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À Charleroi, Paul Magnette et le retour du coffre

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le bourgmestre socialiste, spectaculaire vainqueur des élections de 2012, ne se contentera pas d’une reconduction qui lui semble promise. Il veut mettre le scrutin communal carolo à profit pour aider au retour des socialistes dans les gouvernements wallon et fédéral. C’est là, en effet, que se trouvent les moyens nécessaires à ses ambitions pour la plus grande ville wallonne.

L’enjeu : re-relier Charleroi à Namur

Le triomphe, total (30 sièges sur 51 possibles pour le PS, 24 000 voix de préférence pour Paul Magnette), d’octobre 2012, reposait sur un double ressort. Celui de l’espoir, d’abord, qui mena certains Carolos à s’en remettre à la figure, neuve et salvifique, de l’homme à qui l’on fit dire qu’il allait tout changer. Celui de l’habitude, ensuite, qui en conduisit d’autres à s’en remettre, après six années de chaos, au vieux parti jadis mérulé dont l’hégémonie, pensait-on, assurait aux affaires un cours placide. Paul Magnette portait alors à la fois sur lui la fraîche élégance de ceux qui n’ont pas à défendre un bilan, et la sûre détermination de ceux qu’une structure solide appuie. Les choses, quant à la structure, ont changé en six ans. Le Parti socialiste, certes désormais pacifié par la réconciliation de Paul Magnette et de son prédécesseur Jean-Claude Van Cauwenberghe, n’a pas gagné en dynamisme, et le renouvellement annoncé depuis maintenant dix ans ne s’est traduit ni en vagues d’adhésions (leur nombre a diminué aussi bien un peu partout dans les seize sections de l’Union socialiste communale de Charleroi qu’un peu partout dans les quatorze USC de l’arrondissement administratif de Charleroi) ni en recrudescence d’activités de terrain.

Olivier Chastel, tête de liste en 2012 et ici en visite à Charleroi avec Charles Michel, a passé le flambeau local à l'échevin Cyprien Devilers, à l'arrière-plan.
Olivier Chastel, tête de liste en 2012 et ici en visite à Charleroi avec Charles Michel, a passé le flambeau local à l’échevin Cyprien Devilers, à l’arrière-plan.© BRUNO FAHY/BELGAIMAGE

Elles ont aussi changé quant au bilan, un bilan que devra, pour la première fois de sa carrière politique, défendre Paul Magnette. Il a commencé, du reste : un prospectus a déjà été déposé dans toutes les boîtes aux lettres de la localité, et le bourgmestre sortant a, mi-avril dernier, entamé une tournée des quinze anciennes communes pour y présenter les mille merveilles de son premier mayorat.  » Une fierté retrouvée « , titre du toutes-boîtes et la tonalité de sa tournée, avance des arguments objectivement appréciables, que redore encore davantage la comparaison avec la chaotique immobilité des années 2006-2012, pourtant traversées avec les mêmes partenaires MR et CDH. La gratuité des garderies scolaires a été instaurée, 350 voiries communales ont été rénovées, la criminalité a diminué, l’activité commerciale s’est améliorée, et de grands projets se sont concrétisés, ces deux derniers éléments comprenant, bien entendu, l’implantation du centre commercial Rive Gauche, après dix années d’acquisitions, de négociations et de constructions compliquées.

Xavier Desgain, tête de liste Ecolo et conseiller communal depuis trente-trois ans : enfin échevin en 2019 ?
Xavier Desgain, tête de liste Ecolo et conseiller communal depuis trente-trois ans : enfin échevin en 2019 ?© BRUNO FAHY/BELGAIMAGE

