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Médecines non conventionnelles et cancers

C’est une première ! La journée d’information de la Fondation contre le cancer abordera ce sujet sensible, en insistant sur la prise en charge globale de la maladie et sur l’importance du dialogue entre patient et médecin.

Homéopathie, phytothérapie, sophrologie, mindfulness (méditation en pleine conscience), suppléments alimentaires, massages… Ces médecines non conventionnelles, appelées aussi médecines douces, médecines alternatives ou thérapies complémentaires ont le vent en poupe. Même auprès de patients oncologiques. Il semble que ces derniers soient très nombreux à y avoir recours… mais en catimini.

Pourquoi ces cachotteries ?

Car le sujet est tabou et délicat. A vrai dire, il est rarement abordé par le corps médical classique. L’initiative de la Fondation contre le cancer doit donc être saluée comme courageuse et engagée. « Pourtant, nous avons longuement hésité, par crainte d’être mal interprétés, confie en toute franchise le Dr Didier Vander Steichel, directeur scientifique et médical de la Fondation. Cela dit, j’insiste : notre but n’est pas d’encourager le recours aux médecines non conventionnelles ni d’en dissuader l’usage, par principe. Nous voulons informer sur deux aspects importants. Primo, que peut-on raisonnablement espérer d’un recours aux médecines non conventionnelles ? Secundo, quelles sont les conditions d’une utilisation sans risques de ces médecines ? »
L’idée de cette journée d’information est née d’un double constat. De très nombreux patients se tournent vers les médecines non conventionnelles mais seulement un tout petit nombre en informent leur cancérologue. Pourquoi ces cachotteries ? En absence de toute étude, on ne peut qu’avancer quelques hypothèses. Certains patients passent sous silence les traitements complémentaires, car ils ont l’impression que leur cancérologue n’a pas le temps de les écouter. D’autres ont des doutes quant au sérieux ou à l’efficacité des médecines non conventionnelles mais… aimeraient y croire. Sans oublier des cancérologues (de moins en moins nombreux) qui affichent un certain mépris vis-à-vis de ce type de médecines. D’où la crainte du patient de se rendre ridicule. « Or ce manque de communication est préoccupant, poursuit le Dr Vander Steichel. En effet, si on veut une sécurité d’utilisation, elle doit passer obligatoirement par un dialogue avec le cancérologue. Certains traitements de phytothérapie, par exemple, peuvent perturber l’efficacité de la chimiothérapie. Lors de cette journée d’information, nous voulons transmettre deux messages : « Parlez-en ! » et « Ayez des attentes réalistes ». Aucune médecine non conventionnelle ne peut garantir des chances de guérison. Seules des techniques de médecine classique arrivent à démontrer un impact sur les chances de guérison. Ne rajoutez pas des risques inutiles. La sécurité avant tout et cette sécurité passe par la communication avec son médecin traitant. »

Vers une médecine intégrative

Celle-ci englobe la maladie elle-même mais aussi tout ce qui tourne autour, autrement dit tous les aspects liés au mode vie, au bien-être et au stress. Cette approche, née aux Etats-Unis et introduite dans les programmes de médecine dans les universités américaines et canadiennes depuis le début des années 2000, est encore peu connue du corps médical en Europe. En revanche, elle est pratiquée par les patients. « De nombreuses études ont été réalisées sur le sujet, et certaines d’entre elles montrent clairement que le cancer tout comme ses traitements poussent une proportion importante de patients à combiner leurs traitements conventionnels avec d’autres méthodes qui le sont moins », explique Olivier Schmitz, anthropologue à l’UCL. Le cancer est une maladie terrible qui véhicule énormément de représentations, qui touchent à tous les aspects de la vie des patients. La prise en charge de ces aspects reste parcellaire et est rarement assurée par l’institution hospitalière. Le patient, angoissé, désemparé et perdu, sait très bien que les médecines non conventionnelles ne vont pas le guérir, mais il cherche du « sens » à la maladie (pourquoi moi ? pourquoi maintenant ?) et à la guérison (vais-je guérir ? à quel prix ?), des conseils et des encouragements, parfois tout simplement de pouvoir en parler avec quelqu’un qui ne soit pas un proche. On peut ainsi affirmer que, selon les cancers et selon les recours pris en compte, jusqu’à huit patients sur dix empruntent, d’une façon ou d’une autre, des voies parallèles qui vont d’une consultation chez un psychothérapeute ou chez un homéopathe à l’utilisation d’huiles essentielles. Le scénario standard n’existe pas et la fréquentation des différents thérapeutes dépend beaucoup de la culture, au sens large, du patient.

Massages, sophrologie et homéopathie

Partisan d’une médecine intégrative, le Dr Bernard Willemart, chef du service d’oncologie, radiothérapie et médecine nucléaire à la clinique Sainte-Elisabeth à Namur, a lancé en mai 2009 un projet pilote de soins de massages, soutenu financièrement par la Fondation contre le cancer. Les massages, gratuits, sont dispensés par des massothérapeutes spécialement formés, suivis par des psycho-oncologues. Souhaitant aller plus loin, le service d’oncologie propose, depuis le début 2011, des séances de sophrologie de groupe. « Les résultats sont vraiment extraordinaires, souligne le Dr Willemart. Aujourd’hui, nous nous trouvons à un point de non-retour et il est inconcevable de ne plus proposer ces soins. Le financement reste toutefois un problème. A l’avenir, nous tâcherons de trouver des partenariats privés. » On retrouve la même vision intégrative chez certains médecins homéopathes. Le Dr Odile Cormann, médecin généraliste, diplômée en carcinologie clinique, travaille en synergie et en étroite collaboration avec les oncologues pour complémenter les traitements lourds. « La nature même d’un traitement homéopathique a deux avantages, explique-t-elle. La dilution des produits permet un confort d’utilisation et une non-interaction avec le traitement oncologique. Par ailleurs, la consultation en elle-même permet d’aborder tout le contexte de la maladie : l’alimentation, le sommeil, l’environnement, l’aspect psycho-émotionnel et le vécu. Sa durée, minimum une heure, permet au patient d’avoir la parole, de se sentir écouté et pris en charge dans sa globalité. Or la médecine classique est loin de répondre à ses angoisses et à ses interrogations. » D’autres bénéfices de l’homéopathie ? Elle diminuerait les effets secondaires des traitements, les nausées et les aphtes et soutiendrait le système immunitaire. Même si ces faits n’ont pas été validés scientifiquement, ils ont été constatés de manière empirique.

L’objectif des médecines non conventionnelles consiste donc à apporter un soulagement, une amélioration de la qualité de vie, une diminution du stress et des effets secondaires. Ce n’est pas négligeable. La conclusion ? Laissons-la au Dr Vander Steichel : « Le recours à une médecine non conventionnelle peut s’envisager en plus ou en complément du traitement classique mais jamais, au grand jamais, à la place de ce traitement. »

Journée d’information « Médecines non conventionnelles et cancers. Quels bénéfices ? Quels risques ? », 16 décembre 2011, de 9 heures à 15 h30, palais des Beaux-Arts, à Bruxelles. Inscription : www.cancer.be

BARBARA WITKOWSKA

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