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Assurances : le scandale Publifin a tué l’opportunité de synergies

Jean-Marc Damry
Jean-Marc Damry Rédacteur au Vif L'Express

En s’intéressant au monde de l’assurance, Nethys caressait de grandes ambitions pour son pôle télécom. Le scandale Publifin lui a fait faire une courbe rentrante.

Le maintien de taux d’intérêts extrêmement bas fait très mal aux assureurs actifs dans la branche  » vie « . Plus mal encore à ceux qui, comme l’assureur liégeois Integrale, ne pratiquent que cette seule branche. En juin 2016, poussé dans le dos à la fois par les normes internationales de solvabilité (Solvency II) et par les exigences de la Banque Nationale de Belgique (BNB), Integrale – qui était jusque-là organisé sous la forme d’une caisse commune aux mains de ses affiliés – s’est mué en société anonyme et a renforcé ses fonds propres à hauteur de 164 millions d’euros. Avec, principalement, l’arrivée de deux actionnaires, certes de poids, mais depuis frappés par le cyclone politico-médiatico-judiciaire : Nethys et Ogeo Fund. Ces deux structures détiennent aujourd’hui respectivement 54,87 % et 39,63 % du capital d’Integrale. Une petite compagnie d’assurance aux mains d’intérêts privés flamands, Patronale Life (2,4 %), et le groupe français Apicil Prévoyance (3 %), complètent le tour de table. Notons qu’à l’occasion de la mue d’Integrale en société anonyme, Nethys s’était engagée à hauteur de 90 millions d’euros et qu’à ce jour, 30 de ces 90 millions restent encore à libérer. Ils le seraient, en cas de besoin, soit à demande du conseil d’administration d’Integrale soit à demande expresse de la BNB si certaines exigences prudentielles n’étaient plus remplies.

Il fallait mettre Integrale à l’abri d’autres opérateurs tels qu’Ageas ou Allianz

Stratégie industrielle avortée

En faisant le choix de s’adosser à Ogeo Fund, le cinquième plus gros fonds de pension du pays, et à Nethys, les dirigeants et les affiliés d’Integrale pensaient également mettre l’assureur liégeois à l’abri de l’appétit d’autres opérateurs tels qu’Ageas (la maison mère d’AG Insurance) ou Allianz qui, au terme d’une période transitoire, auraient certainement eu vite fait d’intégrer le portefeuille d’Integrale dans le leur, de délocaliser les activités opérationnelles à Bruxelles et de licencier le personnel en doublon, bref, quasi tout le monde.  » Se battre pour créer des emplois dans les services financiers, c’est bien. Se battre pour en conserver, c’est bien aussi « , nous confiait alors Philippe Delaunois, une ex-figure emblématique de Cockerill-Sambre, aujourd’hui toujours très actif dans divers conseils d’administration de premier plan, dont ceux de Nethys et d’Integrale.

Après avoir attiré Integrale dans son périmètre de consolidation, Nethys s’est aussi mise à négocier – discrètement – son entrée chez Ethias.  » Ethias rencontrait en effet, elle aussi, des problèmes de solvabilité, confie un proche du dossier. Nous savions l’Etat fédéral peu enclin à garder sa participation et encore moins à consacrer des moyens supplémentaires à une nouvelle augmentation de capital. Et d’aucuns, à commencer par Ageas, qui ne s’en cachait pas, étaient très actifs en coulisse pour envisager une reprise des participations fédérale, wallonne et flamande au capital de Vitrufin, la holding faîtière d’Ethias.

« Une sorte de boule puante »

Philippe Delaunois (Nethys, Integrale) :
Philippe Delaunois (Nethys, Integrale) : « Se battre pour conserver des emplois, c’est bien aussi. »© JEAN MARC QUINET/Reporters

Cela étant, les milieux politiques, très soucieux du maintien de l’emploi à Liège comme à Hasselt, ont examiné avec grand intérêt un projet d’augmentation de capital d’Ethias, une opération qui aurait été exclusivement réservée à Nethys et à un partenaire flamand ayant l’assentiment des actionnaires existants. Pourtant validé par un consultant international de tout premier plan, le projet fut finalement abandonné. Aux yeux de certains acteurs clés du dossier, Nethys était devenue entre-temps  » une sorte de boule puante, infréquentable « , conclut notre source, amère. La situation d’Ethias s’est depuis fortement redressée et, au sein de cette dernière, le scénario de stand alone est à nouveau celui qui prévaut et qui est défendu.

Derrière cette opération capitalistique de rapprochement de Nethys avec Ethias se dessinait pourtant une stratégie inspirée de ce qui s’est récemment produit en France où Orange Telecom a racheté Groupama, avec la volonté de développer une offre de services financiers où le digital règne en maître.  » Rapprocher Voo d’Ethias avait donc du sens, poursuit notre source. Le potentiel de synergies entre Voo, Ethias (Iard : incendie, accidents et risques divers) et Integrale (vie) est effectivement énorme. Nous aurions eu en tout cas là en main de quoi nous permettre de relever le défi de la digitalisation dans le monde de l’assurance.  » Une perspective qui aurait encore eu plus d’effets tangibles encore si le rapprochement entre Voo et Brutélé, lui aussi avorté, avait pu se concrétiser…

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