Pour résumer, la Ville s’est remise à fonctionner, pas si bien – les tableaux statistiques des pages 102 et 103 en témoignent tristement – mais c’est déjà pas si mal. Et si elle a pu le faire, c’est en grande partie, incontestablement, à Paul Magnette qu’elle le doit. Pas que le politologue soit un magicien, mais le machiavélien a le tour de main : lorsqu’on est assis sur le coffre-fort, c’est plus simple de débloquer des moyens. Président du Parti socialiste de janvier 2013 à juillet 2014, puis ministre-président wallon de juillet 2014 à juillet 2017, le bourgmestre de Charleroi, défenseur récent du décumul intégral, eut le cumul fructueux. Jamais, pas même du temps de Jean-Claude Van Cauwenberghe, les décisions wallonnes n’auront été si favorables à la plus peuplée des cités de Wallonie. A titre de trébuchant exemple, la task force indépendante chargée de sélectionner les projets financés par les fonds Feder de l’UE attribua, en argent wallon et européen, plus de 140 millions d’euros à la seule métropole wallonne pour la programmation 2014-2020. Charleroi n’avait reçu du précédent septennat que 57 millions. L’indépendance des task forces, en Wallonie, a décidément du bon pour ceux qui ont le pouvoir. Mais l’habileté, et l’utilité, de Paul Magnette, ne consista pas seulement à s’asseoir sur le bon coffre-fort au bon moment. Car si le bilan du machiavélien souffre d’assez peu de contestation, politique tout du moins, c’est aussi parce qu’il a peu de contestataires. Conclu à l’été 2007 par un Paul Magnette pas encore homme politique mais déjà politicien avec Olivier Chastel pour le MR et Jean-Jacques Viseur et Véronique Salvi pour le CDH, le pacte tripartite, prévu pour durer trois législatures (on y reviendra), offrait le double avantage de s’assurer des relais dans tous les gouvernements quelle que soit la coalition qui y siège et de mouiller chacun des grands partis carolos – les trois seuls à avoir dépassé 10 % en 2012 – dans la gestion, bonne ou mauvaise, de la cité. Les relais faiblirent après le retour plein et entier de Paul Magnette à l’hôtel de ville, expulsé de l’Elysette par Benoît Lutgen et y remplacé par Willy Borsus.

A la Ville-Haute, la place Charles II sera rénovée de fond en comble grâce aux fonds européens Feder attribués par la Wallonie que dirigeait alors Paul Magnette...
A la Ville-Haute, la place Charles II sera rénovée de fond en comble grâce aux fonds européens Feder attribués par la Wallonie que dirigeait alors Paul Magnette…© HATIM KAGHAT

Certes, tant Olivier Chastel et l’échevin Cyprien Devilers, pour le MR, que la députée bientôt retraitée Véronique Salvi et l’échevin Eric Goffart, pour le CDH, protestent de leur utilité pour infléchir les décisions d’un exécutif wallon qui ne compte aucun ministre carolo et, Alda Greoli exceptée, aucun citoyen d’une ville de plus de 50 000 habitants. Les conditions, très peu avantageuses, du prêt d’aide exceptionnelle accordé fin 2017 par la ministre wallonne Valérie De Bue à la Ville de Charleroi pour financer les cotisations de responsabilisation des pensions de ses fonctionnaires statutaires démontrent la difficulté de se trouver un aimable bailleur lorsque la clé du coffre-fort a été subtilisée. La campagne des trois partenaires sortants consistera néanmoins surtout à s’attribuer les mérites de ce qui a semblé bien fonctionner – la propreté du centre-ville pour Cyprien Devilers, la réfection des voiries pour Eric Goffart, les deux pour le bourgmestre – plutôt que de pointer ce qui a échoué.

Sofie Merckx (PTB), la seule conseillère communale PTB, a transformé chaque conseil en manifestation.
Sofie Merckx (PTB), la seule conseillère communale PTB, a transformé chaque conseil en manifestation.© C. VANDERCAM/PHOTO NEWS

Mais on n’est pas seulement élu sur un bilan, et le machiavélien le sait bien. L’image de son parti a encore souffert des affaires, et sa belle majorité absolue de 2012 est sans doute perdue. Lui-même ne s’est probablement pas gagné d’électeurs, les espoirs d’alors étaient si grands qu’ils ne peuvent qu’avoir été déçus. Et il n’est plus ministre-président, ce qui le rend tributaire de ses adversaires pour les annonces clinquantes : ministres wallons et bourgmestre, libéraux et socialistes, jouent déjà discrètement des coudes pour venir couper le fil en premier, lorsque le repreneur du site de Caterpillar, probablement chinois, sera désigné. Un peu problématique lorsqu’on veut porter, comme grand message de campagne, l’engagement de mobiliser un milliard d’euros d’investissement public sur les six prochaines années. Alors, pour le temps qu’il reste d’ici à octobre, Paul Magnette va faire comme il a toujours fait lorsqu’il fallait gagner des élections sans qu’il pût se laisser porter par la dynamique de son parti, et que son salut et sa stature personnels en dépendaient, comme aux régionales de juin 2009 et aux communales d’octobre 2012 : en allant chercher chaque électeur chez lui. Ses équipes et lui – ils circulent systématiquement à six par rue – viendront frapper à cent mille portes carolorégiennes. Autant dire chez tout le monde. Lui-même y consacrera personnellement une centaine de demi-journées, ce qui lui offrira un contact direct avec plusieurs milliers de ses concitoyens.

