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Ajustement budgétaire: la fin du fédéralisme de coopération ?

Le gouvernement wallon a présenté vendredi les chiffres en matière d’ajustement budgétaire qu’il juge incontestables. Il poursuivra ses travaux en vue de réaliser un effort complémentaire de 140 millions d’euros, ont indiqué le ministre-président, Paul Magnette, le vice-président, Maxime Prévot, et le ministre du Budget, Christophe Lacroix.

L’exécutif régional n’a pas digéré la façon dont le gouvernement Michel s’est comporté, en se contentant d’un e-mail envoyé jeudi dernier pour alourdir considérablement l’effort budgétaire que devra fournir la Région. La Wallonie a son propre simulateur mais elle veut se pencher également sur le modèle fédéral. Or, à entendre le ministre-président, cela lui est refusé. Le gouvernement fédéral n’entend même pas constituer un groupe de travail où le point serait examiné en compagnie des autres Régions. « Cette attitude ne s’inscrit pas dans la loyauté fédérale. Nous invitons le gouvernement fédéral à traiter les entités fédérées avec un minimum de respect. Nous ne sommes plus dans une conception où celles-ci seraient sous la tutelle du fédéral », a expliqué M. Magnette (PS).

Le gouvernement wallon a procédé à ses calculs. Il avait identifié lors du contrôle budgétaire du 19 mars un déficit complémentaire de 69,9 millions d’euros. En prenant en compte les informations reçues du fédéral le 26 mars, il retient une diminution des recettes de 70,3 millions et identifie donc un effort complémentaire « non contestable » de 140,2 millions d’euros. L’exécutif régional réfute la méthodologie retenue par le service public fédéral (SPF) Finances, a expliqué M. Lacroix (PS). Il exprime son plus grand étonnement à propos de certains chiffres avancés, en particulier la dégradation des recettes de l’impôt des personnes physiques (IPP) qui lui semble tout à fait irréaliste. « Nous allons continuer à essayer de négocier avec le fédéral et, en parallèle, nous allons continuer le travail sur l’ajustement budgétaire », a annoncé le ministre.

Le gouvernement Magnette demande la mise sur pied d’un groupe de travail pour discuter des chiffres et des méthodes de calcul. Le fédéral s’y refuse jusqu’à présent, jugeant qu’il n’y a rien à négocier. Ce faisant, il reporte le problème au prochain comité de concertation, le 27 avril, alors que l’Europe attend les budgets belges pour la fin du mois, a averti le ministre-président. La Wallonie ne demande nullement une révision de la loi de financement, réformée dans le cadre de la 6e réforme de l’État, mais sa mise en oeuvre loyale. « On est dans l’année I de la sixième réforme de l’État », a-t-il fait remarquer. « Ce n’est pas une querelle de partis mais une question de fonctionnement de l’État. Et la semaine qui vient de s’écouler montre un tournant: celui de la fin du fédéralisme de coopération », a asséné de son côté M. Prévot (cdH). « Pourra-t-on mener une politique cohérente de développement socio-économique si tous les trois mois, on nous envoie un e-mail qui change la donne », a-t-il ajouté.

La Wallonie fera tout pour rebrancher la prise, selon Lacroix

Le gouvernement wallon entend renouer les fils du dialogue avec le pouvoir fédéral, a réaffirmé vendredi le ministre du Budget, Christophe Lacroix, en commission du parlement wallon, après la polémique née du contrôle budgétaire fédéral.

« Le gouvernement wallon fera tout pour rebrancher la prise », a souligné M. Lacroix (PS).

La configuration politique wallonne est radicalement inverse de celle du fédéral. La séance de vendredi a permis au MR de s’exprimer dans un autre contexte.

« L’intérêt de la Wallonie doit permettre de dépasser les clivages politiques », a affirmé le chef de groupe MR, Pierre-Yves Jeholet, qui s’est lui aussi inscrit dans une volonté de dialogue. « On devra se parler et s’entendre. On devra avoir un climat apaisé ».

M. Jeholet a toutefois dénoncé les propos du ministre qui, dans un entretien à La Libre, a accusé certains MR au gouvernement fédéral de considérer la Wallonie comme de la m…. « Personne ne veut qu’il y ait un préjudice pour les Wallons. Le ton de votre interview a heurté », a répondu le chef de groupe. M. Lacroix s’est excusé d’avoir pu choqué certains libéraux du parlement wallon, en précisant que ce n’était pas eux qui étaient visés.

Le ministre PS a mis en garde le MR contre les effets du climat actuel d’hostilité entre la Wallonie et le pouvoir fédéral. « Derrière tout ça, il y a un scénario imaginé par la N-VA qui est de pousser à bout la Wallonie pour qu’elle rompe le dialogue. Les représentants francophones au gouvernement fédéral doivent être vigilants. Je ne pense pas que le choix d’un ministre des Finances N-VA était innocent », a fait remarquer M. Lacroix.

Vendredi, le Premier ministre Charles Michel a qualifié d' »irresponsable » l’attitude du gouvernement wallon qui entend se limiter à un effort complémentaire de 140 millions d’euros en vue de son ajustement budgétaire, en attendant une discussion en groupe de travail avec le fédéral.

« Ce ne sont pas des propos de nature à calmer le débat », a regretté M. Lacroix.

La Wallonie conteste la méthode de calcul du SPF Finances, qui aboutit à une diminution considérable des moyens des Régions tirés de l’impôt des personnes physiques. « Au total, 3 milliards disparaissent de l’estimation du SPF Finances », a indiqué M. Lacroix.

La Commission du parlement organisera des auditions à cet effet et invitera les représentants du SPF et Conseil supérieur des Finances à s’exprimer.

« C’est à pleurer de voir comment les choses se déroulent », a regretté Dimitri Fourny (cdH).

« Votre attitude va appauvrir la Wallonie, et cela se reportera sur le citoyen », a lancé Christophe Collignon (PS) au MR.

Ecolo a déploré l’imbroglio actuel et pointé lui aussi du doigt la N-VA. « Il y en a un aujourd’hui qui s’amuse beaucoup de voir arriver les problèmes beaucoup plus vite que prévu », a dit Stéphane Hazée (Ecolo), dans une allusion au président du parti nationaliste flamand, Bart De Wever.

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