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120 ou 130km/h sur les autoroutes, ce que ça change

Le ministre de la mobilité souhaite que la limitation de vitesse sur autoroutes soit variable pour fluidifier le trafic. Par exemple que certains tronçons soient limités à 130 km/h. Est-ce vraiment une bonne idée ? Le point sur la question.

Souvent discutée, mais jamais encore appliquée en Belgique, la limitation de 130km/h sur autoroute est à nouveau au centre des discussions suite à la publication d’une étude commandée à l’IBSR. Déjà appliquée aux Pays-Bas et en France, la mesure revient régulièrement sur le tapis. Pourtant la situation en Belgique ne serait pas comparable à celle des pays limitrophes. Car notre pays à ses spécificités qui compliquent la donne.

Beaucoup de sorties d’autoroute et une pointe de nonchalance

Pour avoir une bonne mobilité sur les routes et, par corollaire, de limiter la consommation de carburant et l’impact sur l’environnement, une vitesse et un flux de véhicules homogènes sont nécessaires. Mais, pour que la sécurité routière soit meilleure, il convient également de modérer cette vitesse. Des limitations variables en fonction de la densité du trafic entraîneraient ces effets. Mais encore faut-il que ces dernières soient respectées.

On estime que 40% des automobilistes belges négligent la limitation de vitesse de 120 km/h. Et 15 % de ces contrevenants les dépassent de plus de 10 km/h. Hors embouteillage, la vitesse moyenne observée sur les 1.800 km d’autoroutes en Belgique est de 124 km/h selon Julien Leblud, chercheur à l’IBSR. Les automobilistes roulent donc trop vite, mais ont aussi tendance à en minimiser la gravité et à en sous-estimer les risques. Plus gênant, en Belgique rouler vite est même souvent perçu comme un élément positif ou valorisant. Le chercheur ajoute encore que la Belgique avec sa densité du trafic très élevée présente le taux d’accident par million d’habitants le plus important d’Europe.

Une réduction même minime de la vitesse fait baisser le nombre de morts sur les routes. On estime que si tous les automobilistes diminuaient leur vitesse de 2km/h, 97 vies seraient épargnées chaque année en Belgique. Et a contrario que si la vitesse sur autoroute était généralisée à 130 km/h cela couterait 25 morts et 120 blessés graves supplémentaires par an dit l’IBSR. Soit une augmentation de 5%. Bien que ces chiffres ne fassent pas l’unanimité (des études aux Pays-Bas disent que cette augmentation de 10km/h n’a que peu d’impact), ils permettent tout de même de relativiser le gain de deux minutes par 50km que cela représente. Et encore c’est en parcours de nuit, soit lorsqu’il a personne sur les routes.

Par ailleurs l’impact sur l’environnement ne serait pas négligeable non plus puisqu’on estime que cela représenterait une augmentation de 6% du CO et de 3% des particules fines toujours selon l’IBSR.

Enfin, il existe dans notre pays une certaine tolérance technique. Soit une marge technique de 6 % qui fait qu’en dessous de 128 km/h on n’écope pas d’une amende. Ce qui fait dire à certains observateurs qu’il s’agit en réalité d’un faux débat puisqu’en pratique le 130km/h est presque de vigueur. Ce qui voudrait aussi dire que si la limite est placée à 130km/h on pourrait rouler jusque 138 km/h.

La vraie question ne serait donc pas faut-il augmenter les limites de vitesse, mais comment faire respecter celles qui existent.