On n’est donc pas reconduit sur un bilan, mais c’est plus facile d’être reconduit lorsqu’ils sont nombreux à devoir l’assumer. Et c’est plus facile aussi d’être reconduit lorsqu’il sont plusieurs à vouloir que vous le fussiez. La tripartite PS-MR-CDH était censée durer jusqu’à 2024 au moins.

Paul Magnette avait besoin d’échevins compétents et travailleurs, ce dont sa propre formation est peu prodigue (la moitié de ses six échevins ne dispose pas d’un diplôme universitaire). Et élargir sa majorité l’autorisait à céder aux partenaires des compétences complexes ou potentiellement impopulaires (urbanisme, travaux publics, propreté, etc.).

La place du Manège et le Palais des beaux-arts profiteront, eux aussi, des 140 millions d'euros d'argent public.
La place du Manège et le Palais des beaux-arts profiteront, eux aussi, des 140 millions d’euros d’argent public.© HATIM KAGHAT

Son collège, hormis quelques frictions internes au contingent socialiste (entre Eric Massin et Philippe Van Cauwenberghe notamment) a fonctionné fraternellement, jusqu’à même fabriquer une petite bande d’amis potaches, à peu près de la même génération et, surtout, disciplinée. Seul le chef de file réformateur, Cyprien Devilers, échevin de la propreté, quadragénaire, ingénieur de gestion, président d’Ores Assets et libéral s’est laissé aller à quelque insubordination. Il a aidé à conserver le nouveau siège d’Ores hors du centre-ville, contre la volonté mayorale. Et, tout récemment, il a animé la chronique médiatique d’une contestation de paternité : Paul Magnette s’attribuant la primauté de l’externalisation du nettoyage du centre-ville à l’intercommunale Tibi (ex-ICDI), Cyprien Devilers la lui contestant publiquement. Quand on sait que le bourgmestre, en 2012, fit d’une exclusive personnelle envers un échevin CDH, Antoine Tanzilli, une condition pour reconduire la coalition, cette inimitié plus que naissante entre Paul Magnette compromettrait-elle la relation entre socialistes et réformateurs ? Echevin empêché, Olivier Chastel, qui poussera la liste MR, mais dont la campagne communale sera plutôt discrète, est en retrait(e) et a laissé la voie libre à son successeur municipal. Il n’en reste pas moins le principal interlocuteur de Paul Magnette, et son influence nationale garantit au moins une nouvelle législature au pouvoir à ses troupes communales, à moins d’une peu probable radicalisation mutuelle à partir de possibles incidents de campagne. Quels qu’ils fussent, ils pèseront bien peu face à la position angulaire du MR dans les exécutifs fédéral et sans doute régional.

Compte tenu des répercussions du coup du 19 juin 2017 de Benoît Lutgen, la liste d’Eric Goffart, elle, semble vouée à l’opposition ( voir plus loin). Comme le PTB et, s’il parvient à entrer au conseil comme les sondages le laissent entendre, DéFI. Mais puisqu’il est toujours délicat, pour un potentiel président de parti socialiste, d’afficher sa dilection pour une alliance avec un président de parti libéral, surtout à six mois d’élections législatives cruciales, et puisque toute collaboration avec le PTB est exclue (voir plus loin), un espace, très large, s’ouvre pour des écologistes que Paul Magnette apprécie du reste tant politiquement que personnellement. Problème : Xavier Desgain, conseiller communal depuis 1985 et prochaine tête de liste écolo se verrait plutôt redevenir député wallon en mai 2019 que devenir échevin carolo en décembre 2018, et Luc Parmentier, qui poussera la liste, envisage plutôt de terminer sa carrière à la Province qu’à la commune.

