Carte blanche

Amour et humanité pour les sans-papiers (carte blanche)

Cher concitoyen, je m’adresse à toi avec un message rempli d’amour et d’humanité. Je t’interpelle concernant la situation des 475 travailleurs.euses sans-papiers, en grève de la faim à l’église du Béguinage, à l’ULB et à la VUB, depuis le 23 mai dernier.

Je sollicite ton soutien – quel qu’il soit – dans ces moments critiques où leur vie ne tient plus qu’à un fil. Au terme de plus de 60 jours de grève de la faim, le gouvernement fédéral est retranché dans une inaction coupable et criminelle. Il nous faut donc agir en tant qu’individu, en tant que citoyen, et en tant qu’être humain.

Je me présente, je m’appelle Brenda Odimba et j’ai 31 ans. Je suis née à Bruxelles d’un père belge et d’une mère d’origine congolaise qui a longtemps vécu sans papiers. En tant que travailleuse sans-papiers, elle s’est battue pour nous offrir la sécurité d’un foyer et un avenir décent. Nous inscrire à l’école par exemple n’a pas été une mince affaire. Malgré cette situation précaire, j’ai terminé mes études secondaires et universitaires avec brio, majeure de ma promotion. J’ai deux masters: un en ingénierie de l’ULB, et un en gestion de la VUB. De plus, je suis trilingue, car j’ai pu parfaire mon néerlandais et mon anglais en travaillant en tant qu’ingénieur aussi bien en Belgique qu’aux Pays-Bas. Je travaille et je contribue donc grandement à l’économie et à la société belge. J’affectionne et je soutiens tout particulièrement le secteur de l’HORECA, car j’aime manger, boire et faire la fête. Tu m’as peut-être déjà croisée au café du coin. Je suis la collègue de ton fils, la voisine de ton neveu, l’ex de ton cousin, ou autre. As-tu peur de moi? Et pourtant, je suis une enfant de travailleuse sans-papiers – qui a depuis été régularisée.

Si je partage mon histoire personnelle, c’est pour déconstruire l’image négative que certains concitoyens belges ont des travailleurs.euses sans-papiers. En effet, iels sont souvent stigmatisé.e.s et décrit.e.s comme un fardeau pour la société belge. La réalité est pourtant tout autre, puisque l’immigration a fait progresser le PIB de 3,5% entre 2009 et 2016 selon un rapport de la BNB datant de novembre 2020.

Pour ma part, j’ai eu beaucoup de chance, car j’ai des papiers, et j’ai toujours reçu énormément d’amour et de reconnaissance de mon concitoyen belge. Que ce soit de la part de mes professeurs à l’école et à l’université, ou de mes amis et de mes collègues. Donc je sais qu’il est possible de s’aimer. Toi le « Belge pur souche » et moi, la « zinneke ».

Selon moi, la tragédie en cours n’a aucun sens. Je ne comprends simplement pas ce qui se passe à Bruxelles. Nous vivons pourtant dans un pays des Droits de l’Homme? Il est cependant clair, au bout de plus 60 jours de grève de la faim des travailleurs.euses sans-papiers, que le gouvernement refuse de faire preuve de la moindre once d’amour et d’humanité. Et je pense que c’est parce qu’il a peur. « Peur de quoi » me diras-tu? Et bien peur de la réaction des électeurs. Mais l’électeur, c’est toi, et c’est moi.

Cher concitoyen, je t’invite par conséquent à ne plus avoir peur des travailleurs.euses sans-papiers. Je t’invite à les regarder avec amour et humanité plutôt que peur et haine. Car chacun.e de ces travailleurs.euses représente une valeur ajoutée pour notre pays. Je t’invite à nous rejoindre dans cette initiative citoyenne pleine d’amour et d’humanité, en soutien aux travailleurs.euses sans-papiers, à signer la pétition #WeAreBelgiumToo et à interpeller Sammy Mahdi, le Secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration. Je t’invite également à interpeller les différentes figures politiques de la gauche francophone, comme Paul Magnette (PS), Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet (Ecolo) ou Raoul Hedebouw (ptb), dont le silence assourdissant est également à déplorer.

Il est grand temps que le gouvernement fédéral réponde aux demandes simples et légitimes des travailleurs.ses sans-papiers: des critères objectifs et clairs de régularisation.

En effet, la Belgique est un des plus mauvais élèves en termes de procédure de régularisation des personnes sans-papiers. Les critères actuels de régularisation sont flous et subjectifs, de telle sorte que certaines personnes n’ont toujours pas été régularisées après plus de 20 ans de travail en Belgique. De plus, puisque la Belgique n’applique pas le Droit du sol, il y a même parmi les grévistes de la faim une femme de 52 ans, sans-papiers, qui est pourtant née ici, en Belgique.

Tout cela a assez duré. Il faut que le gouvernement agisse et change les critères de régularisation. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, j’en ai plus qu’assez que ce pays que j’aime tant et qui est le mien soit encore et toujours le cancre de la classe, pointé du doigt et décrié par tous…

Cher concitoyen, il est temps d’agir avec amour et humanité plutôt que peur et haine. Il est temps de soutenir la cause des travailleurs.euses sans-papiers et de leur offrir le droit à une vie digne et humaine, afin qu’ils puissent contribuer à notre société à la hauteur de leurs nombreux talents.

Brenda Odimba, citoyenne et fille d’ancienne travailleuse sans-papiers

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