Des limitations dynamiques qui s’adaptent aux circonstances

De tous les scénarios envisagés et des simulations testant différentes hypothèses de travail, il apparait que c’est la baisse progressive de la limitation, essentiellement aux heures de pointe et dans les zones congestionnées et/ou accidentogènes, qui produit le plus d’effets positifs par rapport à la situation actuelle: diminution des temps de parcours jusqu’à 25%, baisse du nombre de tués de 6% et d’accidents de 3%, réduction des émissions de particules fines de 7% et hausse de la vitesse moyenne des véhicules de 44 à 57 km/h ressort-il de l’étude commandée à l’IBSR par Jacqueline Galant avant que celle-ci ne soit remplacée par Bellot

Dans un tel cas de figure, le trafic est géré de manière dynamique en temps réel grâce à des signaux lumineux invitant les usagers à passer à 90 km/h, puis 70 km/h voire 30 km/h en cas de réseau saturé. Dans cette dernière situation, la vitesse atteint actuellement 20 km/h en raison des changements de bande, des différentiels de vitesse et des insertions. Cela doit toutefois s’accompagner de mesures complémentaires comme une interdiction de changer de bande, sauf aux entrées et sorties, et un guidage des usagers plus en amont des échangeurs, recommande l’IBSR.

Ce scénario a surtout des effets positifs aux heures de pointe, mais également aux heures creuses, où la diminution du nombre d’accidents serait de 5% et celle des tués de 2%. Il est, par contre, sans effet la nuit.

La longueur des tronçons sur lesquels les conducteurs roulent à moins de 35 km/h passerait en outre de 610 km actuellement à 420 km aux heures de pointe, ce qui représente une baisse de 30%. « Chaque petit gain correspond déjà à des heures de gagnées », résume Julien Leblud.

Faire passer la limitation de vitesse à 130 km/h s’accompagnerait, en revanche, de trop de désavantages. Étant donné la saturation du réseau aux moments clés de la journée, cela n’apporterait aucun effet positif sur la mobilité. Même constat en heure creuse.

Si on libère les moyens et qu’une décision politique est prise, un tel dispositif avec des panneaux dynamiques (dont l’installation est une compétence régionale) est aménageable en un an sur le ring de Bruxelles, estime-t-on au sein de l’IBSR. Les différentes voies d’entrées dans la capitale ainsi que celles autour et menant à Liège ou Namur sont d’autres lieux sensibles, selon l’Institut.

La piste de limitations dynamiques est perçue très positivement par la police, qui la trouve « très intéressante », selon les mots de Koen Ricour, responsable de la police fédérale de la route. Il souligne les effets positifs d’un tel système et des zones sous radars tronçons, à l’image de celle du tunnel sous Cointe, à Liège, et rappelle que les forces de l’ordre ne sont absolument pas favorables à une diminution de la sécurité routière.

Le ministre pour des tronçons à 130km/h

Le ministre de la Mobilité François Bellot (MR) est lui aussi pour l’extension du système des vitesses variables sur autoroutes. « En modernisant notre signalisation routière en ayant recours à des panneaux dynamiques, il existe de réelles opportunités de réduire une partie de la congestion routière belge de 15 à 30% en heure de pointe tout en diminuant le nombre de morts de 5 à 6% », ajoute-t-il. Il y voit un stimulant pour continuer à développer sa politique en faveur des systèmes de transport intelligents (ITS). Il souhaite par contre, contrairement à la suggestion de l’étude, pouvoir rendre possible l’installation de tronçons d’autoroute à 130 km/h dans des zones fluides et non accidentogènes. Une stratégie visant à développer des vitesses intelligentes sur les routes ne signifie en effet pas uniquement envisager des limites à la baisse, argumente le ministre. Pour ce faire, il faut réaliser une cartographie préalable des risques par le biais d’une étude d’accidentologie et installer des radars intelligents qui s’adaptent aux panneaux dynamiques. Un relèvement de la vitesse à 130 km/h à titre de mesure générale n’est, par contre, pas à l’ordre du jour.

Quoi qu’il en soit une partie des compétences sur ce sujet dépend des régions. Si le Fédéral est compétent pour fixer la vitesse maximale sur autoroute, ce sont les Régions qui sont aux manettes en ce qui concerne les limitations hors autoroute mais aussi les variations en la matière sur autoroutes. Il en va de même pour les panneaux à messages variables et, plus globalement, les systèmes de transport intelligents (ITS).

Améliorer la mobilité passe donc par une combinaison de mesures cohérentes et concertées qui doivent être discutées avec ses collègues régionaux, au sein du Comité exécutif des ministres de la Mobilité.