Eric Massin (PS), tête de liste à la Province, ne devrait plus animer la scène politique communale.
Eric Massin (PS), tête de liste à la Province, ne devrait plus animer la scène politique communale.© THIERRY ROGE/BELGAIMAGE

Les relais potentiels, quoi qu’il en soit, resteront décisifs dans la future configuration politique carolorégienne. Elle se fera toutefois dans un sens différent. Là où, jadis, la présence des uns dans un gouvernement de niveau supérieur aidait à se faire accepter par les autres au collège, demain, celle des autres au collège est censée aider au retour des uns dans un gouvernement de niveau supérieur. Ainsi Paul Magnette espère-t-il s’appuyer sur un pacte conclu généreusement avec Olivier Chastel à l’hôtel de ville de Charleroi pour prendre option sur un autre, qui ramènerait le Parti socialiste à l’Elysette. C’est la clé, carolo, du retour du coffre wallon.

Les quais de la Sambre et les quatre salles de cinéma du Quai 10 émargeaient à la précédente programmation Feder. Charleroi n'y avait reçu que 50 millions d'euros...
Les quais de la Sambre et les quatre salles de cinéma du Quai 10 émargeaient à la précédente programmation Feder. Charleroi n’y avait reçu que 50 millions d’euros…© HATIM KAGHAT

La bonne idée : l’exosquelette

On se figure peu l’état catastrophique dans lequel se trouvait l’administration communale de Charleroi après le séisme des  » affaires « , qui a provoqué son effondrement, et après les années suivantes, un lustre de répliques diffuses, qui l’ont paralysée jusqu’à la caricature : tétanisés par la peur de l’inculpation, fonctionnaires et mandataires n’osaient plus rien signer ou presque. La politique de Jean-Jacques Viseur (2007-2012) a voulu faire redémarrer cette administration meurtrie pour relancer une Ville éclopée. Celle de Paul Magnette a fait l’inverse : elle a relancé la Ville pour faire redémarrer l’administration. De l’extérieur de ce grand corps malade ont été imposées des structures chargées de restimuler ses muscles et, très rigidement, de diriger le moindre de ces mouvements. Paul Magnette a flanqué sa ville d’un exosquelette politique. Ces structures, à l’installation plus souple mais à la puissance plus rigide, peuvent donner l’apparence d’une privatisation, financée par de l’argent public, de la gestion municipale carolorégienne. Hier, les fonctionnaires avaient perdu leurs chefs, inculpés, suspendus, stupéfiés ou disparus. Ils ont récupéré une direction, qui n’émarge pas, ou presque pas, à la fonction publique municipale. Installé au moment ou Paul Magnette arrivait, Olivier Jusniaux, directeur général, s’était accompagné d’un petit gouvernement de technocrates venus d’ailleurs pour chapeauter l’administration traditionnelle. Son départ, dû à des iPhones commandés maladroitement et à une consécutive incompatibilité avec le patron, n’a pas changé les dispositions de ce dernier.

Georgios Maillis, bouwmeester depuis fin 2013, a marqué la ville de son empreinte.
Georgios Maillis, bouwmeester depuis fin 2013, a marqué la ville de son empreinte.© DENIS VASILOV/BELGAIMAGE

La fonction de bouwmeester dévolue à Georgios Maillis procède de la même logique : son équipe de cinq personnes encadre les directions de l’urbanisme, des travaux et de la communication, notamment, sans que ni le bouwmeester ni ses subordonnés ne soient, eux, fonctionnaires.

