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Sida: une meilleure prévention mais moins de financements

La 18e conférence internationale sur le sida s’est ouverte officiellement hier soir à Vienne dans l’inquiétude d’une baisse des financements internationaux et dans l’espoir du développement de nouveaux outils de prévention et de nouveaux traitements.

Plus de 20.000 chercheurs, médecins et membres d’associations débattent de nouvelles pistes pour lutter contre une maladie qui fait encore 2 millions de morts par an et qui a tué 25 millions de personnes depuis son apparition. Quelques 5,2 millions de personnes séropositives recevaient un traitement contre le VIH à la fin de 2009, selon les dernières données publiées par l’OMS.

Une diminution des financements Un rapport publié dimanche fait apparaître que le financement des programmes de lutte contre le sida dans les pays pauvres a reculé en 2009 à 7,6 milliards de dollars, contre 7,7 milliards en 2008. Un petit recul, certes, mais entre 2002 et 2009 la progression était à deux chiffres d’une année sur l’autre, pour le financement de traitements qui durent toute la vie.

En outre, il a fallu une augmentation de la contribution américaine, de 3,95 milliards de dollars en 2008 à 4,4 milliards l’an dernier, pour compenser la baisse des apports de nombreux autres pays, comme l’Allemagne, le Canada, la France, l’Irlande, l’Italie et les Pays-Bas.

Michel Kazatchkine, directeur exécutif du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, s’est dit « extrêmement inquiet » sur les engagements des pays donateurs pour les trois ans à venir, chiffrant la somme nécessaire à entre 13 et 20 milliards de dollars.

« Alors que nous voyons les premiers succès dans la prévention et le traitement, il faut redoubler d’efforts, pas réduire les efforts », a souligné Michel Sidibé, le directeur exécutif du programme Onusida. Ces inquiétudes apparaissent alors même que de nouvelles pistes se font jour dans la lutte contre le sida.

Des nouveaux outils de prévention La Banque mondiale (BM) a publié deux études montrant le succès d’incitations financières pour réduire le taux d’infection par le virus du sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles (MST) parmi les jeunes du Malawi et de Tanzanie. « Ces deux études montrent le potentiel de versements d’argent pour éviter que les gens, particulièrement les femmes et les jeunes filles, aient des pratiques sexuelles risquées, tout en s’assurant qu’elles restent à l’école et obtiennent tous les avantages de leur éducation », a souligné le directeur du programme de la BM contre le VIH et le sida, David Wilson.

Dans une première étude, menée en 2008-09 dans le district de Zomba au Malawi, 3.796 femmes de 13 à 22 ans se sont vu proposer des versements d’argent réguliers, à elles et à leur famille, à la seule condition qu’elles aillent à l’école régulièrement. « L’argent a rendu les jeunes filles moins vulnérables au VIH et autres MST. Dix-huit mois après le début du programme, le taux d’infection au HIV était de 60% inférieur à celui des jeunes filles ne recevant pas de paiements », a souligné la BM, relevant que les jeunes filles bénéficiant des programmes étaient sexuellement moins actives. Et lorsqu’elles l’étaient, c’était avec des partenaires plus jeunes et moins risqués, révélant une baisse de l’activité sexuelle rémunérée.

« Ces résultats suggèrent que donner des moyens financiers aux jeunes filles peut conduire à une réduction des risques – pas seulement par une réduction de l’activité sexuelle ou des pratiques moins risquées, mais aussi en leur permettant de choisir des partenaires ayant moins de risque d’être infectés », a souligné Berk Özler, un économiste de la BM cité dans le même communiqué.

Une deuxième étude a été menée en Tanzanie auprès de 2.399 hommes et femmes de 18 à 30 ans, testés tous les 4 mois pour des infections à diverses MST, et récompensés financièrement en cas de tests négatifs: au bout de 12 mois, les chercheurs ont relevé une chute de 25% du nombre de MST.

Autre espoir, un gel microbicide contenant un antirétroviral à hauteur de 1% qui réduit jusqu’à 54% le risque de contamination par le VIH comparé à un gel qui ne contient rien.

L’essai, intitulé CAPRISA 004 et commencé le 27 février 2007, visait à établir l’efficacité et la sûreté d’un gel avec 1% de tenofovir, un composant largement utilisé comme antirétroviral, pour la prévention du virus chez les femmes.

Il a été réalisé auprès de femmes d’Afrique du Sud de 18 à 40 ans séronégatives et sexuellement actives. 445 d’entre elles ont reçu du gel avec ARV, et 444 un gel sans produit.

L’incidence du VIH a été de 54% plus basse chez les femmes qui suivaient de près le traitement, de 38% chez celles qui le suivaient moyennement et de 28% chez celles qui le suivaient mal. Soit en moyenne une réduction de l’incidence de 39%. Il n’y a pas eu d’effets négatifs.

Selon les responsables de l’étude, ce gel avec ARV pourrait « remplir un trou important dans la prévention du VIH, spécialement pour les femmes incapables de négocier avec succès une monogamie mutuelle ou l’usage du préservatif ».

Une autre étude souligne que placer les séropositifs sous trithérapie divise par deux le nombre de nouveaux cas d’infection au VIH, ce qui va dans le sens d’une utilisation des trithérapies pour réduire la transmission du VIH.

Et des nouveaux traitements Les nouvelles directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte contre l’infection par le VIH et contre le sida recommandent de commencer le traitement plus tôt en utilisant des molécules moins toxiques pour empêcher la destruction progressive du système immunitaire.

Dans ses dernières directives, qui datent de 2006, l’OMS recommandait de traiter les malades quand leur compte de cellules CD4, qui définissent le niveau immunitaire, était descendu à 200 ou moins par mm3 de sang. Le taux normal est de 1000 à 1500. L’OMS suggère aussi que les patients présentant des symptômes importants commencent le traitement quel que soit leur compte de CD4.

Mais « les nouvelles recommandations peuvent augmenter substantiellement le nombre de personnes éligibles pour un traitement et donc augmenter le coût », relève également l’OMS, qui admet qu’elles puissent ne pas être immédiatement appliquées par tous les pays.

Selon les estimations, cela devrait « augmenter le nombre des personnes traitées de 49% », « faire baisser le nombre des décès de 20% d’ici 2015 », et éventuellement réduire la transmission du virus, souligne l’OMS.

Ces nouveaux espoirs se heurtent cependant aux coûts que représenterait une utilisation généralisée des traitements. Bill Gates, le multimilliardaire fondateur de Microsoft et ardent défenseur de la lutte contre le VIH, devrait insister en séance plénière sur la nécessité de mieux utiliser les fonds pour le sida. Il préconisera de concentrer les efforts de prévention « là où ils ont le plus d’impact », comme sur la circoncision par exemple.

Le Vif.be

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