Benoit Ramacker, conseiller stratégique et porte-parole du centre de crise © Belga

Benoit Ramacker : « Nous avons réussi à être solidaire, il faut continuer à se faire confiance »

Antoine Denis Journaliste

Depuis le début du déconfinement, il y a un petit relâchement du respect des mesures dans la population. Est-ce préoccupant ? Benoit Ramacker, le conseiller stratégique et porte-parole du Centre de crise répond à nos questions.

Constatez-vous ou craignez-vous un relâchement dans le respect des mesures ?

Il y a un relâchement, qui est compréhensible, depuis le début de la levée progressive des mesures. C’est compréhensible parce qu’après plusieurs semaines, voire maintenant deux mois, les gens sont un peu fatigués par ces mesures et ont besoin d’un peu plus respirer. Maintenant, je pense qu’on se focalise beaucoup sur les personnes qui ne respectent pas ou moins, alors que d’après beaucoup d’enquêtes on voit que les gens ont majoritairement adopté les bons comportements et font attention. Je pense qu’il faut être prudent en disant que les gens ne respectent plus les mesures et vont dans les parcs. Même si ce n’est pas suivi strictement à la lettre, je pense que la majorité des gens respectent encore les consignes. On voit que le port du masque passe relativement bien, que les gens font attention de bien se laver les mains et que dans les magasins il y a souvent du gel hydroalcoolique. On voit qu’il y a un relâchement ça c’est clair, mais majoritairement les gens tiennent compte au maximum des mesures.

Ce relâchement, il est préoccupant ?

Dès le début on a dit qu’il fallait faire attention. C’est pour cela que le Conseil national de sécurité (CNS) a décidé de mettre en place une stratégie évolutive non définitive de la levée des mesures. On veut à tout prix éviter une deuxième vague exponentielle. Qu’il y ait une deuxième vague dans les prochains jours, c’est-à-dire une remontée du nombre de contaminations et d’admissions dans les hôpitaux c’est vraisemblable. Maintenant il faut que ce soit une petite vaguelette. Il faut que ça reste maitrisable, il ne faut pas qu’on reparte dans une situation où ça monte de manière exponentielle et qu’on arrive à ce qu’on a voulu éviter, c’est-à-dire une saturation des hôpitaux. Donc, c’est préoccupant dans le sens où oui il faut que ce soit pris au sérieux. Maintenant, pour l’instant on ne voit pas d’effets négatifs donc on va devoir suivre l’évolution de la situation dans les semaines qui viennent pour avoir une idée un peu plus claire.

L’évolution sanitaire positive est-elle effectivement rassurante ?

Je pense que ça rassure tout le monde. Nous, en tant qu’autorité, nous regardons la courbe et nous écoutons surtout ce que les virologues nous disent et ce qu’ils analysent. Donc oui c’est rassurant, ça prouve surtout que les mesures qu’on a prises il y a deux mois ont fonctionné. La population a respecté le confinement, on a vu que les gens ont limité leurs déplacements et sont surtout restés chez eux. On a réussi à aplanir cette courbe. On n’a même pas eu un plateau qui a duré des semaines, on a eu un pic qui est descendu assez rapidement. Je pense qu’on peut en être content et fier. On peut se dire que si on a réussi ça, il faut continuer les efforts pour la suite.

Vous qui accompagnez cette crise depuis le début, comme analysez-vous le moment dans lequel nous sommes ?

On a quitté la phase aigüe, maintenant on est dans une phase de transition qui va guider la société vers une sortie de crise. On doit encore faire attention, il y a toujours pas mal de règles, mais le but maintenant c’est de construire une résilience dans la société, c’est-à-dire que chacun soit capable de relever la tête et de rebondir de manière forte et solide. Il faut qu’on puisse guider les gens vers la sortie de cette crise de manière la plus sereine possible. Malgré tout, nous allons devoir accepter qu’il y ait un nouveau risque dans notre société qui se nomme ‘coronavirus’.