Autre membre de l’exosquelette, la cellule Catch (Catalysts for Charleroi), chargée de veiller au devenir du site de Caterpillar et de la zone environnante, a été composée sur mesure par le gouvernement wallon pour collaborer avec les services municipaux, mais aussi avec l’intercommunale de développement économique Igretec donne une connotation des plus assertives au principe collaboratif. Intercommunale, soit dit en passant, à qui a été externalisée – pour 500 000 euros par an – la gestion administrative des marchés publics de la Ville de Charleroi. Semblablement, la cession à l’Intercommunale Tibi (ex-ICDI) de l’herculéenne tâche du nettoyage du centre-ville a suppléé le service propreté de la Ville, chargé de s’en aller récurer ailleurs sur le territoire carolorégien. Le service des fêtes a, lui aussi, été délesté des fonctions d’organisation de plusieurs événements marquants des annuelles réjouissances locales. En remobilisant des organes assoupis, ou en les mobilisant à d’autres fins, la méthode de l’exosquelette a permis de relancer un appareil en ruines, et à donner à l’opération des apparences d’efficacité, puisqu’en effet Jusniaux réorganisa bien, Maillis remodèle toujours, Catch prospecte et pérore encore, et Tibi nettoie désormais.

Mais l’exosquelette n’a pas permis, loin de là, à la musculature municipale de proprement se régénérer. L’administration communale de Charleroi, à la mi-2018, ne dispose toujours pas d’un organigramme complet. Ses 3 700 agents (sans compter les 2 000 du CPAS et les quelque 1 500 enseignants) et leurs organisations représentatives ont pu se sentir frustrés par des attitudes parfois perçues, et pas toujours illégitimement, comme arrogantes.

Et puis, cette technologie médicale coûte cher : 475 000 euros par an pour la bande du bouwmeester, un million pour la unit de Catch, et sans doute encore plus (aucune somme n’est publiquement évoquée, mais les estimations ont de quoi faire peur) pour Tibi. Or, comme dans la vraie vie, de moindres remboursements rendent les soins moins accessibles, et les chers profils du bouwmeester (via la politique de la Ville) et de Catch (via le ministre de l’Economie) ne sont pas financés par le très impécunieux contribuable carolo, mais par de l’argent wallon. Perdre cet argent, c’est oxyder son exosquelette, et condamner l’administration à la nécrose. Quand on disait que le retour du coffre était aussi vital pour Charleroi que pour son bourgmestre…

Le centre commercial Rive Gauche a fait revenir du monde à la Ville-Basse, désertée jadis.
Le centre commercial Rive Gauche a fait revenir du monde à la Ville-Basse, désertée jadis.© HATIM KAGHAT

La surprise : Eric Goffart

Il est devenu échevin parce qu’il l’avait toujours voulu, mais il n’était pas certain du tout qu’il allait jamais le pouvoir. En octobre 2012, Eric Goffart était le plus mal élu (528 voix) des six conseillers communaux CDH. Le résultat était certes honorable, pour un jeune candidat (32 ans à l’époque) dont c’était le premier exercice électoral, parcouru à une anonyme cinquantième place. Et son parti était le moins certain des formations de la tripartite de continuer à exercer le pouvoir : Paul Magnette mit des heures à convaincre une base socialiste réticente de resigner avec les  » calotins « . Mais lorsqu’il fallut attribuer au CDH un deuxième échevinat, attendu l’exclusive du bourgmestre à l’endroit du sortant Antoine Tanzilli, attendu celle de Véronique Salvi à l’endroit du populaire Mohamed Fekrioui, c’est le Gillicien, fils d’un grossiste en matériaux, ex-avocat, ex-cabinettard de Jean-Jacques Viseur, ex-cabinettard de Benoît Lutgen, ex-énarque qui, appuyé depuis Bastogne par son président de parti, fut désigné au département des travaux publics.

Eric Goffart (CDH), échevin surprise en 2012, paiera-t-il pour son président de parti, Benoît Lutgen ?
Eric Goffart (CDH), échevin surprise en 2012, paiera-t-il pour son président de parti, Benoît Lutgen ?© HATIM KAGHAT

