Le personnel des chemins de fer accueille les voyageurs du premier train de la ligne de haute vitesse à Qingdao. " La Chine veut jouer le premier rôle sur la scène mondiale. " © Barcroft Media via Getty Images

Auto:  » Il se passe de bonnes choses en Chine « 

Le Vif

Un bourreau de travail au service de son entreprise. Ancien journaliste automobile, âgé aujourd’hui de 60 ans, Johan Willems s’est hissé jusqu’au poste de vice-président Communication de General Motors et Opel. Il a habité sur trois continents, travaillé dans cinq et a été le témoin direct de la plus importante transition de l’histoire de l’automobile. Monologue enflammé.

Johan Willems:  » Lors de ma troisième année en sciences politiques et sociales, option journalisme, à la KUL, je me suis rendu un jour au bureau du journal Het Belang van Limburg et ai demandé au rédacteur en chef si je pouvais rejoindre l’équipe comme assistant. Je travaillais notamment dans l’équipe du soir qui produisait le journal. Il n’y a pas meilleure école pour apprendre le métier. Un an et demi plus tard, avec mon diplôme en poche, le journal m’a demandé de remplacer provisoirement un journaliste qui se remettait d’un accident de la route. Après son retour, je me suis vu proposer un contrat fixe et j’ai pu me spécialiser dans le journalisme et le sport automobile.  »

Les Chinois sont méfiants. Mais une fois que vous avez leur confiance, vous pouvez compter sur eux à 100%.

‘BONNE NUIT’ ET ‘BONNE JOURNÉE’

 » Le terme de mobilité n’était pas encore vraiment utilisé. Je n’y connaissais rien en mécanique auto puisque je n’avais aucune formation technique. Durant 4 ans, j’étais présent sur toutes les courses de Formule 1 et les épreuves du Championnat du Monde des Rallyes. Tous les week-ends, j’étais en voyage quelque part dans le monde. Et durant la semaine, j’assistais aux conférences de presse de présentation des nouveaux modèles. Dans les avions, j’écrivais mes articles et je dormais. Mes rares temps libres, je les consacrais à ma famille mais il est clair que ce travail occupait une bonne partie de mon temps. J’ai tenu ce rythme pendant 10 ans avant de devenir PR.

Opel Belgium m’a proposé un emploi de responsable PR pour les produits, ce qui me permettait de mener une vie plus stable, avec aussi davantage de possibilités d’évolution. Après 4 ans, ma carrière a pris une tournure internationale et j’ai entamé mon tour du monde, faisant escale en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis et en Chine. Au total, ce périple a duré 24 ans. Depuis mes lieux de vie provisoire, j’étais aussi chaque fois responsable Communication pour d’autres continents, sans cesse dans les avions et continuellement en contact avec le reste du monde. Lorsque le soleil se levait en Chine, il se couchait en Amérique. Quand vous avez un conference call en même temps avec l’Australie et le Brésil, il faut dire à la fois ‘bonne nuit’ et ‘bonne journée’ à vos interlocuteurs.  »

Johan Willems.
Johan Willems.  » Je serai curieux de voir ce que compte faire le nouveau président américain Joe Biden par rapport à la Chine. « © YESEYES

RESPECT et compréhension

 » Durant ma carrière, j’ai appris à me montrer prudent dans mon jugement envers les gens et les régimes. J’ai toujours essayé de me glisser dans leur peau pour comprendre leur culture, leur manière de penser et leur façon d’agir. À distance et en regardant à travers le prisme occidental, on a parfois une vision déformée de la situation. Cela dépend aussi du journal que vous lisez, de la radio que vous écoutez ou de la chaîne de télévision que vous regardez.

Ainsi, les histoires les plus folles circulent à propos de la Chine. J’ai travaillé et habité 4 ans à Shanghai. Qu’ai-je appris de cette expérience? Les Chinois sont méfiants. Il faut du temps et des efforts, pour gagner leur confiance, mais une fois que vous l’avez, vous pouvez compter sur eux à 100%. Aucun autre peuple ne travaille plus dur et de manière plus disciplinée. Le niveau de formation y est plus élevé que dans la plupart des pays industrialisés. Nulle part on ne trouve davantage d’ingénieurs et de scientifiques. Et dans d’autres domaines aussi, comme l’art et la culture, ils sont au top. Il y a plus de Chinois que d’Indiens qui parlent un anglais parfait, malgré le fait que l’Inde a été durant quasiment un siècle une colonie britannique.

