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Affaire Bélarus: « L’arrestation de ce journaliste s’inscrit dans une répression généralisée »

Stagiaire Le Vif

« Ce qui se passe au Bélarus est absolument dramatique, explique au Vif Aude Merlin, professeur au département de Sciences Politiques de l’Université Libre de Bruxelles, je ne suis pas sûre que le grand public des démocraties européennes en prenne vraiment la mesure. »

Alors que l’Union européenne avait annoncé une série de sanctions contre Alexander Loukachenko, président de la République biélorusse, l’opposant arrêté dimanche, Roman Protassevitch, dit être « passé aux aveux » dans une vidéo contestée. L’opposition dénonce une mise en scène grotesque.

Pour Aude Merlin, professeur au département de Sciences Politiques de l’Université Libre de Bruxelles, « c’est la preuve que ce régime est prêt à tout pour arrêter des opposants. La chaine Nexta dont Roman Protassevitch était rédacteur en chef a joué un rôle de premier plan dans la mobilisation citoyenne contre le régime autoritaire de M. Loukachenko. »

Le détournement d’un avion a été qualifié de « piraterie d’Etat »: est-ce un mode d’action inédit? La preuve que le régime biélorusse est prêt à tout?

L’arrestation de ce journaliste s’inscrit dans une répression généralisée. Selon les rapports d’ONG et les témoignages, des dizaines de milliers de personnes sont passées par la prison, la détention, avec dans de nombreux cas l’usage avéré de la torture, dans le cadre des répressions de manifestations depuis le 9 août 2020. Ce que rappelait Mme Svetlana Alexievitch, qui vient de recevoir un DHC de la VUB et l’ULB le 2 mai dernier.

L’EU a donné son avis hier soir, en parlant de possibles sanctions, comment le biélorusse va-t-il réagir?

L’Union européenne joue sa crédibilité à chacune de ces crises bien sûr. Le problème est qu’elle a déjà perdu une part de sa crédibilité. Le régime bélarusse plaide la carte du terrorisme dans cette histoire: ll ne plie pas face aux sanctions europeénnes même si dans le passé il a déjà utilisé cette carte, acceptant de libérer des prisonniers politiques (cf 2016) en échange de la levée des sanctions introduites en 2010 après la répression des manifestations suite aux élections de 2010. Le soutien de Moscou à Minsk est en réalité le point décisif, même s’il y a eu des variations et oscillations dans ce soutien.

Le peuple biélorusse va-t-il supporter les conséquences de ces décisions européennes ?

Le peuple bélarusse attend beaucoup plus de la part de l’UE en termes de sanctions et de positionnement politique. Les Bélarusses se sentent abandonnés, livrés à une répression qui ne cesse de s’amplifier. Je ne pense pas que le type de sanctions introduites par l’UE ait de lourdes conséquences économiques sur la population, du fait de la structure de l’économie bélarusse. En revanche, ce qu’attendent les Bélarusses, c’est un soutien plus ferme de la part de l’UE sur le plan des valeurs.

Au niveau des universités, on pourrait imaginer un plan massif d’aide aux étudiants et professeurs d’université expulsés, dans les universités de l’UE et des programmes de soutien plus forts aux médias indépendants et aux défenseurs des droits humains. Ce qui se passe au Bélarus est absolument dramatique, je ne suis pas sûre que le grand public des démocraties européennes en prenne vraiment la mesure. »

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