Il s’y débrouilla si bien qu’à l’été passé, après ce coup de Benoît Lutgen qui faillit faire perdre à Goffart ce poste qu’il n’avait pas osé espérer – certains socialistes carolos désirant, en représailles, se débarrasser des  » calotins  » à Charleroi comme les calotins s’étaient débarrassés d’eux à Namur -, Paul Magnette envisagea sérieusement de l’inviter sur sa liste, et que Goffart n’y fut pas violemment hostile. Cela ne se fit pas, et l’échevin des travaux sortant, à la fois pour suivre une ligne présidentielle qui le conseille, et pour se distancier d’une image présidentielle qui en handicape beaucoup, lancé, avec son collègue Fekrioui et l’accord des instances du CDH, une liste citoyenne, baptisée C+. Ses réseaux – Gilly, l’enseignement confessionnel, les organisations de jeunesse -, ceux de Mohamed Fekrioui – les TEC, certaines communautés musulmanes – et ceux de ses quelques candidats d’ouverture lui font espérer une bonne surprise en octobre, qui lui forcerait, une fois encore, les portes d’un cabinet scabinal. Conserver les six sièges du CDH serait déjà un triomphe. Eric Goffart l’a affirmé : s’il est reconduit comme échevin fin 2018, il ne postulera pas à un mandat parlementaire en mai-juin 2019. Il est très probable qu’il soit député wallon, donc.

L'ISPPC (ici, l'hôpital Marie Curie) a connu des scandales qui ont menacé la bonne entente entre libéraux et socialistes.
L’ISPPC (ici, l’hôpital Marie Curie) a connu des scandales qui ont menacé la bonne entente entre libéraux et socialistes.© HATIM KAGHAT

Le scandale : L’ISPPC

Début 2017, une série de révélations relatives à l’Intercommunale de santé publique du Pays de Charleroi, cogérée depuis plus d’une décennie par libéraux et socialistes, a pu faire croire à un Publifin carolo : des doubles jetons de présence pour certains mandataires, des rémunérations très élevées pour un directeur médical en société personnelle et par ailleurs bourgmestre socialiste, de l’argent détourné par des huissiers, des perquisitions et une machine à ratatouille ont mis a mal les bonnes relations entre rouges et bleus, au point même de menacer, disait-on, la poursuite de la coalition à l’hôtel de ville. Le directeur médical Philippe Lejeune (PS), mais surtout l’administrateur Laurent Levêque, alors très proche de Paul Magnette et coupable d’avoir beaucoup laissé filer, durent piteusement démissionner. La menace d’une réplique socialiste (Olivier Chastel lui-même, jadis président de l’intercommunale, dut rembourser 8 400 euros de doubles jetons indûment perçus, et le père du président, Nicolas Tzanetatos, avait obtenu les concessions des restaurants des deux plus grands hôpitaux de l’ISPPC …) mit un terme à l’incendie. Provisoirement ?

Germain Mugemangango (PTB), porte-parole de son parti, se destine plutôt au parlement de Wallonie.
Germain Mugemangango (PTB), porte-parole de son parti, se destine plutôt au parlement de Wallonie.© BELGA

Le pari : Le PTB pour durer

Entré avec Sofie Merckx au conseil communal et très actif, comme partout, dans le  » rue – conseil – rue  » qui mêle interventions classiques et agit-prop de terrain, le PTB sait qu’il comptera davantage après 2018 qu’après 2012. Il devra gérer deux écueils pour ne pas manquer la vraie échéance, celle des élections générales de 2019. D’une part, trouver une manière élégante d’éconduire Paul Magnette lorsque celui-ci fera mine de vouloir négocier une entrée dans la majorité communale. Les uns comme les autres n’en veulent à aucun prix, et s’y préparent mutuellement, ce qui devrait faciliter la rupture. Et, d’autre part, distinguer, parmi les dizaines de membres récents du parti, ceux qui sont susceptibles de briller dans la salle du conseil de l’hôtel de ville. Parce que Sofie Merckx, promise à la Chambre des représentants et Germain Mugemangango, destiné au parlement de Wallonie, devraient cumuler, mais seront moins là pour animer le  » rue – conseil – rue  » communal comme ils le font depuis six ans.

L’Iweps

En partenariat avec Le Vif/L’Express, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) a ausculté la ville de Charleroi. L’Iweps est un institut scientifique public d’aide à la prise de décision à destination des pouvoirs publics. Autorité statistique de la Région wallonne, il fait partie, à ce titre, de l’Institut interfédéral de statistique (IIS) et de l’Institut des comptes nationaux (ICN). Par sa mission scientifique transversale, il met à la disposition de tous des indicateurs statistiques et des études en sciences économiques, sociales, politiques et de l’environnement. Plus d’infos : www.iweps.be

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