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Rudy Demotte : « La priorité, c’est l’économique, pas l’environnement »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

L’Olivier wallon vit des heures noires. Les tensions sont permanentes entre le PS, le CDH et Ecolo. Le ministre-président s’explique, sans fard.

A un peu plus d’un an de la fin de la législature, le gouvernement wallon se déchire. Tensions, discordes, demi-mesures, communications hasardeuses : l’Olivier ne sait plus comment cacher le malaise qui le gangrène. La majorité PS-CDH-Ecolo est minée par les difficultés relationnelles entre ses poids lourds : Rudy Demotte et Jean-Claude Marcourt (PS), André Antoine (CDH) et Jean-Marc Nollet (Ecolo). Le malaise est profond. Il concerne des débats très concrets tels que le prix de l’énergie ou l’aménagement du territoire. Il consacre une fracture idéologique fondamentale alors que la crise sévit. Au bout du compte, les conséquences seront politiques.

Le ministre-président wallon Rudy Demotte, qui s’explique longuement dans Le Vif/L’Express de cette semaine, ne nie pas les tiraillements. « Quand tout va bien, qu’il n’y a pas de crise, le bonheur est dans le pré, c’est facile de prendre des décisions politiques, dit-il. Dans les moments de disette, évidemment que l’on subit à l’intérieur du gouvernement les tensions qui se vivent à l’extérieur. Cela n’a rien de remarquable, c’est un fait. » Même si, insiste-t-il, bien des dossiers ont été réglés en quatre ans après de fortes tensions.

« Nous devons veiller prioritairement à l’autonomie énergétique de la Wallonie et, en même temps, préparer la transition des énergies fossiles et nucléaires vers les énergies renouvelables, explique Rudy Demotte. Tout cela explique l’acuité du débat, pas seulement les humeurs de X ou de Y au sein de l’équipe. » Cela rend difficile la sortie de crise, également.

A ce brûlot s’en ajoutent d’autres. En tête, la réforme très sensible du Code wallon de l’aménagement du territoire (Cwatupe) du ministre Ecolo Philippe Henry. Elle doit bientôt aboutir… si les divergences sont surmontées. « Ce n’est pas une décision simple, dit Rudy Demotte. Qu’est-ce qui fait blocage et qui est en train d’être surmonté ? Essentiellement la mobilisation des terrains économiques. C’est une discussion entre l’usage sobre de l’espace disponible, avec ses dimensions écologiques, et la contrainte de mise à disposition plus rapide de terres en période de crise. »

Une certitude : le bras de fer entre les partisans du tout à l’économie et ceux de la transition écologique habite toutes les tensions. Le choix du ministre-président wallon est fait : « Quand on est en telle situation de tension, la priorité absolue doit être à l’économique. Seul un tissu économique fort permettra de répondre ensuite aux défis environnementaux. »

Une seule éclaircie : la Wallonie se redresse, même si le processus est trop lent. « Le plan Marshall 2 a été salué au nord du pays, dit Rudy Demotte. Le premier plan avait permis la création de plus de 30 000 équivalents temps plein. Avec celui-ci, nous en sommes déjà à 7 500 emplois. Depuis 2007, nous avons un rythme de rattrapage par rapport au PIB flamand qui est totalement inédit depuis les années 1960. Même si nous en sommes encore loin. »

Lorsque l’on analyse les discours de fond et la primauté socialiste accordée à l’économie, on perçoit combien la tentation est grande de préparer autre chose. Un boulevard est ouvert pour le MR.

Nul doute que 2014 sera un rendez-vous électoral majeur avec la tenue simultanée des élections régionales, fédérales et européennes. En Flandre, le succès de la N-VA est annoncé. « Quand on voit les défis qui se présentent devant nous, nous n’avons pas intérêt à y aller avec des francophones désunis, nous dit Rudy Demotte. La poursuite du redressement socio-économique wallon, le nécessaire dialogue avec Bruxelles, la mise en place de la sixième réforme de l’Etat et les incertitudes institutionnelles : tout cela nécessite que nous parlions la même langue, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. »

Concrètement, l’asymétrie des gouvernements au fédéral et dans les Régions semble bien plombée. C’est ce qui explique qu’Ecolo tire à vue sur la majorité au fédéral tout en tentant d’exister au niveau wallon. Ou que le MR atomise l’équipe Demotte tout en soutenant le Premier ministre Di Rupo au fédéral. « Nous ne pouvons plus accepter que des francophones aillent en Flandre pour tirer dans le pied des francophones, dit Rudy Demotte. Or, c’est arrivé… »

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine : – Les coulisses des déchirements internes wallons
– Pourquoi le MR sera au pouvoir en Wallonie en 2014
– Pourquoi Ecolo est en ligne de mire

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