Le CD&V appuie déjà sur la pédale de frein

« Une augmentation de la vitesse maximale augmente le risque d’accidents graves », commente M. Van den Bergh. « De plus, il y a dans notre pays très peu de tronçons sans bretelle d’accès ou de sortie où pareil relèvement serait possible ». Selon le spécialiste Mobilité du CD&V, celle-ci confirme ce qui était en réalité déjà connu, à savoir que des vitesses variables peuvent avoir un effet positif sur la fluidité, l’un des trois grands défis de la politique de mobilité, aux côtés des émissions de CO2 et de la sécurité. Le député de la majorité s’oppose toutefois à un relèvement de la vitesse à 130 km/h. « Une augmentation n’est pas une option dans notre pays », fait-il valoir. Dans l’opposition, le sp.a a lui aussi exprimé son opposition au projet. « Le ministre Bellot prend des risques inconsidérés », selon les socialistes flamands.

Une « très mauvaise idée » pour le ministre wallon Prévot

Augmenter la vitesse maximale sur autoroute de 120 à 130 km/h est une très mauvaise idée, car cela pourrait accroître considérablement la gravité des accidents, ce qui est d’ailleurs confirmé par tous les spécialistes de la sécurité routière, dont l’Agence wallonne de la sécurité routière (AWSR), a réagi jeudi le ministre wallon de la Sécurité routière Maxime Prévot (cdH). Il souligne en outre que les variations de vitesse sur autoroutes sont une compétence régionale. Le ministre se dit favorable au principe de faire varier la vitesse sur autoroute en fonction des circonstances. Mais équiper l’ensemble des 850 km d’autoroutes wallonnes de panneaux à messages variables coûterait plus de 125 millions d’euros, confie-t-il. D’après lui, il faut au minimum un panneau après chaque entrée sur l’autoroute dans chaque sens. Des études sont actuellement menées pour l’éventuelle implantation de tels équipements là où ce serait le plus utile, comme autour des grandes villes telles que Namur, Liège, Charleroi ou encore à l’approche de Bruxelles, « ce qui permettrait de limiter les coûts ». L’expérience de variation de vitesse entre 50 et 80km/h sur une distance de 10 km sur la liaison E40-E25 à Liège, dans le tunnel de Cointe, démontre toute l’utilité de ce genre de dispositif en ce qui concerne la sécurité routière et la fluidité du trafic, argumente Maxime Prévot.

Touring n’exclut pas une augmentation à 130 km/h, le VAB moins favorable

L’organisation d’automobilistes Touring n’exclut pas une augmentation de la limitation de vitesse à 130 km/h sur les autoroutes en certains endroits ou à certaines heures, comme la nuit par exemple, a-t-elle indiqué jeudi. Cette discussion n’est pas neuve, selon Touring, qui s’était déjà penché sur la question en 2009 et qui était arrivé à la même conclusion. « Des panneaux de vitesse variables sont utiles durant les heures de pointe. Cela a déjà été adapté de manière élargie aux Pays-Bas », explique son porte-parole Dany Smagghe. L’organisation avait alors déjà plaidé pour passer à une vitesse maximale de 120 à 130 km/h à certains endroits en fonction de l’heure. Elle voit surtout des possibilités pour implémenter une telle mesure la nuit et le dimanche, quand il y a peu de trafic.

Le VAB partage le besoin de panneaux dynamiques mais se montre moins favorable à une augmentation de la limitation, pour laquelle il n’y aucun argument rationnel la justifiant. En agissant de la sorte, les différences de vitesse entre les véhicules seront plus élevées, ce qui est un facteur de risque pour la sécurité routière. S’insérer sur l’autoroute deviendra en outre plus difficile étant donné la rapidité à laquelle arrive le trafic, explique-t-il. Pour l’organisation de mobilité flamande, en ce qui concerne la nuit, il faut tenir compte de l’aptitude à la conduite amoindrie en raison de la vitesse et de la vue limitée.

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