Christine Laurent

Barnum Circus

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Syndicat, mutuelle, politiques, ils étaient venus, ils étaient tous là. Pour entonner en choeur, le poing levé, le sempiternel couplet de la lutte finale de l’inusable Internationale. Touchante Sagrada Familia ! L’Action commune au complet et en ordre de marche, tout un symbole !

La machine du PS a encore frappé le 21 avril dernier. Objectif : séduire des militants au moral parfois bien bas. C’est que les mesures imposées par le gouvernement Di Rupo ne plaisent guère et sur le terrain, ça grogne. Il fallait donc rassurer, câliner une base malmenée et en perte de repères. Ovationnés, la secrétaire générale Anne Demelenne et les « amis » de la FGTB qui avaient rué dans les brancards ces derniers mois ! Une réconciliation version XXL censée doper les troupes et faire taire les fâcheux. Un grand Barnum Circus pour lustrer aussi le profil du frais émoulu chef à durée déterminée Paul Magnette, confirmé officiellement jusqu’en 2015. Mise en scène léchée, lumières tamisées de rouge, formules percutantes, coups de gueule et de menton savamment orchestrés, rien n’a été laissé au hasard. Très pro et sans surprise, comme un énième show de Johnny Hallyday à Bercy.

Rayon contenu, ce fut une autre chanson. Formules toutes faites, gris-gris idéologiques, logorrhées incantatoires, du vieux ripoliné en nouveau. Un ravalement de façade, en fait. La rouille héritée du siècle dernier et qui colle encore au discours socialiste est bien tenace. Du sur-mesure pour les militants. La martingale populaire gagnante pour les élections de 2014. Certes, il a été question « de forces du progrès » mais qui « grimpent toujours sur les barricades », si l’on en croit la vice-Première ministre Laurette Onkelinx, très inspirée apparemment… ISF, impôt minimum des sociétés, intérêts notionnels, en ligne de mire la finance qui triche, mais aussi les acteurs économiques soupçonnés de ne pas jouer le jeu. Un remake de la version révolutionnaire qui veut que la richesse des uns repose exclusivement sur l’exploitation des classes productives. Une vision binaire, simpliste prétendront les esprits mal intentionnés, qui voit toujours « la gentille gauche » affronter « la méchante droite », le tout sur fond de ressentiment, comme autrefois. Certes, il a été question de l’Europe, chère à Paul Magnette, ou de l’index. Et d’une traque au « citoyen engagé », très courtisé pour alimenter une réflexion partisane tournée vers l’avenir… et la date fatidique du 25 mai 2014. Une opération qui devrait permettre de neutraliser les énergies rebelles. Dans la foulée, le PS préparerait même une offensive contre le fédéral « qu’Elio va devoir gérer ». Mais rassurons les âmes sensibles, pas d’inquiétude à avoir pour le Premier ministre, il paraît qu’il le sait.

« Le socialisme, fils de la colère », selon une expression qu’affectionne particulièrement Magnette, s’est donc levé. Une colère orientée contre ses partenaires au pouvoir, à savoir les libéraux. Mais qui épargne mystérieusement le CDH. C’est que demain, les humanistes pourraient être indispensables pour former une coalition. A la trappe, aussi, les Ecolos. Normal, l’idéologie de Magnette s’affiche définitivement comme « écosocialiste ». Histoire de siphonner discrètement, mais sûrement, les voix des verts bien mal embarqués avec la crise économique. La preuve : leur congrès du 20 avril qui se voulait mobilisateur et qui a été totalement éclipsé par les camarades du PS. Atone, Ecolo !

Idéalistes, généreux, solidaires, les socialistes ? Certes, certes. Mais pour autant qu’on ne leur barre pas la voie vers les sommets du pouvoir. Non, vraiment, rien de neuf lors de ce congrès. Et ce n’est pas Bella ciao, le célèbre chant des partisans italiens des années 1950 subitement extirpé de sa couche de naphtaline en fin de cérémonie, qui pourrait perturber cette troublante réalité.

CHRISTINE LAURENT

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