L'après-1918 fertile en conquêtes sociales : le patronat doit se résigner à parler aux syndicats. © AGR, COLLECTIONS PHOTOGRAPHIQUES 1914-1918

1918-1944: qu’ont engendré les après-guerre au niveau social?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Ce que l’après-1918 inaugure : les conquêtes sociales, le droit de grève, la puissance syndicale, l’impôt sur le revenu. Ce que l’après-1944 crée : la sécurité sociale.

Après-1918

Fin 1920, cote d’alerte : une grave récession économique jette plus de 200 000 travailleurs au chômage. Impossible pour les élites politiques d’infliger une double peine aux masses laborieuses que l’Occupation et la vie au front ont déjà durement éprouvées. L’Etat s’investit et investit dans le financement des caisses de chômage, alors chasse gardée des syndicats. C’est le début de l’assurance-chômage, une révolution mentale :  » L’idée même de payer pour des gens qui ne travaillent pas constitue une rupture psychologique « , relève Guy Vanthemsche, spécialiste des questions économiques et sociales à la VUB. Bémol : pour l’ouvrier chômeur qui n’a pas rejoint un syndicat, seul le secours de l’assistance publique lui est offert. Autant dire que l’affiliation aux caisses de chômage fait exploser le taux de syndicalisation. Avant 1914, un ouvrier sur dix était syndiqué, la moitié d’entre eux le sont en 1919.

Les syndicats détiennent la clé de leur montée en puissance. Les voilà désormais interlocuteurs incontournables d’un patronat qui doit s’y résigner s’il veut endiguer les mouvements de grève.  » La croissance numérique des syndicats est l’effet le plus spectaculaire de la sortie de guerre en 1918 car elle ouvre la voie à la concertation sociale « , poursuit Guy Vanthemsche. Le redressement économique n’en sera que plus facilité.

La présence socialiste dans les gouvernements de la Libération inaugure trente mois fertiles en conquêtes sociales. De 1919 à 1921 : création de l’OEuvre nationale de l’enfance (ONE) pour lutter contre la mortalité infantile et d’une Société nationale des habitations à bon marché pour doper le logement populaire ; adaptation des salaires à l’évolution des prix ; reconnaissance juridique des syndicats et du droit de grève ; journée de huit heures. Suivront la pension obligatoire pour les ouvriers en 1924 et pour les employés en 1925. Et pour financer tant d’avancées sociales, une révolution fiscale plus juste pour les plus défavorisés : l’impôt progressif sur le revenu voit le jour.

Tout n’est pas encore acquis, tempère Guy Vanthemsche.  » Le système de protection sociale reste inachevé et disparate puisqu’il associe un système de pension obligatoire et un système toujours facultatif d’assurance chômage et de maladie-invalidité. L’après-1918 n’a pas permis de déboucher sur un grand pacte social.  » Partie remise à l’après-Seconde Guerre mondiale.

Après-1944

La Belgique ne part pas d’une feuille blanche. Le vrai-faux miracle économique après la Libération aide grandement à faire glisser le pays sous le charme de la paix sociale. Les temps sont mûrs pour faire sauter les derniers verrous et conclure un  » Pacte social « , vaste accord de solidarité pensé, conçu et noué dans la clandestinité, sous l’Occupation. Il accouche de la sécurité sociale par un arrêté-loi du 28 décembre 1944. Vacances, famille, chômage, maladie, invalidité et vieillesse sont désormais couverts par un revenu pour les travailleurs salariés. Du berceau à la tombe, de nombreux Belges se retrouvent davantage à l’abri du besoin. Entre patronat, syndicats et Etat, le dialogue fait plus que se nouer, il s’institutionnalise. Et écarte le spectre d’une révolution sociale.

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