À partir de quand pourra-t-on imaginer une nouvelle phase de déconfinement ?

Pour l’instant la prochaine étape a été fixée au 8 juin. Il faut qu’on laisse le temps aux virologues d’analyser la situation et qu’on puisse « laisser le virus circuler ou pas » et voir ce qu’il en est.

Peut-on tenir jusqu’au 8 juin sans nouvelles perspectives ?

Je pense que nous avons quand même des perspectives. On espère avoir un été plus agréable, le 8 juin c’est dans même pas trois semaines, ce n’est pas dans si longtemps. On sait aussi que depuis deux ou trois semaines on a eu petit à petit des levées progressives et qu’on a pu retrouver une vie familiale, personnelle, professionnelle, sportive. Je pense que les étapes passées rassurent les gens sur le fait qu’on avance. La prochaine étape c’est le 8 juin, il y a des perspectives, il y a des choses qui avancent. Après il y a toujours des gens qui sont pressés et qui veulent aller plus vite. Il faut qu’on soit quand même tous encore conscients de l’existence du virus. Ce n’est pas pour rien qu’on a pris des décisions fortes ; ce virus est contagieux, il est sérieux et malheureusement il touche les plus vulnérables.

Est-ce qu’en dehors des 4 personnes chez soi, on peut donner rendez-vous à des amis à l’extérieur pour se poser ?

Non, parce qu’en fait c’est toujours la même idée : on doit être prudent et ne pas rencontrer trop de monde pour ne pas propager le virus. Il faut quand même se rendre compte que le travail qui a été effectué dans les hôpitaux est un travail colossal. Le personnel soignant est fatigué, c’est difficile pour eux. Ce qu’on fait maintenant c’est aussi pour les épargner et éviter que ça revienne. Tout ce qu’on a fait depuis le début c’était pour aider les professionnels de santé à pouvoir s’occuper des malades. On doit tous garder ça en tête.

Comment expliquez-vous que certaines mesures ne soient plus respectées ?

Plus aucun Belge ne peut prétendre dire « je ne sais pas ce qu’est ce virus ». Les informations ont été transmises. Tout le monde voit très bien que ce virus est dangereux et contagieux. On a tous l’image de ces personnes aux soins intensifs sur le ventre. Il y a quand même eu plus de 9000 morts. La situation est dramatique. Parfois il y a ce que j’appelle une perte du « sense of urgency ». Les gens ne voient pas les morts, le virus est invisible, ce n’est pas une explosion ou un incendie. Ici on est face à un événement qu’on ne voit pas, qu’on ne sent pas sauf si l’on a des proches touchés, là ça va être plus concret. Du coup, je pense que certaines personnes n’ont pas ou n’ont plus ce « sense of urgency » et se disent qu’ils ont besoin de reprendre une vie normale. D’un autre côté, il faut aussi nuancer : on prend des mesures pour la société, mais chaque situation personnelle est différente. Pour certains, c’est plus difficile de respecter certaines consignes et il faut essayer de comprendre pourquoi ils respectent moins bien. Ce n’est pas grave, ce n’est pas de leur faute, il ne faut certainement pas culpabiliser ces gens, mais les accompagner.

Un mot encourageant pour la suite ?

Une chose très importante c’est que les gens doivent se faire confiance. Il y a une certaine méfiance qu’on peut remarquer dans la rue où les gens se disent « lui ne porte pas le masque, est-ce qu’il s’est bien lavé les mains, est-ce qu’il n’est pas asymptomatique ». Certains ont beaucoup des craintes et restent dans leur « cabane », n’osent pas quitter leur bulle. Je pense que ça il faut le regarder plutôt différemment. Il faut se dire que pendant deux mois, on a agi de manière solidaire, on a réussi à aplatir cette courbe, on a réussi à éviter que les hôpitaux soient saturés. Ce résultat est positif, il faut garder ça en tête.

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