Catherine Paquet

À l’école : lorsque la violence remplace la marelle

Nous avons tous une part de responsabilité dans la violence scolaire. Nos enfants doivent apprendre qu’il est aussi coupable de laisser faire que d’être bourreau.

Hier après-midi, dans la cour de récréation d’une école primaire. Ciel paisible et cris d’enfants qui jouent. Un enfant de 3e primaire, pour une raison futile, dit à une autre : « va mettre une raclée à ta soeur ! ». La petite fille (9 ans) s’exécute, et s’abat sur l’enfant de 11 ans.

Aussitôt, un attroupement se forme. L’aînée est à terre. Le groupe se resserre autour d’elles, et en une seconde, ils sont une quarantaine à encourager la petite fille à frapper la plus grande.

Ils crient, ils scandent « vas-y, allez, ouais ! » et chantent à tue-tête le prénom de la petite. Puis ils entonnent en coeur « baston, baston ! »

Ma fille, battue, crie « Non ! Arrêtez ! »

Un enfant de 8 ans lui frappe le visage avec son pied. Un autre mime l’arbitrage d’un combat de catch en criant et frappant de la main sur le sol. Les autres se taisent, et regardent simplement. Personne ne bouge, tout le monde laisse faire. Ma fille suffoque jusqu’à ce qu’une surveillante intervienne, après seulement quelques minutes, mais des minutes lourdes d’une souffrance psychologique intense.

Un cauchemar, résume-t-elle. Elle ne retient de cet instant que tous ces visages pressés autour d’elle, et la férocité des cris d’encouragement à la frapper.

Elle est meurtrie en tant qu’enfant victime d’une violence de masse. Je suis meurtrie dans mon coeur de maman. Ma petite fille est rongée par le remords, de même que d’autres enfants qui regrettent sincèrement ce qui s’est passé. Lorsque l’institutrice a demandé à tous ceux qui pensaient avoir une part de responsabilité de s’avancer, seuls 6 se sont manifestés. Je leur suis reconnaissante pour ce courage.

Si je ne comprends pas comment des enfants peuvent en arriver à de telles violences et un tel acharnement, je suis par contre convaincue de trois choses :

– aucun de ces enfants n’est méchant par essence ;

– aucun de leurs parents n’est un mauvais parent ;

– nous sommes tous concernés :

Moi, maman de l’enfant violentée et de sa soeur qui a obéi à une injonction sans faire preuve de discernement, par crainte, explique-t-elle, d’être elle-même victime.

Les parents de l’enfant qui a incité ma fille à aller frapper sa soeur.

Les parents de l’enfant qui a donné un coup de pied à ma fille, à terre.

Les parents de l’enfant qui a mimé un match de catch.

Les parents de tous ceux qui ont scandé « baston, baston ! »

Enfin, les parents de tous les autres, silencieux et passifs, qui n’ont à aucun moment interpellé l’adulte pour lui venir en aide.

Nous avons tous une part de responsabilité. Nos enfants doivent apprendre qu’il est aussi coupable de laisser faire que d’être bourreau.

Et ce n’est possible qu’en prenant la pleine mesure de ce véritable problème actuel qu’est le harcèlement à l’école, en discutant avec nos enfants, en les sensibilisant au respect et à la communication non-violente.

Je ne donne pas de leçon, je suis moi-même maman d’une enfant victime et d’une enfant participante. Je pense simplement que nous pouvons agir. C’est le seul objectif de cette lettre.

Parlons à nos enfants. Même s’ils sont adorables, altruistes, foncièrement gentils, ils sont tous l’un des protagonistes de cette histoire ou y seront un jour confronté.

Aujourd’hui, ils sont dans une cour de récréation. Demain, ils seront actifs dans la société.

Rendons-la meilleure.

Merci de m’avoir lue.

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