pour redresser la Wallonie. Quitte à choquer en retour.

« Il y a 125 métiers en pénurie en Wallonie. (…) Cela me devient insupportable qu’un demandeur d’emploi puisse refuser une fonction dans un métier en pénurie. Il faut des règles plus strictes. » Voilà ce qu’exprimait Georges-Louis Bouchez, président du MR, dans un tweet consécutif à une interview accordée le samedi 31 juillet.

Fondamentalement, à sa manière tranchée, le leader libéral participe à un débat qui vit en Wallonie et à Bruxelles au sujet des lacunes en matière de formation professionnelle. Elio Di Rupo (PS), ministre-président wallon, insistait lui aussi sur la nécessité d’agir dans ce domaine, lors de plusieurs interventions médiatiques, ces dernières semaines.

La formation ne fait pas tout

 » Il faut clairement investir dans les compétences pour relancer la Wallonie après cette crise, déclarait d’ailleurs Willy Borsus (MR), ministre de l’Economie, en octobre dernier, au plus fort de la crise du coronavirus. Les Wallonnes et les Wallons ont la possibilité de se former à des métiers qui offrent des perspectives de carrière. »

Pourtant, les propos de Georges-Louis Bouchez ont suscité quelques critiques. En raison de sa volonté d’imposer des règles plus strictes pour encadrer le chômage – sujet toujours sensible depuis les volontés de réforme initiées lors de la législature « suédoise ». Mais aussi parce qu’il ne faisait pas la distiction entre des métiers nécessitant une formation plus ou moins longue et ceux nécessitant simplement de l’expérience professionnelle. En clair: ces 125 métiers en pénurie ne sont pas tous logés à la même enseigne.

Mi-juillet, en Région bruxelloise, l’office de l’emploi Actiris listait notamment cela de façon précise. Il y a d’abord les métiers qui s’exercent au terme d’un parcours dans l’enseignement secondaire supérieur technique ou professionnel, résumait Le Soir. Il y a ensuite celui (informaticien) accessible avec un brevet de l’enseignement supérieur (BES). Puis viennent les formations de l’enseignement supérieur professionnalisant (bachelier en un cycle) et celles qui passent par enseignement supérieur, universitaire ou pas.

« L’établissement d’un lien entre formation et emploi peut s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît, soulignait à cette occasion u nresponsable d’Actris. Il y a de nombreux facteurs explicatifs de ce qui lie l’individu au marché du travail. La formation n’en est qu’un parmi d’autres. » A tenir en compte également: les expériences professionnelles antérieures, les réseaux sociaux et professionnels à activer, les critères de sélection des employeurs, l’accès à l’information sur les emplois vacants ou encore des conditions de travail.

« L’emploi, meilleur politique sociale »

La mini-polémique suscitée par ses propos est l’occasion pour le président du MR de relayer un plaidoyer libéral: « Depuis quelques jours, il y a une certaine agitation sur les réseaux après mes déclarations selon lesquelles un demandeur d’emploi ne devrait plus pouvoir refuser une formation et un emploi dans un métier en pénurie, entame-t-il. Je confirme mes propos et dénonce les pro de l’indignation. »

Il poursuit: « Certains évoquent des problèmes de statut, de rémunération et de perspective. Qui peut croire que le chômage offre ces trois attentes légitimes? Cette mentalité nous a conduit au chômage endémique dans certaines sous régions de Wallonie dont la mienne, et à Bruxelles. »

Et encore: « D’autres jouent à l’indignation quand on affirme que les métiers en pénurie ne sont pas tous des métiers qui demandent des formations spécialisées. Comme juriste, maçon ou membre de l’HORECA sont des formations accessibles, ce qui ne veut pas dire faciles, pour autant que les programmes de formation soient à la hauteur et que la volonté soit présente. Les organes de formation doivent donc former pour permettre d’employer et non pour le simple fait de former. »

Conclusion très bleue: « Mener les réformes structurelles du marché de l’emploi et de la formation est bien plus important que continuer à investir des moyens publics si l’on veut redéployer les bassins post industriels wallons et Bruxelles. En effet, des centaines de millions ont déjà été injectés dans ces régions avec les résultats que nous connaissons. L’emploi est la meilleure des politiques sociales. »

Le débat est ouvert. Cela dit, il est mené depuis longtemps par les libéraux, y compris au pouvoir, pour dénoncer la mainmise socialiste sur la Wallonie. Dans les premières réactions, certains souhaitent des propositions de réformes plus concrètes, tandis que d’autres évoquent un « magnifique rétropédalage » après l’interview du week-end ou… affirment que le propos est un peu aisé de la part de quelqu’un faisant carrière dans la politique. Georges-Louis Bouchez délent tout rétropédalage: « Je réaffirme avec plus de force ce que j’ai dit. » Et il précise: « Par ailleurs, je suis avocat. Et j’ai bossé à l’unif. J’ai eu tous les statuts. »

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