Voici 30 ans, la Chine était encore un pays pauvre où la famine régnait. Aujourd’hui, elle fait partie de l’élite mondiale et plus personne n’y souffre vraiment de la faim. Cela ne s’est pas fait sans mal et il est clair que le régime est assez dur vis-à-vis de ceux qui ne marchent pas au pas. Ce que les Européens n’acceptent pas avec leur vision d’un système démocratique. Mais les Européens ne peuvent pas s’imaginer à quel point la Chine est immense et ce que cela signifie de faire vivre ensemble dans la paix une population de 1,3 milliard d’habitants d’origines ethniques différentes. Regardez déjà à quel point il est compliqué de faire coopérer les différents États membres de l’Union européenne. Ou la Belgique, qui compte neuf ministres et secrétaires d’État qui sont en charge de la santé et qui ne parviennent pas à endiguer le coronavirus. Avec un seul pouvoir central, la Chine réussit à contrôler le virus, l’économie tourne de nouveau à plein régime et les gens peuvent se déplacer librement. Je ne suis pas un défenseur du régime mais je veux juste dire qu’il se passe aussi de bonnes choses là-bas.  »

DROIT À L’ERREUR

 » Où trouve-t-on les trains les plus rapides? La plupart des voitures électriques? Et les usines les plus modernes? Les Chinois se sont longtemps comparés à l’Europe et continuent à le faire. Les marques européennes, surtout les allemandes, sont bien implantées sur ce marché. Dans le même temps, les Chinois ont l’ambition de faire mieux que les marques européennes et y parviennent, lentement mais sûrement.

À cet égard, il est important de dire que les Chinois n’ont pas honte d’apprendre des autres. Ils prennent le temps de le faire et savent que tout ce qu’ils entreprennent n’est pas nécessairement couronné de succès. Faire des erreurs n’est pas un problème tant que vous apprenez d’elles. Il existe une deuxième chance. Même si la pression de la performance est énorme, un échec n’est pas dramatique. Si les entreprises chinoises ne disposent pas en interne du savoir-faire nécessaire, ou si cela dure trop longtemps pour le développer, elles vont essayer de l’acquérir via une alliance ou une reprise. Ils sont très doués pour cela et agissent de manière très stratégique. Geely constitue un très bon exemple: d’abord racheter Volvo et ensuite lancer de nouvelles marques qui font appel à la même technologie.  »

Le monde occidental a longtemps considéré et traité la Chine comme un acteur de seconde zone, un sujet très sensible à Pékin.

L’EUROPe, UNE PROIE POUR LE CHAT?

 » La culture et l’histoire chinoises peuvent rivaliser avec l’Europe. Si le pays a souffert durant des décennies sous la dictature de Mao et de ses successeurs, elle a connu ces trente dernières années une transition majeure, a ouvert ses frontières et les a aussi fait bouger. Grâce à des projets d’aide et de coopération, la sphère d’influence de Pékin s’étend aujourd’hui jusqu’en Afrique et en Amérique du Sud. Le monde occidental a longtemps considéré et traité la Chine comme un acteur de seconde zone, un sujet très sensible à Pékin. Les dirigeants chinois ont l’ambition de jouer les premiers rôles sur la scène mondiale, et ils sont bien partis pour y parvenir. Les États-Unis ont une position et une influence plus importantes dans des domaines majeurs mais pour combien de temps encore? Je serai curieux de voir ce que compte faire le nouveau président américain par rapport à la Chine.

Ligne d'assemblage dans une usine d'autos.
Ligne d’assemblage dans une usine d’autos.  » Aucun autre peuple ne travaille plus dur. « © Getty Images

Mais honnêtement, je suis plus inquiet de ce qu’il se passe en Europe. Au lieu de se développer ensemble, les États membres s’éloignent de plus en plus. Sur des sujets importants, avoir un point de vue commun n’est plus une évidence. Chacun considère ses propres intérêts, sans faire preuve de solidarité ou de vision globale. Regardez la gestion de la crise sanitaire. Le Covid-19 ne connaît pas de frontières mais chaque décision est prise en pratique de manière individuelle à l’intérieur des frontières nationales. J’espère que la mentalité va changer car l’Europe va devoir se montrer forte s’il faut conclure des accords et des conventions avec l’Amérique et la Chine. Divisés, nous sommes une proie pour le chat.  »

une NOUVELLE DYNAMIQUE de COMMUNICATION

 » L’Internet et les médias sociaux, dans le sens le plus large du terme, ont généré une nouvelle dynamique en ce qui concerne la transmission de l’information. Désormais, celle-ci circule à la vitesse de l’éclair, à l’échelle mondiale et sans contrôle. Dans un journal, à la télévision ou à la radio, elle passe entre plusieurs mains. Ce qu’un bloggeur ou un utilisateur de Twitter met en ligne, personne ne le contrôle. Un individu mal intentionné peut sans problème diffuser dans le monde entier une information fausse sur une entreprise ou une personne, de quoi faire des dégâts considérables.

Chaque entreprise ou instance doit absolument disposer d’un système de contrôle fonctionnant efficacement afin de pouvoir réagir rapidement et de manière adéquate. Adéquate signifie dans ce cas à la mesure du moyen de communication. Les journaux, les radios et les télévisions utilisent une autre langue que les bloggeurs ou les utilisateurs de Twitter. Il faut disposer de collaborateurs spécialisés habitués à cet univers et à la façon de penser des utilisateurs de ces médias. Je crois vraiment très fort dans la puissance d’une bonne communication. Surtout dans les situations de crise, cela peut faire la différence. Le Covid-19 l’a encore clairement démontré.  »

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