Enfin admise à voter aux législatives en 1949, la femme ne bouleverse pas le paysage politique. © CARHOP, FONDS LA CITÉ

1918-1944: qu’ont engendré les après-guerre au niveau politique?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Ce que l’après-1918 engendre : le gouvernement de coalition, le Premier ministre. Ce que l’après-1944 apporte : les électrices, la particratie.

Après-1918

Place aux jeunes. Appliqué pour la première fois en novembre 1919, le suffrage universel masculin a pour effet de dérider le casting politique. Et le coup de balai issu des urnes est proprement renversant.  » La Chambre se retrouve sens dessus dessous. Près de quatre parlementaires sur dix sont nouveaux « , observe Emmanuel Gérard (KUL). Plus de la moitié des élus socialistes sont novices, près d’un tiers des catholiques siègent pour la première fois.

Exit l’ancienne génération des dirigeants catholiques conservateurs et intransigeants, usés et impopulaires. Au placard, les gouvernements monolithiques. Leur ouverture aux socialistes et aux libéraux favorise l’émergence d’hommes nouveaux, plus modérés.

La rupture est aussi affaire de culture politique. L’expérience de l’Occupation et le passage à l’ère des coalitions aiguisent le sens du compromis et de la conciliation : les clivages gauche-droite s’estompent, la nécessité de composer incline au pragmatisme.  » Le système est plus juste « , considère Vincent Dujardin (UCL), mais il y a un revers à la médaille :  » l’instabilité parlementaire s’accroît « . Un chef d’orchestre s’impose pour insuffler un minimum de cohérence à des assemblages gouvernementaux fragilisés depuis qu’ils sont hétéroclites : un premier Premier ministre entre officiellement en scène, le 14 novembre 1918. Léon Delacroix, extraparlementaire catholique, inaugure la lignée.

Après-1944

La femme n’est pas vraiment sortie libérée de la Grande Guerre. On a certes fini par lui consentir, non sans réticences, le droit de vote en 1921, mais pour le limiter au scrutin communal. Les enjeux locaux sont jugés à la portée de la ménagère… Seules les héroïnes et veuves de guerre sont admises à faire entendre leur voix aux législatives.

La femme ne sort pas non plus franchement émancipée du second conflit. Elle doit patienter jusque 1948 pour devenir pleinement l’égale de l’homme dans l’isoloir. Son irruption sur la scène électorale, aux législatives de juin 1949, ne bouleverse pas le paysage politique.

La puissance des partis, en revanche, est dopée par les deux guerres. La particratie s’épanouit après 1945, elle va achever de discipliner un Parlement en voie de domestication et mène la vie dure à la stabilité gouvernementale, avec pas moins de dix équipes ministérielles entre septembre 1944 et août 1950. Pourtant, le gouvernement de coalition, relève l’historien Martin Conway (Oxford), s’impose comme un  » gestionnaire plus efficace « . Il se professionnalise, épaulé par des bureaucraties qui lui apportent une expertise technique.

Et déjà, la politique cesse de faire rêver. Elle commence à indifférer quand elle ne suscite pas l’une ou l’autre forme de rejet. Elle souffre, prolonge Martin Conway, de  » l’émergence d’une société plus individualiste et moins disciplinée, qui préfigure à bien des égards les changements sociaux généralement associés aux années 1960 « . Dès l’après-guerre, les détenteurs d’autorité s’alarment en particulier d’une  » jeunesse sauvage  » déboussolée par l’expérience de la guerre et gagnée par une mentalité du chacun pour soi.

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