Regardez dans votre rétroviseur : il y a de grandes chances pour que vous aperceviez la star actuelle du marché. © ISOPIX

Le SUV, success story contradictoire

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Vers un parc automobile plus propre ? A voir : en Belgique comme dans le monde, 40 % des nouvelles voitures achetées sont des SUV. Un boom commercial qui annihile les efforts environnementaux du secteur.

La star actuelle de l’industrie automobile n’est pas la voiture électrique, mais le SUV (Sport Utility Vehicle). Plus de 200 millions de ces voitures urbaines au look de 4×4 circulent sur la planète, presque six fois plus qu’en 2010. Le SUV – mélange de tout-terrain et de monospace – et son petit frère le crossover – croisement entre un 4×4 et une citadine – représentent 40 % des achats de voitures neuves dans le monde, contre 18 % il y a dix ans. En Belgique aussi, près de quatre nouvelles voitures achetées sur dix appartiennent à ce segment. Le SUV a fait quasiment disparaître le monospace et restera prioritaire pour les constructeurs ces prochaines années.

Le SUV, success story contradictoire

L’impact négatif de ce type de véhicule en matière de sécurité, de mobilité et d’environnement est pourtant largement souligné. Des organisations environnementales incitent à leur préférer des voitures plus légères. Des études confirment la dangerosité de ces véhicules à face haute et droite pour les piétons et les deux-roues. Plus lourd, plus puissant et moins aérodynamique que la citadine classique, le SUV est plus vorace en carburant : sa consommation est 15 à 30 % plus élevée. Très minoritaire dans les classes de véhicules les moins polluantes, le SUV est très présent dans les classes qui émettent entre 121 et 250 grammes de CO2 par kilomètre. Ajouté au déclin du diesel au profit de l’essence, le boom des SUV est la cause d’une hausse sensible, depuis 2017, des émissions de CO2 d’origine automobile. Son succès commercial a annihilé tous les progrès réalisés ces dernières années par les constructeurs : moteurs plus performants, pièces allégées, améliorations électroniques, recours aux matériaux composites… De même, selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), l’adoption massive des SUV dans le monde va faire perdre, d’ici à 2040, tous les gains réalisés en matière d’émissions de CO2 par la production de 150 millions de voitures électriques !

Une question de marge et de statut social

La contradiction saute aux yeux : alors que l’on suffoque de la pollution du trafic automobile en ville, l’invasion des 4×4 urbains énergivores se poursuit. Tandis que les discours en faveur du climat et de la sécurité sur les routes sensibilisent les citoyens, les voitures deviennent de plus en plus lourdes et leur puissance a augmenté de plus de 25 % en quinze ans, ce qui n’aide pas à faire chuter les émissions de CO2 et à respecter le 30 ou le 50 km/h en ville et le 120 km/h sur autoroute. Au moment où les constructeurs développent des technologies visant à réduire l’impact de leurs modèles sur l’environnement, ils concentrent leurs budgets publicitaires sur les gros SUV, plus pollueurs que d’autres modèles de leur gamme. Absurde ? Incohérent ? Sans doute. Mais priorité est donnée au business : la marge bénéficiaire de l’industrie automobile est plus élevée dans ce segment.

Le SUV, success story contradictoire

Le consommateur a toutefois une part de responsabilité dans cette SUV-mania. Il commande un véhicule  » nature  » de type tout-terrain, alors qu’il lui servira essentiellement à se rendre au travail et à faire ses courses. Il achète plus gros et plus puissant avant tout parce que l’image de confort et de robustesse du SUV flatte son ego et est un signe extérieur de statut social. En Belgique, le client d’une voiture neuve est âgé, en moyenne, de 55 ans, ce qui peut expliquer aussi la vogue actuelle du SUV.  » Si ce véhicule est si populaire aujourd’hui, c’est notamment en raison du vieillissement de la population belge, assure Luc Bontemps, patron de la Febiac, la fédération belge de l’automobile (lire aussi son interview page 42) : les automobilistes qui sortent de l’hôpital avec une prothèse de hanche privilégient, s’ils en ont les moyens, les 4×4 ou les 2×4, véhicules plus hauts que les berlines traditionnelles, donc plus faciles d’accès. Le choix d’une voiture est aussi très souvent lié aux loisirs pratiqués par l’acheteur et sa famille : le SUV semble convenir aux skieurs, aux golfeurs…  »

Le SUV, success story contradictoire

Ecologique, le gros SUV électrique ?

L’automobiliste adepte du SUV à gros gabarit mais tout de même soucieux de limiter son empreinte carbone peut être tenté par les versions électriques de ces véhicules, qui investissent actuellement l’offre zéro émission. Présentés par les constructeurs comme des véhicules propres – ils ne rejettent ni gaz à effet de serre ni autres polluants -, ces modèles sont-ils pour autant écologiques ? Les Tesla, Jaguar I-Pace, Mercedes EQC, Audi e-tron… tirent leur énergie de blocs de batteries de plusieurs centaines de kilos et ces voitures pèsent plus de deux tonnes. Avant même de commencer à rouler, les SUV de luxe ont émis, en fonction des sources d’énergie du pays où ils ont été produits, entre dix et vingt tonnes de CO2 !

* Chiffres portant sur les voiture neuves vendues en 2019 en Belgique (source : Febiac).

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